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BRICH59
30 janvier 2006

L'esprit d'entreprise s'enseigne-t-il ?

Il y a quelques messages, dans ma série "De l'esprit d'entreprise", je demandais si cet esprit-là s'enseignait. ath_platPosant cette insidieuse question, mon cortex réactivait mes souvenirs de lecture d'apprenti philosophe découvrant les dialogues de ce bon Platon, notamment celui (le Ménon) où Socrate l'insidieux travaillait cette belle question : "la vertu est-elle à même d'être enseignée"...
Fidèle à la méthode socratesque, méthode de la prudence philosophique, j'avais commencé par tenter d'éclaircir ce dont on parle quand on dit "esprit d'entreprise"...

E-sérendipité oblige, je suis tombé sur un blog dont le sujet semble être ce fameux esprit d'entreprise, notamment dans ses dimensions éducatives et pédagogiques : je veux parler du blog d'ellenika, à moins qu'il faille écrire Ελληνικά - ce qui nous rapproche de Socrate et Platon. Ce blog s'ouvre avec ces mots :

ellenikaPeut-on former à « l'esprit d'entreprise » ? Depuis 20 ans, l'U.E. soutient des projets favorisant l'esprit d'entreprise (le goût d'entreprendre) dans les établissements d'enseignement. Est-ce une remise en cause des fonctions ordinaires de l'Éducation Nationale ? Quels sont la signification et les enjeux d'un tel projet ? Ce sont là les quelques questions posées dans la thèse de doctorat en sciences de l'éducation.

Ouvert en octobre dernier, ce blog, muet depuis le 2 décembre, est prometteur. Ce serait sympa qu'Ελληνικά se présente plus avant et nous livre ses réflexions éclairantes...


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26 janvier 2006

Europe et Tchétchénie

lemonde_dat__du_27janv06Le Conseil de l’Europe dénonce la torture en Tchétchénie. C'est Le Monde qui nous l'apprend, sous la signature de Natalie Nougayrède, dans l'édition datée de demain 27 janvier 2006...

Amnesty International nous annonçait la semai- ne dernière que la situation des droits humains en Tchétchénie devait être examinée à la ses- sion de janvier de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe...

Dans le quotidien français, ce soir, on peut lire ceci :
Il [i.e. le rapport du député allemand Rudolf Bindig, rassemblant de nombreux éléments sur les exactions commises en Tchétchénie] dénonce aussi les "mesures de représailles", crimes et actes d’intimidation, dont sont victimes en Tchétchénie des personnes ayant choisi de déposer un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le rapport de M. Bindig mentionne, à ce sujet, le cas de Saït-Hussein Elmoursaev, un habitant du village de Douba Iourt, dont le fils avait été torturé et tué par des soldats russes en avril 2004 (son corps avait été retrouvé en bordure de route avec huit autres cadavres mutilés). Le Monde avait recueilli, sur place, le récit de ce père éploré, qui avait insisté pour que son témoignage ne reste pas anonyme: il voulait introduire une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Quelques mois plus tard, des soldats russes sont venus arrêter Saït-Hussein Elmoursaev ainsi qu’un autre de ses fils. Le 8 mai 2005, le corps du vieil homme était retrouvé dans la rivière Sounja, près de Grozny.
Sans commentaire.

Montrée du doigt par le Conseil de l'Europe, la Russie de Vladimir Poutine n'est cependant pas inquiétée le moins du monde... Aucune sanction à l'horizon... À moins que le rapport Binding et la déclaration du Conseil soient le vrai début d'une vraie prise en compte des "réalités vraies" de la Russie d'aujourd'hui...

Concernant les relations entre Europe et Tchétchénie, notamment le regard et les gestes de la première vers la seconde, je me permets de renvoyer à La Tchétchénie et l’Europe, bref document de synthèse proposé par Julie Le Mazier & Florent de Bodman, lors de la séance du 4 mai 2005 du séminaire de l'Association Pollens, à l'École Normale Supérieure (téléchargeable en pdf) - que je présentais en octobre dernier, dans un petit point bibliographique.


25 janvier 2006

Réalisme démocratique

coverNotre premier ministre se fait le chantre d'un nouveau "réalisme démocratique"... dans l'entretien qu'il accorde au Nouvel Observateur publié demain 26 janvier. D'ailleurs, dans ce texte la démocratie est partout. Mais surtout le réalisme et plein de mots en isme : à peine a-t-il proféré trois mot qu'apparaissent dans sa bouche "volontarisme" et "pragmatisme". Formidable non ?


Puis, deuxième phrase : "Nous sommes à un moment de l'histoire de notre pays où il faut éviter d'opposer des exigences qui, loin d'être contradictoires, sont souvent complémentaires : la liberté et la solidarité, le dynamisme économique et le progrès social, l'innovation et la fidélité à la tradition française."

Intéressante cette liste de "complémentaires" :

liberté / solidarité
dynamisme économique / progrès social
innovation / fidélité à la tradition française

Des complémentaires dont certains, nous dit M.De, voudraient faire des contraires... Cette liste est assez bien ordonnée, bien rangée. Pour bien comprendre la signification profonde du propos, il faut juste traduire le premier terme de chaque couple : liberté = liberté d'entreprendre (libéralisme), dynamisme économique = enrichissement des riches (capitalisme), innovation = dérégulation du droit (totalitarisme) - ce qui donne :

liberté d'entreprendre / solidarité
enrichissement des riches / progrès social
dérégulation du droit / fidélité à la tradition française

Cela donne du coup toute leur force aux seconds termes des couples...


Dans ce texte la démocratie est partout. Ça me fait penser à l'inflation verbale pour exprimer l'intérêt des enfants dans les divorces : on n'en parle jamais tant que lorsqu'on le bafoue... À parler autant de démocratie, que veut cacher notre M.De ?


Il y a une théorie américaine récente, appelée, "réalisme démocratique", qui veut que les USA ne doivent imposer la démocratie, en quelque sorte, que là où ça leur est utile... C'est l'un des "penseurs" de la droite américaine, Charles Krauthammer, qui défend cette théorie, qui repose sur une belle image des USA : "Les Etats-Unis (seraient) une république athénienne... plus républicaine et infiniment plus démocratique qu’Athènes". Ce Monsieur fut éditorialiste au Washington Post, prix Pulitzer 1987, main des discours politiques du vice-président Walter Mondale (1980) et l’un des principaux conseillers scientifiques de Jimmy Carter à la Maison Blanche. Cf. Will Marshall, "Democratic Realism: the Third Way", Blueprint Magazine, 1er janvier 2000. Cf; aussi ce texte de notre américain publié sur la toile.
On voit, dans cette déclinaison américaine du "réalisme démocratique", ce qu'apporte le sens de la réalité à l'idée de démocratie...


Il est une autre déclinaison du "réalisme démocratique", africaine cette fois : il s'agit d'un calcul des intérêts politiques et géopolitiques, largement défavorable aux hommes ou aux partis potentiellement vainqueurs des compétitions électorales. Intéressant non ? J'ai lu ça dans un forum camerounais (cameroon-info.net).


Et notre M.De de poursuivre :
"J'ai été profondément marqué par le 21 avril 2002, qui a été un vrai choc pour notre pays et le signe d'un profond scepticisme politique. Si nous voulons éviter que cela ne se reproduise en 2007, nous devons faire preuve de réalisme démocratique : être lucide, ne jamais perdre de vue la vérité des choses." Car, c'est bien connu, la "vérité des choses", ça se voit et il ne faut pas la "perdre de vue" ! Damned, moi qui croyait que la vérité était, tout comme la réalité et sûrement plus d'ailleurs, une construction de l'esprit ! C'est ce que mon prof de philo m'avait expliqué. C'est ce que ce bon Montaigne avait écrit. Et tant d'autres à sa suite...

À moins que la politique, ça se construise à coup de révélation : un premier ministre, ça rencontre la "vérité des choses", comme Paul Claudel avait rencontré Dieu derrière un pilier de Notre-Dame, ou Paul l'apôtre romain sur le chemin de Damas... Mais alors ce n'est plus de la politique, c'est de la religion ! D'ailleurs, regardez cet entretien, M.De n'arrête pas de dire "je crois" : "je crois en l'action", "Je crois profondément aux vertus du dialogue et de l'écoute", "je crois profondément au modèle social français", "je crois [...] à la dynamique de l'activité", "je crois nécessaire de dépasser les clivages partisans". Et il veut "que les Français croient à nouveau en l'action politique"...


Non mais, rassure-toi, lecteur fidèle et attentif, c'est pour rire ! C'est juste une façon de parler. De la rhétorique, quoi ! D'ailleurs, c'est comme ça tout du long, entre les mots interlopes et les non-dits...

Mais restons-en aux quatre premières phrases !

Ce sera meilleur pour le moral !


23 janvier 2006

Un site annuaire sur les thésaurus

mylineathesaurus
Ma récente mise à jour des pages que je consacre aux thésaurus - pages hébergées par Mylinea - m'incitent à rédiger ce petit mot de présentation. En effet, les listes de thésaurus en ligne proposées sur la toile sont de plus en plus en plus nombreuses - la dernière en date paraissant être celle de Sylvie Dalbin, que je ne connais pas personnellement mais que je salue pour l'intérêt de son blog.
th_saurus02
La liste que je propose (le lien figure en troisième position de ma liste de liens dans la colonne de droite du présent blog) est destinée au travail des apprenants documentalistes, qu'ils soient étudiants ou stagiaires de la formation professionnelle.

Elle ne prétend donc pas être exhaustive, dans la mesure où les critères qui président à la décision de signaler ou non tel ou tel thésaurus sont assez précis. Il s'agit d'une liste de :

  • thésaurus (ce qui exclut les simples lexiques, ou les thésaurus hiérarchiquement trop pauvres),

  • en langue française (ou multilingues avec version française),

  • praticables en ligne en tant que thésaurus isolé (avec liens internes au thésaurus afin de pouvoir y circuler) ou en tant qu'outil linguistique de recherche dans une base de données, voire simplement téléchargeables. Ce qui donne une répartition sur trois listes.

Enfin, tout un chacun peut proposer une url de thésaurus, en cliquant sur ce lien - dans le respect, bien sûr, des critères énoncés plus haut.


Par ailleurs, trois autres rubriques sont disponibles sur ce site-annuaires, outre la liste des liens vers des thésaurus de langue française et praticables en ligne :

  1. Documents divers sur les thésaurus (ou thesauri), page qui propose de la littérature au sujet des thésaurus... là aussi le visiteur peut déposer une idée de lien... en cliquant .

  2. Quelques Bases de Données en ligne, page écrite un jour où je devais faire travailler des apprenants sur la manipulation de bases de données - écriture sans suite (peut-être faudrait-il que je supprime cette page...) ; à moins que vous ne vouliez qu'on augmente cette liste... Dans ce cas, n'hésitez pas à proposer des liens en cliquant ici.

  3. Quelques pages en plus ?, hors thématiques thésaurus ou bases de données : ça va du vocabulaire de la documentation à la musique vocale, en passant par les langages classificatoires... C'était bien avant que Canalblog ne m'héberge !


21 janvier 2006

Modernité et progrès sont les deux mamelles de l'idéologie

Au nom de la modernité que n'aurons-nous pas fait, que n'aurons-nous pas prétendu ? J'en parlais avant-hier !

Modernité, progrès.
Deux mots vides, comme dirait le documentaliste, travailleur du langage.
Deux mots sans pesanteur référentielle, comme dirait le linguiste, cousin du documentaliste.

librairie_philosophieJe me souviens de la maquette pédagogique de la philosophie à la Sorbonne, quand j'étais étudiant parisien, maquette où la modernité commençait à Galilée et Descartes et finissait à Kant, s'étalant définitivement sur deux siècles bien délimités, d'un côté par la Renaissance, de l'autre par l'âge industriel. Il me semble que cette division universitaire de l'histoire de la pensée européenne fonctionne encore aujourd'hui. Cette caractérisation de la modernité a le grand mérite de signifier quelque chose de précis, de pouvoir être localisée assez précisément dans un ensemble plus vaste qui serait l'histoire universitaire de la pensée européenne...
Aujourd'hui (et hors cet usage qu'en fait la philosophie universitaire), "la modernité est sans doute le mot le plus creux de la langue française", comme dit Serge Uzzan, professionnel de la communication et de la publicité. En effet, le terme 'modernité' ne renvoie à rien de tangible : au mieux, il signifierait seulement un dépassement de la "tradition".
Ce qui permettra tous les bons mots faciles du style de celui de Jean d'Ormesson dans sa Réponse au discours de réception à l'Académie française de Madame Yourcenar : "La plus haute tâche de la tradition est de rendre au progrès la politesse qu'elle lui doit et de permettre au progrès de surgir de la tradition comme la tradition a surgi du progrès." Bon ! Ne peut-on simplement en rester au constat que faisait Édouard Herriot à propos du progrès (dans Créer) : "La tradition, c'est le progrès dans le passé; le progrès, dans l'avenir, ce sera la tradition." Ou alors croyons Henri Bergson qui disait que : "Nous ne percevons, pratiquement, que par le passé, le présent pur étant l'insaisissable progrès du passé rongeant l'avenir." Etc.
On est ici dans une relativité où les mots se définissent les uns par rapport aux autres dans un système d'énonciation clos. Sorti de ce système, le mot ne signifie plus rien de stable. C'est pour ça que le documentaliste s'en méfie. Comme pour tous ces mots, toutes ces expressions qui datent les choses et n'apportent d'information que pour situer dans le temps, c'est-à-dire pour relativiser. Dans les années quatre-vingt, de nombreuses technologies ont fait leur intrusion dans le monde de l'éducation. Du coup les professionnels de la formation parlaient, à l'époque, de 'nouvelles technologies éducatives'. Les documentalistes, armés de leur regard linguistique acéré, préféraient parler, eux, simplement de 'technologie éducative', pour la simple raison que parler de 'nouvelles technologies éducatives', c'est tout juste parler de 'technologies éducatives' en disant d'elles qu'elles sont nouvelles - nouvelles pour celui qui en parle à ce moment-là et pour son auditoire du moment. Imaginez que les documentalistes des années quatre-vingt aient indexé avec des descripteurs comme 'nouvelles technologies éducatives' des documents présentant et analysant comment le minitel pouvait être utilisé pour enseigner ! Imaginez la tête de ceux qui aujourd'hui voudraient se renseigner sur ce que sont les 'nouvelles technologies éducatives' et tomberaient sur des documents parlant du minitel... ! Bref 'modernité', 'progrès', 'nouveauté' sont des termes dangereux en ce que leur taux de péremption est très élevé et qu'ils encombrent la description qu'on peut entreprendre des choses elles-mêmes ... et peuvent polluer ainsi le travail documentaliste.
Et puis, à bien comprendre, l'idée de progrès est l'idée d'une histoire sans fin. Relisez Kant quand il fait ce constat : "Le genre humain a toujours été en progrès et continuera toujours de l'être à l'avenir: ce qui ouvre une perspective à perte de vue dans le temps". Relisez Sauvy quand il se plaint ainsi : "Despote conquérant, le progrès technique ne souffre pas l'arrêt. Tout ralentissement équivalant à un recul, l'humanité est condamnée au progrès à perpétuité." Joli tableau !

Mais alors pourquoi ces mots de 'modernité' et de 'progrès' sont-ils si souvent employés et de façon si continue ? Et de façon si positive dans la bouche des hommes et des femmes au pouvoir politique et économique ?

Souviens-toi de François Brune, lecteur attentif et fidèle !

Mais allons un cran plus loin. Hans Jonas a écrit que "l'esprit moderne est incompatible avec l'idée d'immortalité". Il l'a remplacé par l'idée de progrès. À part ça, rien n'a changé ! C'est toute proportion gardée, comme ce que disait un cardinal (Jean Daniélou) au sujet de [l'idée de] Dieu : "Plus on possède Dieu, plus on veut le chercher; il est toujours au-delà de ce que nous atteignons; il requiert sans cesse de notre part un nouveau progrès; l'erreur serait de nous arrêter." La fuite en avant que constatait Kant et que dénonçait Sauvy est bien là. Sa version "laïque", c'est peut-être le positivisme d'un Auguste Comte qui la formule le mieux : "La formule sacrée du positivisme: l'amour pour principe, l'ordre pour base, et le progrès pour but". Amour, ordre, progrès : drôle d'assemblage ! Mais assemblage qui laisse voir la véritable fonction d'idée que celle de 'progrès'. Dit plus crûment, cela donne ces deux vers d'un poème de Daniel Lesueur :

La loi, l'unique loi, farouche, inexorable,
Qui régit tout progrès, c'est la loi du plus fort.

Je ne tournerai pas autour du pot plus longtemps. Il y aurait tant et tant à dire. Le format Blog n'autorisant pas forcément la prolixité du discours, j'irai droit à l'idée - que Bourdieu énonçait fort bien :

contre_feuxSi cette révolution conservatrice peut tromper, c'est qu'elle n'a plus rien, en apparence, de la vieille pastorale Forêt-Noire des révolutionnaires conservateurs des années trente ; elle se pare de tous les signes de la modernité. Ne vient-elle pas de Chicago ? Galilée disait que le monde naturel est écrit en langage mathématique. Aujourd'hui, on veut nous faire croire que c'est le monde économique et social qui se met en équations. C'est en s'armant de mathématique (et de pouvoir médiatique) que le néo-libéralisme est devenu la forme suprême de la sociodicée conservatrice qui s'annonçait, depuis 30 ans, sous le nom de « fin des idéologies », ou, plus récemment, de « fin de l'histoire ».

C'était dans Le mythe de la "mondialisation" et l'État social européen, une intervention prononcée à la Confédération générale des travailleurs grecs, (GSEE) à Athènes, en octobre 1996 et reprise dans Contre-Feux, en 1998.

C'est on ne peut plus clair et renvoie effectivement à l'analyse de François Brune, au-delà de tous les soupçons dont cette idée de 'progrès' ou celle de 'modernité' ont pu faire l'objet depuis des lustres. Les soupçons les plus graves étant sûrement, d'une part, celui qui voit dans le progrès une réalité à double face, l'autre face étant de l'ordre de la régression ["Le progrès et la catastrophe sont l'avers et le revers d'une même médaille", disait Hannah Arendt], d'autre part, celui qui voit dans la croyance au progrès un frein à l'émancipation ["C'est la nécessité de combattre qui semble oubliée... ce qui domine semble être la certitude tranquille d'un progrès en marche", écrivait Françoise Giroud dans Le silence des filles]...

Le mot de la fin (provisoire) sera celui que Paul Anthony Samuelson, économiste américain, a prononcé lors d’une conférence à Harvard (16 Août 1976) :

Les profits sont le sang vital du système economique,
l'elixir magique sur lequel repose tout progrès.
Mais le sang d'une personne peut être
le cancer pour une autre.


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20 janvier 2006

De l'esprit d'entreprise (5)

suite de ...

Plusieurs remarques (très personnelles) s'imposent.


Stratégie européenne pour l'emploi

La stratégie institue une coordination permanente des politiques de l'emploi des États membres par les lignes directrices pour l'emploi, qui sont rassemblées en quatre thèmes communs ou piliers:

  • Aptitude à l'emploi - Aider aussi bien les travailleurs que les sans-emploi à développer les compétences adéquates.

  • Esprit d'entreprise - Faciliter le démarrage et la gestion d'une entreprise, et permettre d'y employer plus facilement du personnel.

  • Adaptabilité - Élaborer de nouvelles compétences et façons de travailler dans un monde en mutation rapide.

  • Égalité des chances - Égalité d'accès à l'emploi pour chacun, aider à concilier vie professionnelle et familiale

Le cycle annuel de mise en oeuvre et de suivi des politiques nationales de l'emploi a été baptisé "processus de Luxembourg", car c'est au sommet sur l'emploi de Luxembourg en 1997 que les procédures ont été adoptées.


La panoplie des compétences clés a pour fonction de systématiser, de recentrer des énumérations de compétences existantes ici ou là, de redire, de façon plus serrée, à un endroit topique (quelque chose comme une base universelle et incontestable de discussion) ce qui se dit déjà dans l'éparpillement d'ailleurs identifiés...
Le tout sur un ton hyper-prescriptif : cf. "La recommandation proposée définit les compétences clés nécessaires à tous les citoyens dans l'économie et la société basées sur la connaissance. Elle reconnaît qu'il est préférable que les dispositions d'application soient prises au niveau national, régional et/ou local. Elle appelle les États membres à veiller à ce que tous les élèves aient acquis les compétences clés au terme de la période obligatoire d’enseignement et de formation et les encourage, à la lumière des critères de référence européens, à lutter contre les inégalités dans l’éducation. S'agissant des adultes, la recommandation appelle à la création d'importantes infrastructures en collaboration avec toutes les parties prenantes."


L'intégration de l'apprendre à apprendre montrerait qu'on parle en fait des compétences qui font l'autonomie de la personne... mais cf. ce qui suit au sujet de l'esprit d'entreprise.


Quand la commission ajoute à la panoplie l'esprit d'entreprise (ajout datant du Conseil de Lisbonne), il est légitime d'y voir une percée du discours libéral [esprit d'entreprise -> liberté d'entreprendre -> libéralisme], qui tente par tous les moyens de faire porter aux individus exclus ou en difficultés sociales la responsabilité de leur exclusion ou de leurs difficultés... Ce qui n'empêche pas (ou d'autant plus) que les gens de la Commission reconnaissent que "les personnes faiblement qualifiées sont moins susceptibles de participer à des formations" et qu'il est "donc plus difficile d'aider ceux qui en ont le plus besoin".


Il y aurait à gloser sur l'idée que l'esprit d'entreprise serait une "nouvelle compétence nécessaire dans une société de la connaissance"... ; souvenons-nous d'une certaine phrase de premier ministre français d'il y a trente ans !


Plus sérieusement, cf. les textes de Christian Laval, auteur de L’école n’est pas une entreprise (La Découverte, Paris, 2003) notamment, mais aussi d'une contribution dans Le Monde Diplomatique...


Les compétences clés se comprennent bien - même si cela n'est pas toujours explicite - en termes de "besoins professionnels", besoins pour le (bon) fonctionnement de l'économie européenne, l'éducation devant travailler (prioritairement ?) à la satisfaction de ces besoins. Vieux débats...


En termes de modèle socio-anthropologique, on est encore dans un humanisme à la Bertrand Schwartz, d'une part par le parti pris affiché de maintenir la globalité (cf. par exemple lorsque la Commission affirme que les inégalités dans l’éducation résultent souvent de la conjonction de circonstances personnelles, sociales, culturelles et économiques, et doivent être abordées en collaboration avec d'autres secteurs), d'autre part par la mise en avant de la finalité citoyenne et autonomisante de l'éducation.


Côté réalisation formation, un chantier pédagogique et d'ingénierie sur la base d'un tel échaffaudage conceptuel (pas forcément stable intrinsèquement) appelle une pratique serrée de large partenariat régional au sens large (y compris transfrontalier - cf. dynamique type EQUAL), mais aussi intersectoriel (formation continue + formation initiale + travail social + SPE + etc.).


19 janvier 2006

Modernité et lisibilité sont les deux mamelles de la logorrhée politique

dominique_villepinAvez-vous écoutez Monsieur De et Madame Medef ? ou simplement lu la transcription de leurs propos publics ?
Moi oui !
Le premier en appelle à la modernité ! Il s'agit de rien moins que de « faire entrer le marché du travail français dans la modernité », c'est-à-dire d'intégrer dans le droit du travail, pour lutter contre le chômage des jeunes, le « contrat premier licenciement », comme dit si bien Le Canard enchaîné d'hier...
h_4_ill_669469_gamma_789155_3311La seconde en appelle à la lisibilité, c'est-à-dire - curieux raccourci, n'est-il pas ? - à la nécessité de « mettre en cause le concept de durée légale du travail ».
D'ailleurs, pratiquant une synthèse bienvenue ici, n'avait-elle pas affirmé, en d'autres temps, que « la modernité et la liberté de penser s'arrêtent là où commence le droit du travail » (cf. un ancien billet sur ce blog) ?

nathalie_croiset__le_reve_de_l_escalier_Faut-il vraiment que je développe ?
Pour dire qu'il est des mots qui ne veulent rien dire.
Pour dire qu'il est des mots qu'on utilise à contre-sens.
Pour dire qu'il est des mots qu'on utilise pour manipuler l'intelligence des citoyens et brouiller leur clairvoyance.

Photo ci-contre : Le rêve de l'escalier,
             sculpture de Nathalie Croiset


18 janvier 2006

De l'esprit d'entreprise, enfin ! (4)

suite de...

Parmi les huits compétences pointées par les experts européens, il en est une qui est au plus haut point intéressante : l'esprit d'entreprise.


Ce que dit la proposition de nov.2005
Définition

L’esprit d’entreprise se réfère à l’aptitude d’un individu à passer des idées aux actes. Il suppose de la créativité, de l’innovation et une prise de risques, ainsi que la capacité de programmer et de gérer des projets en vue de la réalisation d’objectifs. Cette compétence est un atout pour tout le monde dans la vie de tous les jours, à la maison et en société, pour les salariés conscients du contexte dans lequel s'inscrit leur travail et en mesure de saisir les occasions qui se présentent, et elle est le ferment de l’acquisition de qualifications et de connaissances plus spécifiques dont ont besoin les chefs d’entreprise qui créent une activité sociale ou commerciale.


Connaissances, aptitudes et attitudes essentielles
correspondant à cette compétence

La connaissance à avoir est celle des possibilités offertes aux fins d’activités privées, professionnelles et/ou commerciales, y compris d’aspects "de plus grande ampleur" qui sont révélateurs du contexte dans lequel des personnes vivent et travaillent, comme une compréhension générale des mécanismes de l’économie. Il s’agit également de la connaissance des possibilités offertes à un employeur ou à une organisation et des enjeux que ceux-ci doivent relever. Les individus devraient être au fait de la position éthique des entreprises, et de la manière pour elles de servir d’exemple en menant une activité commerciale honnête ou en étant une entreprise sociale.

Les aptitudes relèvent d’une gestion anticipative (planification, organi- sation, gestion, gestion de groupes et délégation, analyse, communication, compte rendu et évaluation et rapport), et de la capacité à travailler isolément ou en équipes. Il s’agit de l’aptitude à identifier ses points forts et ses faiblesses, et à évaluer et à prendre des risques jugés utiles.

Un esprit d’entreprise se caractérise par une disposition à prendre des initiatives, à anticiper, à être indépendant et novateur dans la vie privée et en société, autant qu’au travail. Il implique aussi motivation et détermination au travail et/ou dans la réalisation d’objectifs, qu’il s’agisse d’objectifs personnels ou de buts collectifs.



Ce qu'on peut en dire

Mis en avant comme compétence de base, il semble que l'"esprit d'entreprise" date du Conseil de Lisbonne. Mais il était déjà là, comme pilier de la politique emploi européenne...

De quoi on parle ?

Les Canadiens constatent que, "aujourd'hui, dans la plupart des pays de l'OCDE, on valorise l'esprit d'entreprise et la responsabilité personnelle. Les adultes sont censés être souples, ouverts, novateurs, créatifs, autonomes et motivés et assumer la responsabilité de leurs décisions et de leurs actes à titre d'apprentis, de travailleurs, de citoyens, de membres d'une famille ou de consommateurs". Il est vrai qu'on en parle beaucoup : environ 386.000 occurrences pour "esprit d'entreprise" sur la toile telle que visitée par Google le 12 décembre 2005...

Pour Bruno PONSON et Jean Louis SCHAAN (L'esprit d'entreprise. Aspects managériaux dans le monde francophone, 1993), "l’esprit d’entreprise, c’est générer les innovations et avoir la volonté de les voir aboutir". Pour Pierre André JULIEN et Michel MARCHESNAY (L'entrepreneuriat, 1996), "l’esprit d’entreprise peut être défini comme l’aptitude d’un individu, d’un groupe social, d’une communauté à prendre des risques pour engager des capitaux (pour investir, voire s’investir) dans une sorte d’aventure (« une entreprise »), consistant à apporter quelque chose de neuf (l’innovation), de créatif, ceci en employant et en combinant de la façon la plus performante possible des ressources diverses".

Claude Thélot (devant les députés, audition du 17 mars 2004) envisage "l'esprit d'entreprise, au sens large". Il précise que l'expression "peut prêter à confusion. Il y a un courant de pensée, dit-il, qui voit ces mots et qui se dit "globalisation", "marchandisation", ou même "américanisation". Je pense qu’il n’en est rien. Et il suffit de voir la définition de l’esprit d’entreprise qui a été donnée par la table ronde d’industriels européens, qui sont les grandes industries européennes, type Renault, Saint-Gobain, Suez. Et dont les intérêts sont clairement centrés sur la compétitivité. Je vais vous lire comment ils ont défini l’esprit d’entreprise dans un document qu’ils ont adressé aux chefs d’États et de gouvernements. Ils ont dit que même s’il est clair que l’Europe a besoin de plus d’entrepreneurs, l’esprit d’entreprise se définit comme le développement d’une capacité de créativité, d’innovation, de flexibilité, de travail en équipe et de curiosité intellectuelle. Alors on peut se demander si c’est vraiment ça l’esprit d’entreprise, mais on peut difficilement dire, je crois, qu’on veut s’opposer au développement de ces capacités chez les jeunes ou même chez les moins jeunes. Donc, esprit d’entreprise au sens large: pas la nécessité d’être un entrepreneur mais un sens de l’entreprise."

C'est en 1997 que l’Europe a défini les quatre piliers suivants de stratégie européenne pour l’emploi: l'employabilité, l'esprit d’entreprise, l'adaptabilité et l'égalité des chances, le FSE étant l’instrument financier de sa mise en oeuvre.... Du point de vue de la politique européenne de l'emploi, l'esprit d'entreprise, c'est "faciliter le démarrage et la gestion d'une entreprise, et permettre d'y employer plus facilement du personnel"...

Janvier 2003, la Commission présente son Livre vert L'esprit d'entreprise en Europe. Incitant l'Europe à relever ce "défi" qu'est l'esprit d'entreprise, ce document met en perspective une coordination des politiques en faveur de l'esprit d'entreprise et souhaite un engagement sur "trois axes d'action pour une société favorable à l'entreprise" : élimination des obstacles au développement et à la croissance des entreprises, recherche d'un équilibre stable et viable entre le risque et la rétribution de l’entrepreneur et valorisation de l'esprit d'entreprise dans l'Europe élargie...

L'esprit d'entreprise s'enseigne-t-il ?

"Peut-on apprendre l’esprit d’entreprise ?", demandent Ponson et Schaan. "Sans doute non, mais peut-être le révéler ou le renforcer là où il existe", répondent-ils aussitôt.

Et une des façons notoires de "le renforcer là où il existe", voire de "le révéler", c'est sûrement de favoriser son partage. L'esprit d'entreprise, c'est comme la bonne parole, comme la flamme de l'Esprit sur la tête des apôtres au quarantième jour après la Passion : ça se partage, ça se propage, ça contamine... De toutes les façons, ça se diffuse : la première des missions de l'APCE française (Agence Pour la Création d’Entreprises) n'est-elle pas précisément d'"assurer la diffusion de l’esprit d’entreprise" ? L'esprit d'entreprise est un vent qui sait porter l'innovation : l'un des principaux objectifs de l'eEurope n'est-il pas d'"introduire en Europe une culture numérique soutenue par un esprit d'entreprise favorable au financement et au développement de nouvelles idées" (document fondateur de 1999) ? Élargissant le cercle territorial, on peut aller voir les missions de la Jeune Chambre Internationale, fédération mondiale de jeunes professionnels et chefs d'entreprise, âgés de 18 à 40 ans, dont la mission est de "contribuer au progrès de la communauté globale en offrant aux jeunes les moyens de développer les aptitudes à diriger, la responsabilité sociale, les contacts amicaux et l'esprit d'entreprise, nécessaires pour créer un changement positif"...

Bref, l'esprit d'entreprise, ça souffle, ça se souffle, mais ça ne s'apprend pas ! Sauf que, un peu partout en Europe, il y a plein d'expériences pédagogiques centrées sur l'objectif de son développement, voire de son acquisition... et qu'aujourd'hui la Commission inscrit l'esprit d'entreprise comme compétence de base à acquérir dans l'enseignement obligatoire initial et à entretenir (voire acquérir si ce n'est déjà fait) dans le cadre élargi de l'éducation permanente. Il y a trois ans le livre vert sur l'esprit d'entreprise en Europe affirmait que "l'éducation et la formation devraient contribuer à promouvoir l'esprit d'entreprise en stimulant les mentalités, la prise de conscience des opportunités de carrière en tant qu'entrepreneur et les compétences." L'une des dernières questions que posent le livre vert se formule ainsi : "Comment l'éducation peut-elle contribuer à sensibiliser davantage et à fournir les outils nécessaires au développement d’attitudes et de compétences entrepreneuriales (enseigne- ment de l'esprit d'entreprise à l'école, témoignages d'entrepreneurs dans les écoles, stages auprès d'entrepreneurs expérimentés, extension de la formation entrepreneuriale à l'université, davantage de filières en commerce et gestion (de type MBA), adéquation entre la formation à l'esprit d'entreprise et les programmes de recherche publics)?"...


Déjà expérimenté

Il existe une "agence polonaise pour le développement de l'esprit d'entreprise" - Pologne où "la ZRP [= Chambre polonaise des métiers] coopère avec le ministère de l'éducation nationale pour créer les conditions adéquates d'une éducation à l'esprit d'entreprise."

En Allemagne (Projet pédagogique "Atelier d'avenir"  / DGB - le monde de l'apprentissage pour l'orientation professionnelle), "une cyber-formation favorise l'acquisition de qualifications essentielles pour la vie professionnelle, comme l'esprit d'entreprise et les compétences en communication."

En Allemagne, "Apprendre tout au long de la vie implique d’encourager la collaboration entre les organismes de formation et les entreprises. Ces partenariats doivent intensifier le contact des élèves et des enseignants avec le monde du travail à travers des stages en entreprises pour les élèves et des offres de formation continue pour les professeurs sur les thèmes du monde du travail. Dans ce contexte, les contenus de formations se centrent sur la capacité à communiquer, la maîtrise des médias, l’esprit d’entreprise et l’ouverture sur le monde (acquisition de connaissances en langues étrangères, séjours à l’étranger, coopération transfrontalière). Dans le système dual de la formation professionnelle initiale, les règlements de formation pour la partie en entreprise (législation fédérale) et le programme pour la partie de la formation en établissement de formation (législation des Länder) intègrent ces nouvelles exigences."

Au Danemark : "un programme d’action pour développer l’esprit d’entreprise à travers tout le système scolaire (de l’école élémentaire jusqu’à l’enseignement supérieur) valorisant les qualités personnelles de courage et d’initiative, la culture d’innovation liée à l’usage des nouvelles technologies et au travail en réseau, et abordant les matières nécessaires au développement d’une activité."

En Slovénie, "outre l'amélioration des connaissances professionnelles, les partenaires sociaux ont mené à bien activement plusieurs programmes de formation à l'esprit d'entreprise pour les salariés, les jeunes et les chômeurs, en vue d'améliorer la compétitivité et la réussite des entreprises."

En France, sans parler des intrusions répétées des organisations patronales dans l'école (il suffit de lire Le Monde Diplomatique pour en être informé), on a http://www.pme.gouv.fr/espritdentreprise/index.php qui nous enjoint : « Libérez votre esprit d'entreprise ! », comme s'il s'agissait d'une pulsion naturelle qu'il s'agirait de laisser agir, la loi ayant cet office-là  !

à suivre


17 janvier 2006

Rapid elearning

Le rapid elearning consiste à transformer et diffuser rapidement du contenu existant (par exemple un cours en Powerpoint) sous forme multimédia, grâce à des outils variés caractérisés par leur simplicité d'utilisation et malgré son nom ne s'applique pas seulement au elearning. Éric Delcroix en parlait déjà l'an dernier...
Cette année, Éric nous organise trois conférences sur le sujet
Ce sera le

vendredi 20 janvier de 14 à 17 h
au C2RP, Immeuble Le Vendôme
50, rue Gustave Delory - 59800 LILLE
.

Trois conférences offertes dans la cadre du projet des étudiants du Master IDEMM de Lille 3 (UFR IDIST) : la création d'un site dédié au Rapid elearning.

Lpub_carrees intervenants sont:

Le tout sera animé par Eric Delcroix ‹ Les zed

Grâce à Speechi live les conférences seront diffusées gratuitement en direct sur Internet (présentation et audio avec une possibilité d'interrogation à distance) et également en MP3 Live.

Dans la soirée, les bloggers et les non bloggers qui désirent découvrir la blogosphère se retrouveront dès 19 h au Pain Quotidien (35, place Rihour 59000 Lille) pour des échanges variés et non dirigés

Pour plus d'informations sur blog en nord, cliquez ou écrivez à cette adresse.

Cette nouvelle reprend un message d'Éric Delcroix


16 janvier 2006

De l'esprit d'entreprise (3)

suite de ...

Le 10 novembre 2005, la Commission affirmait que "les États membres doivent accélérer le rythme des réformes de leurs systèmes d’éducation et de formation, faute de quoi une forte proportion de la prochaine génération sera confrontée à l’exclusion sociale".

La Commission insiste sur l'urgence de la situation : les orientations énoncées dans la stratégie de Lisbonne pour la croissance, l’emploi et la cohésion sociale, notamment celles qui visaient l'amélioration des qualifications et des compétences des jeunes, n'ont pas été suffisamment travaillées. "Les conséquences en seront graves pour tous les citoyens, poursuit le communiqué, en particulier les groupes défavorisés et les quelque 80 millions de travailleurs peu qualifiés en Europe, ainsi que pour l'économie tout entière, en matière de compétitivité et de création d'emplois."

Lors de la même séance de travail, la Commission a également approuvé une proposition visant à établir un cadre européen des compétences clés - outil de référence pratique destiné à soutenir les efforts des États membres dans leur rattrapage de la stratégie de Lisbonne.    

Les objectifs de cette proposition sont:

  • d'identifier et de définir les compétences clés ;

  • de soutenir les travaux des États membres visant à assurer qu'au terme des cursus d'éducation et de formation initiales, les jeunes aient acquis une maîtrise suffisante des compétences clés et que les adultes soient à même de développer et d'actualiser ces compétences tout au long de leur vie ;

  • de proposer un outil de référence européen ;

  • de constituer un cadre pour l'action communautaire à venir.

Dans cette proposition, les compétences clés, ce sont "les aptitudes, connaissances et attitudes jugées essentielles, que tout Européen devrait avoir pour réussir dans une société et une économie fondées sur la connaissance. [...] Elles s’appuient sur des qualifications de base et comportent des « éléments horizontaux » tels que la réflexion critique, la créativité, la dimension européenne et la citoyenneté active. Conjointement, ces compétences contribuent à l'épanouissement personnel, favorisent la participation active et améliorent la capacité d’insertion professionnelle."

On appréciera le flou conceptuel et le manque de précision référentielle d'une telle phraséologie à tiroirs !   
Reste que l'un des objectifs - discrètement énoncés - de cette proposition est bien de clarifier les choses et de rendre possible une communauté de langage entre les États européens sur un thème si fouilli... Le problème (selon moi et ceci n'engage que moi) est que tant que le système conceptuel emploi/éducation/formation ne sera pas explicité jusque dans ces contradictions les plus invivables, le langage ne pourra être clair...

Il faut noter également une distinction topique entre les "compétences professionnelles spécifiques" et les "compétences génériques", celles qui permettent de s'adapter aux changements - changements dûs à l'internationalisation croissante des économies (qui "influe sur le monde du travail, entraînant des changements rapides et fréquents, l'introduction de nouvelles technologies et de nouveaux modes d'organisation des entreprises").

Ces compétences clés sont au nombre de huit :

  1. Communication dans la langue maternelle

  2. Communication dans une langue étrangère

  3. Culture mathématique et compétences de base en sciences et technologies

  4. Culture numérique

  5. Apprendre à apprendre

  6. Compétences interpersonnelles, interculturelles et compétences sociales et civiques

  7. Esprit d’entreprise

  8. Expression culturelle

Le communiqué de presse du 10 nov. (IP/05/1405) ajoutent l'idée que ces compétences clés "s’appuient sur des qualifications de base et comportent des « éléments horizontaux » tels que la réflexion critique, la créativité, la dimension européenne et la citoyenneté active" ; et que "conjointement, ces compétences contribuent à l'épanouissement personnel, favorisent la participation active et améliorent la capacité d’insertion professionnelle".


À terme, on voit poindre un cadre européen des certifications ; cf. le doc. "Bruxelles, 8/7/2005, SEC(2005)957" ... avec notamment ceci : "Communication dans la langue maternelle, communication dans une autre langue, compétences de base en mathématiques, science et technologie, compétences informatiques, apprendre à apprendre, compétences interpersonnelles et civiques, esprit d'entreprise et expression culturelle. Ces compétences devraient êtres acquises à la fin de l'enseignement et de la formation obligatoires et être conservées tout au long de la vie. Ces compétences clés ont été intégrées en partie dans les niveaux de référence commun et les descripteurs d'un CECP".

à suivre


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