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BRICH59
10 décembre 2021

Les oubliés du droit d’asile

Après le rapport parlementaire sur "les migrations, les déplacements de populations et les conditions de vie et d’accès au droit des migrants, réfugiés et apatrides en regard des engagements nationaux, européens et internationaux de la France", paru le 10 novembre dernier, voici un autre rapport d'enquête, complémentaire, issu d'un travail interassociatif, mobilisant Action contre la Faim, Emmaüs Solidarités, Fédération des Acteurs de la Solidarité Ile-de-France, Fondation Armée du Salut, France Horizon, Samusocial de Paris, Secours Catholique – CEDRE et Watizat.

Communiqué de presse du 9 décembre :

Face à la dégradation de la situation des personnes exilées à Paris, neuf associations dévoilent un rapport d’enquête alarmant qui documente leurs conditions de vie et leur accès aux droits et aux services.

Cet état des lieux confirme la complexité du dispositif d’accueil mis en place, les conditions précaires qui en découlent et la difficulté des associations à répondre seules aux besoins. C’est pourquoi nous, associations, formulons des recommandations concrètes dans une perspective d’amélioration des conditions d’accueil.

Réalisée en juin 2021, l’enquête s’est tenue au sein de 5 structures d’accueil parisiennes. Sur les 700 hommes isolés exilés fréquentant quotidiennement ces lieux, plus de 500 d’entre eux ont répondu au questionnaire (525) et 95 ont participé à un entretien. Si les exilés interrogés relèvent de différents statuts (primo-arrivants, demandeurs d’asile, déboutés, bénéficiaires de la protection internationale), l’analyse des nombreuses étapes de leurs parcours révèle des trajectoires résidentielles fragmentées et une précarité globale.

L’Île-de-France, région la plus sollicitée par les procédures de demande d’asile, est marquée par un sous-dimensionnement de l’offre d’hébergement des personnes exilées. Cette tendance marque d’autant plus les personnes fréquentant les structures d’accueil pour qui le passage à la rue est quasi systématique. 96% des personnes reçues en entretien affirment avoir déjà dormi à la rue ou en squat. Sur l’ensemble des demandeurs d’asile interrogés, 53% ne sont pas hébergés au moment de l’enquête, 80% déclarent n’avoir aucune ressource, et 54% sont en situation de faim modérée à sévère.

L’enquête révèle également que le manque d’informations claires entraîne une incompréhension du système d’accueil et précarise ceux qui souhaitent demander l’asile. Parmi les 95 personnes reçues en entretien, 82% déclarent ne pas parler français, 65% ne pas avoir accès à internet et 24% ne pas avoir de téléphone portable à leur arrivée en France. Le défaut d’accessibilité de l’information officielle touche la plupart des personnes interrogées, celles-ci n’étant accessibles que par téléphone ou sur internet, et essentiellement en français.

L’apprentissage du français apparaît comme le premier besoin exprimé par les demandeurs d’asile répondants, puisque 58% d’entre eux déclarent vouloir suivre des cours, tandis que le système français en prévoit uniquement pour les personnes bénéficiaires de la protection internationale.

L’accès aux services d’hygiène et aux dispositifs de suivi médical est aussi au cœur des préoccupations puisque 19% des répondants estiment ne pas avoir un accès suffisant à la douche et 40% expriment le besoin d’un suivi médical. La souffrance psychologique est également abordée par de nombreuses personnes lors des entretiens qualitatifs.

L’enquête montre que la situation de précarité des exilés perdure même après l’obtention du statut de réfugié. En effet, 20% des personnes interrogées bénéficient de la protection internationale et fréquentent toujours les accueils de jour. Si 47% d’entre eux ont obtenu la protection depuis plus d’un an, 32% vivent toujours à la rue ou en squat et 32% n’ont aucune ressource.

À la lumière de ces données, les associations formulent une série de recommandations visant à un changement de cadre réglementaire, ou de pratique, pour mieux couvrir les besoins des personnes, et ce, de manière digne. Nos associations s’engagent à être pleinement actrices de ces recommandations et souhaitent en premier lieu qu’un comité de pilotage, réunissant l’Etat, les collectivités et les associations, puisse être mis en place autour de la question de l’accueil et des conditions de vie des personnes exilées en France.

Une vidéo a été réalisée dans le but de présenter la dynamique inter-associative et les principaux résultats du rapport.




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7 décembre 2021

Sur une chaise bleue assis...

Sur une chaise bleue assis face à la grande bleue je songe je rêve je pense ; je réfléchis. Il est quinze heures, le soleil de décembre commence de descendre dans l'horizon toujours bleu. Quelques personnes honorent les galets de leur derrière peu douillet. De petits et fins rouleaux mélant le blanc de l'écume au bleu de l'eau viennent échouer auprès de leurs pieds. Personne ne bouge. Tout est sage, tout est calme. Le peuple des galets semble faire la sieste, collectivement immobile. Plage peuplée de statues vivantes mais inertes. Le seul mouvement est celui des petits et fins rouleaux qui s'épuisent puis se retirent en eux-mêmes en un balancement chronométré.

Tout est sage, tout est calme. Sauf l'enfant qui lance des galets le plus loin qu'il peut dans la mer, par-delà les fins rouleaux bleus et blancs. Il n'a pas l'air satisfait de ses tirs ; il recommence sans cesse ; à moins qu'il n'affectionne particulièrement la répétition du geste. Son corps se courbant, sa main se saisait d'un galet, descend le long de son corps redressé puis dessine un arc de cercle en se levant par l'arrière jusqu'à passer au-dessus de sa tête. Elle accélère vivement dans cette chorégraphie puis les doigts libèrent le galet au moment où la main est au zénith. Alors l'enfant place rapidement sa main en visière à la hauteur des sourcils pour voir où le galet entre dans l'eau bleue. Un temps immobile, il recommence son geste.

Puis, au dessus du peuple des galets, il y a les gabians et les pigeons qui se donnent des airs de compétiteurs, se tirant la bourre à tire-d'aile sans jamais croiser leur vol qui finit par se perdre à l'autre bout de la plage de galets, vers l'ouest, là où le soleil tend à s'incliner à pas comptés. Les gabians, goélands leucophées, donnent de longs coups d'ailes, filant l'air, traçant son trait fin et puissant. À côté, les pigeons de la plage agitent leurs courtes ailes, comme pris d'une frénésie de vélocité bien que sans effort. La compétition des volatiles bat son plein par intermittence, sans raison apparente, sans rien qui pourrait en justifier le départ et la répétition. Gabians et pigeons se tirent la bourre à tire-d'aile. C'est tout. C'est comme ça.

Une femme âgée vêtue d'une veste d'acrylique bleu pâle se tient immobile face à la mer sur les galets aux reflets bleutés, un peu plus en retrait. Peut-être lit-elle. Je ne sais. Je suis trop loin pour savoir ce qu'elle tient dans ses mains ni même comment elle tient ses mains. Peut-être lit-elle "Le conte bleu" de Marguerite Yourcenar. Va savoir ! Son immobilité est parfaite. À peine, par moment, son coude esquisse-t-il un mouvement futile et léger, avant de se recaler dans la position qui était la sienne avant le mouvement. Sous le soleil d'hiver, sa veste envoie des reflets bleutés comme des yeux bleus que l'âge aurait cernés légèrement. Ces yeux scrutent alentour, tristement, avec lassitude...

Tout ce bleu m'éblouit avec douceur. Les chaises, la mer, le ciel, la femme sur la plage. Pourquoi tant de bleu, alors que notre monde regorge de couleurs variées ? Pourquoi ce bleu se reflète-t-il sur toutes les surfaces qui s'opposent à lui, galets, pierres, vêtements. Même l'air n'est plus transparent mais bleu !

...

Le soleil descendit vers l'ouest tant et si bien que tout le bleu devint progressivement noir. Si j'étais resté là, assis sur la chaise bleu-noir,  mes yeux auraient sûrement fait amitié avec les ténèbres qui se seraient avancé à pas le loup. Je me suis levé, quittant ma chaise encore bleue. J'ai remonté les rues vers la ville.


 

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