L'idée d'élaborer un thésaurus accueil & insertion jeunes s'inscrit dans une histoire. Il convient donc dans un premier temps de situer la démarche dans son contexte.
Ce travail fait suite à...
Ce
travail fait suite à une intervention effectuée dans le cadre du plan
de formation des agents des PAIO et Missions Locales de la région
Centre, courant juin 1996. Trois groupes ont été à cette occasion
réunis en trois lieux de la région : un peu plus d'une structure
d'accueil sur deux a participé à cette intervention. L'objectif de
cette dernière consistait essentiellement à dresser un constat ouvert
concernant les pratiques documentaires des agents des structures
d'accueil. " Constat ouvert ", cela signifie constat à partir
duquel une structuration de ces pratiques devenait possible
(envisageable). Il s'agissait donc surtout d'écouter et de repérer,
afin de proposer ensuite.
Ce
qui ressort de cette écoute, c'est que la gestion documentaire
constitue actuellement une surcharge pour cause de sous-effectif et de
sous-équipement... Mais la reconnaissance de l'utilité de la
documentation, pour comprendre et pour agir, est unanime. D'où un
objectif fondamental - et quasi obsessionnel - pour les agents :
savoir/pouvoir gérer mais sans la surcharge, ou du moins en minimisant
cette surcharge au maximum.
Autre
constat : les PAIO et ML font réseau, de fait et quel
que soit l'échelon territorial où l'on se place. Quand deux
professionnels de l'accueil/insertion des jeunes se rencontrent, ils se
racontent des histoires d'accueil/insertion des jeunes... Les PAIO
et ML ont d'ailleurs intérêt à faire et à entretenir réseau, vu le
peu de moyens dont elles disposent individuellement.
Mais
dialoguer entre soi sur ses pratiques professionnelles est une chose.
Utiliser un langage documentaire commun pour gérer l'information en est
une autre. Utiliser un langage stabilisé pour pouvoir dialoguer avec
les instances documentaires de l'environnement du réseau, une autre
encore.
Le
présent document de travail veut promouvoir l'usage d'un tel langage
documentaire commun stabilisé, selon le vœux des professionnels
rencontrés en juin 1996. Car c'est bien la nécessité de disposer d'un
outil type thésaurus qui était alors très rapidement apparue au fil de
la discussion.
Un thésaurus est avant tout un langage...
Un
thésaurus est avant tout un langage dont le système référentiel est
"partagé" par une communauté définie, un langage utile au
dialogue documentaire entre les membres de cette communauté. Or, dans
le dialogue, il faut distinguer entre "ce dont on parle" et
"ce que l'on dit". Pour que le dialogue soit fructueux, ou
simplement fonctionne, deux conditions doivent être remplies :
"ce dont on parle" et "ce que l'on dit" doivent
faire l'objet d'un accord, d'une entente entre les dialoguants,
l'entente sur "ce que l'on dit" n'étant possible que sur
fond de l'entente (préalable) sur "ce dont on parle".
Analysant le déroulement du dialogue dans le Ménon de Platon, Paul Ricœur montre bien [Lors des Rencontres philosophiques de l'UNESCO de 1995] comment la confusion de ces deux niveaux conduit à des impasses dialogiques :
"Comment
peut-on chercher ce qu'on ne connaît pas ? De cette question posée
par Ménon, Socrate fait un dilemme : on ne peut chercher ni ce
qu'on connaît, ni ce qu'on ne connaît pas. Dans le premier cas, la
tâche est inutile, dans le second, elle est impossible, puisqu'on ne
saurait même pas ce qu'il y aurait à chercher. Une fois conscient de la
transformation ainsi opérée, on peut chercher chez Ménon, plutôt que
chez Socrate, une manière de sortir du paradoxe du Ménon. Si le
dialogue se débat dans les contradictions d'une définition de la vertu,
en revanche il ne doute jamais qu'on puisse poser des questions au
sujet de la vertu, et de sa capacité à être enseignée. Il est donc
possible de distinguer entre un quoi, à la recherche d'une définition, et un ce sur quoi on s'est d'abord mis d'accord pour dialoguer. Notre ignorance porte sur le quoi, mais celui-ci n'est possible que sur le fond du ce sur quoi, qui délimite l'entente préalable à partir de laquelle la recherche pourra s'engager. Le sophisme consiste à envelopper le sur ce quoi l'on parle dans le doute qui frappe le quoi, c'est-à-dire les définitions de la vertu successivement avancées."
La fonction du thésaurus en général sera précisément de stabiliser une telle entente préalable [Paradoxalement,
le thésaurus, ici caractérisé comme travaillant au niveau du préalable,
est, dans le discours documentaire, un " instrument
secondaire ". C'est que la philosophie herméneutique et la science
de l'information ne s'intéressent pas au même objet : la première
investit les conditions de la compréhension, la seconde les conditions
de l'information. La démarche fondamentale du documentaliste - telle
que je la préconise - serait ainsi une démarche à rebours, qui
partirait de l'existence de facto de l'information pour en aménager les
conditions de compréhension (idée d'une herméneutique
documentaire : cf. Richardot Bruno, " Des pratiques
bibliographiques à l'herméneutique documentaire : sens et
référence en documentation ", Documentaliste - Sciences de l'information, 33/1, janv.-févr. 1996, p. 9-15).].
Et ce, à des fins tout à fait opérationnelles, à des fins
d'identification " thématique " de documents, de la simple
inscription d'un document dans la thématique large de
l'accueil/insertion des jeunes à sa situation (ce dont il parle) dans
le champ thématique, c'est-à-dire les possibilités d'articulations
entre ce document et le corpus qu'il contribue à constituer
(dialectique de la partie et du tout).
La force d'un thésaurus...
La
force d'un thésaurus, c'est ce que l'on pourrait appeler sa réalité
structurante : un thésaurus est un langage documentaire dont les
éléments (les descripteurs, les mots-clés, les
" mots porteurs " comme disait Dabya de la PAIO de
Saint-Florent) " fonctionnent essentiellement selon leur rapport
d'exclusivité signalétique - ce qu'on peut appeler leur pouvoir
séparateur " [Varet Gilbert et Marie-Madeleine, Maîtriser l'information à travers sa terminologie,
Besançon : Université de Franche-Comté, 1995 (Annales littéraires
de l'Université de Franche-Comté ; 559), p. 429].
C'est pourquoi le terme 'partenariat',
typiquement, ne saurait ici s'instituer descripteur : à
l'intérieur du champ thématique qui nous intéresse, il n'est pas
discriminant ; il englobe et ne sépare rien. Car l'idée même de
PAIO/ML est une idée de partenariat ; qui dit réseau
d'accueil/insertion jeunes dit travail partenarial entre instances et
structures d'un territoire ; parler de PAIO/ML, c'est parler de
partenariat ; etc. Bref, le mot 'partenariat' ne figure pas dans
ce thésaurus. Le mot 'jeunes' (ou 'jeune' ou 'jeunesse') non plus, et pour le même ordre de raison.
Le
thésaurus s'attache à marquer des séparations à l'intérieur du champ
qu'il veut dénombrer. Pour ce faire, il dénomme, utilisant des mots,
des expressions du langage professionnel en question pour les instituer
descripteurs. Le
premier parti-pris du présent thésaurus est de n'utiliser que des
descripteurs " parlants ", c'est-à-dire directement issus du
langage dit naturel des professionnels de l'accueil/insertion des
jeunes. Aucun des descripteurs choisis n'est étranger aux pratiques
langagières des ML et des PAIO.
Au
cas où un terme serait peut-être étranger à ces pratiques langagières,
ou bien serait ambigu dans sa compréhension, on peut toujours flanquer
le descripteur (ou le synonyme - cf. le paragraphe suivant) d'une
" note d'application ", symbolisée NA. Ainsi, il n'est pas
évident au premier abord que, dans notre thésaurus, le descripteur transmission information désigne la transmission entre structures administratives d'informations concernant les publics accueillis et suivis.
Aussi cette précision (précision d'usage et non de vérité conceptuelle
absolue) est-elle portée après la mention NA sous le descripteur, dans
la liste des descripteurs.
Le
deuxième parti-pris de ce thésaurus, c'est d'être court, d'être
construit sur la base d'un lexique de descripteurs en nombre
limité : cent mots ou expressions ont ainsi été sélectionnés.
Cent, c'est peu d'une part en comparaison des autres thésaurus
sectoriels [un thésaurus est un langage documentaire
fondé sur une structuration hiérarchisée d'un (ou plusieurs)
domaines(s) de la connaissance ; on dira que le thésaurus est spécialisé ou sectoriel quand il se limite à un domaine particulier de la connaissance],
d'autre part compte tenu de la pluralité thématique du champ qui nous
intéresse. Ce thésaurus ne veut pas constituer un casse-tête pour les
agents des PAIO et ML, mais bien plutôt un outil maniable.
Les synonymes
La
contrepartie de cette limitation volontaire, c'est l'importance qu'il
convient d'accorder à la synonymie et, par conséquent, le poids que les
non-descripteurs vont prendre dans ce thésaurus.
En
effet la synonymie fonctionne en général pour maintenir la possibilité
de correspondances entre langage dit naturel et langage documentaire.
Il n'y a de synonymes dans le langage documentaire que pour attribuer à
un seul des vocables synonymes en langage dit naturel un pouvoir
descriptif exclusif et renvoyer les autres vocables au magasin des
non-descripteurs. Dans le présent thésaurus, 'CFI', par exemple, n'est
que synonyme non-descripteur, au profit de parcours formation.
La synonymie fonctionne comme un rappel de " termes spécifiques "
non pris en compte en tant que descripteurs. La raison est ici simple.
Il s'agit de ne pas alourdir ce thésaurus - qui contient, en l'état,
100 descripteurs - pour qu'il reste maniable. Aussi quelques
descripteurs (termes génériques) n'ont pas été déclinés par d'autres
descripteurs (termes spécifiques), mais par des synonymes. Par exemple,
revenu englobera 'indemnité chômage', 'rémunération stagiaire', 'revenu
minimum insertion' et 'salaire'.
Pour
faciliter l'usage du présent thésaurus, j'ai indiqué les cas de
synonymie en intégrant les non-descripteurs usuels dans le langage dit
naturel (en minuscules, pour les distinguer des descripteurs portés en
majuscules) suivi de la mention EM
(= employer) et du descripteur " autorisé ", aux listes
" descripteurs et synonymes " de chaque champ ainsi qu'à la
liste générale. À l'inverse, à l'endroit du descripteur
" autorisé ", on trouvera la mention EP (= employé pour) et le synonyme non-descripteur.
Mais
là où il apparaît clairement que le langage documentaire ne joue pas
d'une référentialité ordinaire, c'est quand sont déclarés synonymes dans
un thésaurus des mots opposés du langage dit naturel. On parle en
documentation d'"antinomie ". En fait on part du principe que la
personne qui s'intéresse à une notion s'intéresse de fait à la notion
antinomique, celle-ci apparaissant comme un degré, ou une forme
possible de celle-là. Ainsi, pour décrire un document qui parle
d' 'exclusion', il conviendra d'utiliser le descripteur insertion.
Des termes hiérarchisés
Le
troisième parti-pris de ce thésaurus est de présenter une architecture
visible : les cent descripteurs (seulement cent : deuxième
parti-pris) s'organisent entre eux en dix champs de dix rubriques.
Un
" champ " est un " grand thème ", une facette
importante de l'activité accueil/insertion des jeunes. Voici la liste
des dix descripteurs principaux de ce thésaurus, descripteurs déclinés
par neuf autres descripteurs :
- 0. territoire
- 1. insertion
- 2. réseau accueil jeunes
- 3. environnement économique
- 4. emploi
- 5. métier
- 6. formation
- 7. santé-social
- 8. culture-loisir
- 9. information-documentation
Dénommer
ainsi dix champs relève de l'arbitraire du documentaliste concepteur du
thésaurus, arbitraire conciliable avec la réalité pensée du secteur
accueil/insertion jeunes. La logique qui a présidé à cette dénomination
est explicitée plus loin.
À
l'intérieur de chaque champ, dix descripteurs (dont le principal qui
fonctionne comme titre global du champ) s'articulent selon une logique
qui veut être " parlante " aux professionnels de
l'accueil/insertion jeunes (premier parti-pris). Le mode d'exposition
choisi est arborescent. Pour le champ 4, cela donne :
Ce
mode d'exposition laisse voir la hiérarchie entre les descripteurs. Les
relations hiérarchiques, figurées par un système de branches
descendantes dans le schéma, sont, très conventionnellement, indiquées
par les mentions TG (= terme générique) et TS (= terme spécifique) dans
la liste des descripteurs. Ainsi pour politique emploi, son terme
générique et ses termes spécifiques :
politique emploi
TG emploi
TS emploi-formation
TS mesure emploi
TS service public emploi
politique
emploi est un terme spécifique du descripteur emploi (ce dernier est
donc le terme générique de politique emploi). emploi-formation, mesure
emploi et service public emploi déclinent le descripteur politique
emploi, ils sont ses termes spécifiques, politique emploi étant leur
terme générique.
Le
deuxième parti-pris adopté pour confectionner ce thésaurus forcent
cette règle de la hiérarchie de deux façons. Tout d'abord, on a vu plus
haut que, pour honorer ce parti-pris, certains termes fonctionnent
comme synonymes alors qu'ils auraient très légitimement pu être
descripteurs (spécifiques). Ensuite, certains raccourcis de relations
entre descripteurs se sont imposés, toujours pour honorer ce
parti-pris. Ainsi pour le premier champ, intitulé territoire, entre le
descripteur-titre et les descripteurs données démographiques, données
sociales et données économiques, il y avait logiquement la place pour
un descripteur qui subsument les données (descripteurs 'données', par
exemple). Afin de laisser voir cette logique, le pseudo-descripteur est
intégré (en minuscules et entre crochets) dans la structure
arborescente du champ. Mais au bout du compte, les descripteurs données
démographiques, données sociales et données économiques sont bien des
termes spécifiques de territoire, de même qu'aménagement territoire qui
est en lien direct avec territoire dans la structure arborescente du
champ. Ce qui donne :
Indiqué
en minuscules, le pseudo-descripteur 'données' n'est pas pris en compte
dans la table générale des descripteurs :
territoire
TS aménagement territoire
TS données démographiques
TS données économiques
TS données sociales
Au passage, on aura noté que le descripteur territoire n'a pas de terme générique. En effet, c'est un descripteur qu'on dira " principal " (top terme),
parce qu'il se donne comme titre au champ en question. Il en est bien
sûr de même des neuf autres descripteurs de ce thésaurus qui
fonctionnent comme titre global d'un champ.
Association des descripteurs
Plus
haut, il apparaissait que la caractéristique des descripteurs, c'est
qu'ils fonctionnent essentiellement selon leur rapport d'exclusivité
signalétique - ce qu'on peut appeler leur pouvoir séparateur. Cela dit,
des descripteurs différents inscrits dans des champs différents
pourront très bien partager quelques propriétés sémantiques. D'où
l'intérêt de la relation d'association (TA, terme associé) qui peut être marquée à leur endroit. Par exemple entre emploi-formation et niveau qualification :
emploi-formation
TA niveau qualification
niveau qualification
TA emploi-formation
Une
autre façon de repérer les associations sémantiques à moindre
frais: les descripteurs contenant deux ou plusieurs termes
peuvent être signalés pour chacun de leurs termes (idée de la liste
" inversée "). Le simple jeu lexical
permet alors des rapprochements qui peuvent être utiles. Ainsi les
termes 'jeunes' et 'jeunesse' par exemple, qui ne sauraient être
institués descripteurs, sont cependant intégrés à cinq expressions,
dont une est descripteur (marquée en majuscules dans la liste), et les
quatre autres synonymes (c'est-à-dire renvoient à des
descripteurs) :
- jeunes [conseiller *
- jeunes [correspondant *
- jeunes [espaces *
- jeunes [réseau accueil *
- jeunesse [protection judiciaire *
L'étoile
marque la place du mot d'entrée : " jeunes.......[conseiller
* " invite à aller voir à l'entrée 'conseiller jeunes'.
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Devrait suivre le thésaurus proprement dit - disponible auprès de la DRTEFP Centre ou auprès de l'auteur des présentes lignes.
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