Notes sur le Requiem de Gabriel Fauré (suite)
En lisant et relisant la partition du Requiem, qu'il s'agisse de la version 1993 ou de la version 1900, quelle que soit l'orchestration, on voit comment les dynamiques ont une belle cohérence avec le texte, comment elles sont sémantiquement pertinentes.
Ainsi le mot 'requiem' est toujours chanté piano (p) voire pianissimo (pp) ou pianississimo (ppp). Un seul passage semble faire exception, aux mesures 11 sqq. du Pie Jesu, où le mot 'requiem' est encore, à la mesure 14, dans le mf de ce qui précède (Pie Jesu Domine, dona eis...), sachant que les mesures suivantes qui répètent 'dona eis requiem' (15-16) demandent un decrescendo sur 'dona eis' (mes.15) pour aboutir sur un p pour le mot 'requiem' (mes.16, comme pour "corriger" le mf de la mes.14). Bref, la mort est un repos, voire une douceur (plusieurs fois la mention p est assortie d'un dolce, ou même d'un dolce e tranquillo). Sérénité de la mort. Le Requiem de Fauré n'est-il pas cette "sublime berceuse de la mort" qu'évoquait si bien Vladimir Jankélévitch, le terme même de 'Requiem' prenant principalement à sa charge cette sédative suavité ?
Par contre, les dynamiques f voire ff semblent réservées :
- aux interpellations à l'adresse de Dieu, comme 'Pie Jesu' (mes.29 dudit Pie Jesu), ou 'quia pius es' (Agnus mes.66-69) ou 'dona eis' (Introït-Kyrie mes.33sq., Pie Jesu mes.13, 33-34, Agnus mes.26sqq. et Libera me mes.74sqq.), ou 'exaudi...' (dans l'Introït-Kyrie mes.50sqq.) ou encore le 'ad Te...' (encore dans l'Introït-Kyrie mes.54sqq.) et autres 'Kyrie', 'Agnus', 'Jesu' etc. ;
- aux (rares) manifestations de crainte dans le Libera me (le 'Dies illa...', mes.54-68, mais déjà le '...terra Dum veneris judicare saeculum pet ignem.' mes.25sqq. - paroles reprises mes.114sqq.) et dans l'Offertoire (le 'de poenis inferni' des mes.84sqq.) ;
- aux évocations du Paradis, comme l'éternité ('perpetua', aux mes.8 et 25 de l'Introït-Kyrie, 82 de l'Agnus et 79 du Libera me ; 'aeterna' à la mes.45 du In paradisum) ou encore Jerusalem (qui semble, à la mes.25 de l'In paradisum, figurer comme instance ou comme représentation biblique du Paradis) ;
- aux cris de joie (classique !) du 'Hosanna in excelsis...' (Sanctus, mes.42sqq.).
Fauré n'était pas vraiment croyant mais il était poète et aimait la poésie - qu'il a si bien mise en musique. Le texte liturgique était pour lui poésie...