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BRICH59
25 janvier 2006

Réalisme démocratique

coverNotre premier ministre se fait le chantre d'un nouveau "réalisme démocratique"... dans l'entretien qu'il accorde au Nouvel Observateur publié demain 26 janvier. D'ailleurs, dans ce texte la démocratie est partout. Mais surtout le réalisme et plein de mots en isme : à peine a-t-il proféré trois mot qu'apparaissent dans sa bouche "volontarisme" et "pragmatisme". Formidable non ?


Puis, deuxième phrase : "Nous sommes à un moment de l'histoire de notre pays où il faut éviter d'opposer des exigences qui, loin d'être contradictoires, sont souvent complémentaires : la liberté et la solidarité, le dynamisme économique et le progrès social, l'innovation et la fidélité à la tradition française."

Intéressante cette liste de "complémentaires" :

liberté / solidarité
dynamisme économique / progrès social
innovation / fidélité à la tradition française

Des complémentaires dont certains, nous dit M.De, voudraient faire des contraires... Cette liste est assez bien ordonnée, bien rangée. Pour bien comprendre la signification profonde du propos, il faut juste traduire le premier terme de chaque couple : liberté = liberté d'entreprendre (libéralisme), dynamisme économique = enrichissement des riches (capitalisme), innovation = dérégulation du droit (totalitarisme) - ce qui donne :

liberté d'entreprendre / solidarité
enrichissement des riches / progrès social
dérégulation du droit / fidélité à la tradition française

Cela donne du coup toute leur force aux seconds termes des couples...


Dans ce texte la démocratie est partout. Ça me fait penser à l'inflation verbale pour exprimer l'intérêt des enfants dans les divorces : on n'en parle jamais tant que lorsqu'on le bafoue... À parler autant de démocratie, que veut cacher notre M.De ?


Il y a une théorie américaine récente, appelée, "réalisme démocratique", qui veut que les USA ne doivent imposer la démocratie, en quelque sorte, que là où ça leur est utile... C'est l'un des "penseurs" de la droite américaine, Charles Krauthammer, qui défend cette théorie, qui repose sur une belle image des USA : "Les Etats-Unis (seraient) une république athénienne... plus républicaine et infiniment plus démocratique qu’Athènes". Ce Monsieur fut éditorialiste au Washington Post, prix Pulitzer 1987, main des discours politiques du vice-président Walter Mondale (1980) et l’un des principaux conseillers scientifiques de Jimmy Carter à la Maison Blanche. Cf. Will Marshall, "Democratic Realism: the Third Way", Blueprint Magazine, 1er janvier 2000. Cf; aussi ce texte de notre américain publié sur la toile.
On voit, dans cette déclinaison américaine du "réalisme démocratique", ce qu'apporte le sens de la réalité à l'idée de démocratie...


Il est une autre déclinaison du "réalisme démocratique", africaine cette fois : il s'agit d'un calcul des intérêts politiques et géopolitiques, largement défavorable aux hommes ou aux partis potentiellement vainqueurs des compétitions électorales. Intéressant non ? J'ai lu ça dans un forum camerounais (cameroon-info.net).


Et notre M.De de poursuivre :
"J'ai été profondément marqué par le 21 avril 2002, qui a été un vrai choc pour notre pays et le signe d'un profond scepticisme politique. Si nous voulons éviter que cela ne se reproduise en 2007, nous devons faire preuve de réalisme démocratique : être lucide, ne jamais perdre de vue la vérité des choses." Car, c'est bien connu, la "vérité des choses", ça se voit et il ne faut pas la "perdre de vue" ! Damned, moi qui croyait que la vérité était, tout comme la réalité et sûrement plus d'ailleurs, une construction de l'esprit ! C'est ce que mon prof de philo m'avait expliqué. C'est ce que ce bon Montaigne avait écrit. Et tant d'autres à sa suite...

À moins que la politique, ça se construise à coup de révélation : un premier ministre, ça rencontre la "vérité des choses", comme Paul Claudel avait rencontré Dieu derrière un pilier de Notre-Dame, ou Paul l'apôtre romain sur le chemin de Damas... Mais alors ce n'est plus de la politique, c'est de la religion ! D'ailleurs, regardez cet entretien, M.De n'arrête pas de dire "je crois" : "je crois en l'action", "Je crois profondément aux vertus du dialogue et de l'écoute", "je crois profondément au modèle social français", "je crois [...] à la dynamique de l'activité", "je crois nécessaire de dépasser les clivages partisans". Et il veut "que les Français croient à nouveau en l'action politique"...


Non mais, rassure-toi, lecteur fidèle et attentif, c'est pour rire ! C'est juste une façon de parler. De la rhétorique, quoi ! D'ailleurs, c'est comme ça tout du long, entre les mots interlopes et les non-dits...

Mais restons-en aux quatre premières phrases !

Ce sera meilleur pour le moral !


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