Après les bébés nageurs, voici les bébés flingueurs !
Vous avez tous vu, dans le Canard enchaîné du 28 septembre (p.4), cet article de Louis-Marie Horeau, intitulé "Le syndicat des commissaires s'attaque aux délinquants en couches-culottes", avec en sous-titre "Un catalogue de propositions délirantes. La très influente organisation propose de passer à l'action dès la crèche".
Ledit catalogue est disponible sur le site dudit syndicat.
Le
problème majeur ici, c'est que ce syndicat, le Syndicat des
commissai- res et hauts fonctionnai- res de la police nationale (SCHFPN),
est très représentatif comme on dit et surtout très influent auprès des
autorités ministérielles : les préconisations qu'il émet sont
souvent suivies d'effet.
Ça, c'est pour mesurer la gravité de la
situation. Parce que, sinon, si l'on s'en tient au texte du catalogue
en question, il y aurait plutôt de quoi rire, même si c'est jaune !
Voyons tout d'abord ce que le Canard appelle un catalogue. Il s'agit d'un document de quatorze page intitulé La sécurité du quotidien. Les propositions du SCHFPN, composé de trois grandes parties et d'une brève conclusion :
La prévention de la
délinquance et l’accompagnement des publics
vulnérables : « le guichet unique »
Le traitement de la récidive et de la réiteration
La réorganisation territoriale de la police nationale
Dans la conclusion, il s'agit de faire de la sécurité un pôle spécifique d’action de l’État.
La partie qui nous intéresse est la première, dont voici l'ossature :
La problématique [La police est le principal guichet des urgences sociales - Les intervenants multiples sont forcément éclatés - La coordination entre les interve- nants de terrain et les dispositifs locaux est quasiment inexistante]
Le "guichet unique" dans les commissariats [Les principes - La struc- ture : une coordination multipartenariale de type GIR]
Structurer au niveau central l’impulsion des missions de pré- vention et d’accompagnement des publics vulnérables
La notion de secret "professionnel partage"
La prévention précoce des enfants à risque
Et que lit-on sous ce dernier point ? Ceci :
Tout
un programme, non ? Pour moi, dans
ma petite tête, quand on parlait d'enfant à risque, c'est que l'enfant
courait un risque (risque sanitaire, en règle générale). Visiblement je
n'avais pas tout compris ! Pourquoi ne pas instituer alors un
avortement sécuritaire qui permettrait à la police de mettre fin à des
grossesses à risques ? Et d'abord, c'est quoi un "comportement
prédicteur de délinquance dès la crèche, la maternelle ou l’école
primaire" ? Je ne vois qu'une solution :
mettre en place une politique de l'eugénisme ! Et tout ce qui n'est pas
dans les clous sera éradiqué sans états d'âme ! Ce sera tellement logique et si facile à comprendre !
Et puis, si on
vous dit qu'aux Amériques, ils font ça, c'est que c'est forcément
bien... Mais, si vous ça vous démange
d'en savoir plus sur la généralisation des bébés flingueurs, sachez que
Jean-Marie Salanova, secrétaire général du Syndicat des commissaires et
hauts- fonctionnaires de la police nationale, sera l'invité des forums
de nouvelobs.com le vendredi 14 octobre de 10h00 à 12h00.
Après le Flash-Ball, le Taser !
Le second article intéressant de cette
page 4 du Canard enchaîné se situe juste en dessous de celui que je viens de compléter. Rédigé par Brigitte Rossigneux, il s'intitule : "La nouvelle arme fatale de Sarko II" avec en suite de titre : "Un pistolet qui ve droit au cœur des flics... et des récalcitrants". Effectivement, le cœur
des badauds est menacé par cette arme qui envoie une énorme charge
électrique à celui qui est atteint, grâce à des sortes de harpons... si
si des harpons, comme pour cette maudite chasse à la baleine. En plus
petit j'espère !
Là
aussi, ça se fait déjà aux Amériques... même que, comme le fait remarquer Brigitte Rossigneux, Amnesty International a
eu le toupet de compter les victimes de cette espèce de lance-harpons à très haute tension, arme qui,
technologiquement avancée, est forcément un signe manifeste du progrès
de l'humanité. Au niveau international d'abord bien sûr (dès nov. 2004), mais la section fran- çaise aussi, qui s’inquiète de la généralisa- tion des pistolets paralysants Taser, dans son communiqué du 16 septembre dernier.
Texte du communiqué SF05M36 (avec l'autorisation, non sollicitée, d'Amnes- ty International) :
«Amnesty International France demande qu’une étude indépendante sur
l’utilisation des pistolets paralysants Taser soit menée sur le
territoire français dans les plus brefs délais par des professionnels
médicaux, juridiques et sécuritaires.
Le 9 septembre 2005,
lors de son discours aux Préfets, le ministre de l’Intérieur Nicolas
Sarkozy a annoncé que « plusieurs centaines de Taser », pistolets
paralysants, allaient être livrés en 2006 afin de renforcer « les
capacités d’action des services de police ».
Depuis plus d’un
an, le Groupe d’intervention de la Police Nationale et plusieurs
brigades anticriminalité (BAC) testent le Taser en France. Le 30 avril
dernier, une jeune fille de 19 ans, Virginie, a été la cible de 4 tirs
de Taser par un groupe de policiers de la BAC à Lyon lors d’une
manifestation. Accusée par ces mêmes policiers « d’appel à la
rébellion, tentative de vol d’une arme d’un policier et rébellion »,
Virginie a été relaxée par le tribunal de grande instance de Lyon qui
n’a retenu aucun des chefs d’inculpation. La commission rogatoire de
l’Inspection générale de la Police Nationale a reconnu un usage abusif
du Taser puisque les policiers n’étaient pas en position de légitime
défense.
Selon Amnesty International, l’utilisation d’armes
paralysantes violent les normes internationales qui prévoient que les
responsables de l’application des lois n’aient recours à la force qu’en
tout dernier ressort, après avoir épuisé toutes les autres alternatives
non-violentes et proportionnelles à la menace posée. Dans de nombreux
cas, leur utilisation s’est apparentée à des actes de torture et des
traitements cruels, inhumains ou dégradants, interdits par l’article 5
de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et par l’article 3
de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, convention ratifiée
par la France.
Par ailleurs, de nombreuses recherches ont été
effectuées par Amnesty International sur ces pistolets paralysants aux
Etats-Unis et au Canada où leur utilisation est généralisée depuis juin
2001 et a répertorié, dans ces deux pays, 114 cas de décès survenus
après utilisation de Tasers.
Pour éviter toute utilisation
abusive du Taser, Amnesty International France rappelle que la
formation des forces de l’ordre doit être au centre des préoccupations
du ministre de l’Intérieur».
La section française s'appuie notamment sur deux rapports en langue anglaise qu'Amnesty International a publiés le 30
novembre 2004 concernant l'usage de ces armes aux États-Unis et au Canada.
Amériques... Amériques ? Vous avez dit Amériques !