"Faire de la formation professionnelle un levier réel et effectif de l'insertion", en construisant "une offre adaptée aux besoins des publics les plus éloignés de l'emploi", c'est l'une des préconisations du rapport général sur le Grenelle de l'Insertion que l'AEF s'est procuré dans sa version "de travail", nous explique l'excellente agence d'information AEF [Dépêche n°96543 (Emmanuelle Parra-Ponce), Paris, Jeudi 22 mai 2008].
L'idéologie de la formation professionnelle continue (FPC) retombe ainsi allègrement dans les eaux troubles de ses fonts baptismaux ! En a-t-elle seulement jamais émergé ? Dès 1970/1971, en effet, la FPC est écartelée entre deux finalités : fournir de la main-d'œuvre "adaptée" aux besoins de l'industrie et des services d'une part, augmenter l'autonomie intellectuelle et culturelle des citoyens d'autre part. Le seul projet concret et multiple où ces deux finalités tentent la conciliation est, à mon humble connaissance, la vie tout entière de Bertrand Schwartz - que la Région Nord-Pas de Calais a célébré il y a peu. Infatigable Bertrand qui accompagne le Synami-CFDT dans une action avec les missions locales.
Bref, que de bonnes intentions ! Construire "une offre [de formation] adaptée aux besoins des publics les plus éloignés de l'emploi" ! Pensez donc ! Qui peut nier l'intérêt d'une telle construction ?
Moi.
Ne serait-ce que parce qu'un tel projet est là pour masquer des questions plus fondamentales, des questions qui parlent de ce qui, en dernière instance comme on disait autrefois, explique les dysfonctionnements perpétuels de la machine sociale d'un capitalisme à l'idéologie surannée mais toujours en service !
Je ne suis sûr que d'une chose, concernant la relation (introuvable ?) entre formation et emploi : la formation ne crée que des emplois de ... formateurs. Pour le reste, décalons le regard et posons-nous les bonnes questions !
Si les gens sont au chômage, ce n'est pas parce qu'ils sont paresseux ou intellectuellement déficients ! Si les gens sont au chômage, c'est parce que le capitalisme ne crée pas suffisamment d'emplois. Et si le capitalisme ne crée pas suffisamment d'emplois, c'est parce qu'ils exigent que tout emploi "rapporte" du bénéfice sonnant et trébuchant. Ils appellent ça la culture du résultat, d'où est exclu la prise en compte des aspects sociaux et culturels de la vie. Moi je préfère appeler ça la culture de la marchandisation intégrale, de la monétarisation totale, effet et cause en même temps du totalitarisme des riches. Nous ne sommes pas en démocratie, nous ne l'avons jamais été ! Nous sommes sous le régime de la ploutocratie.
La ploutocratie est mondiale, alors que les démocraties sont locales. Disproportion absolue, plus récente que le phénomène de la ploutocratie lui-même.
Quoique, à bien regarder...
Bref, la question fondamentale est bien celle de la répartition des richesses. La FPC, là dedans, fait figure de figurante, pour amuser voire, dans le meilleur des cas, pour occuper les politiques et les petites gens que nous sommes. Un leurre dont la fonction idéologique est d'une évidence criante.
Efficacité de la FPC ou pas, le plein emploi est plouto-incompatible. Et la démagogie d'un Roi d'Maubeuge, ni, hélas, la qualité des analyses d'un Laurent Cordonnier par exemple, n'y peuvent rien. Encore moins le Grenelle de l'insertion !