Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
BRICH59
politique formation
21 mai 2009

Les a priori de la rhétorique

Hier, 20 mai, c'était l'anniversaire de mon voisin. On a trinqué dans le jardin, sous un soleil prometteur. On a discuté, bien évidemment, des études de nos bambins et bambines, du collège du quartier, du lycée du quartier, de l'école communale aussi où les enseignants ont du mal à interpréter avec des actions les décisions venus d'en haut...

Ce matin, en prenant mon petit déjeuner, j'entends (merci France Inter) que le roi d'Maubeuge est allé discuté dans un lycée de Massy Palaiseau et y a dit que :

  1. la réforme du lycée se fera
  2. elle doit être issue du bas (il dit exactement qu'elle ne doit pas être "plaquée du haut"), être le résultat d'un bouillonnement de tous (que chacun ait "le sentiment de s'exprimer", très exactement)
  3. "on part à zéro, c'est-à-dire sans a priori"

C'est là (reprise du blog mis en place par Richard Descoings)

On notera avec intérêt la nuance de l'expression "sentiment de s'exprimer" ! Comme si l'important était que les gens aient le sentiment de s'exprimer et non qu'ils s'expriment... Au moment où sort le rapport Apparu qui propose une réforme du lycée bien ficelée, la nuance n'est pas gratuite.

Que dire, d'autre part, de cette histoire de "sans a priori" ? Ca me rappelle un de mes responsables qui un jour voulut discuter sans tabou ni a priori. Il s'avéra par la suite qu'il y avait bien des tabous, et que "sans a priori" signifait seulement qu'il ne fallait rien expliciter des sous-entendus nécessaires à toute prise de position. C'est bien cela que nous ressert le roi d'Maubeuge : "sans a priori" veut dire, je pense, qu'il est hors de question de prendre le temps de discuter des fondamentaux politiques (politique éducative s'entend, pas conflit entre partis politiques ou entre hommes de pouvoir...!) C'est en fait le coup du "pas d'politique" que les gens de droite assène régulièrement au milieu des débats où l'on veut juste comprendre ce qui se dit, ce qui se trame... C'est le coup des "apolitiques de droite"... etc. Pauvres de nous !
Moi qui avais toujours pensé que pour comprendre, il fallait justement expliciter au maximum tous les a priori, sans tabou aucun !


Publicité
Publicité
14 octobre 2008

Réforme ? Vous avez dit réforme ?

circeJ'ai assisté cet après-midi à un séminaire organisé par le cabinet Circé Consultants (sous la houlette de J.-M. Luttringer) consacré à la réforme en cours de la formation. Pierre Ferracci présentait le travail du groupe dit multipartite qu'il a animé, suivi de Philippe Dole qui présenta le rapport de l'IGAS sur les missions des OPCA.

 

Intéressant ! De nombreux représentants de collecteurs de fonds pour la formation étaient présents et la discussion fut riche.

De tout cela, et de la lecture des divers documents produits à l'occasion de ce travail de réforme, je ne tire pour ma part qu'une seule question ce soir : plus nous avançons dans le temps (plus nous nous éloignons de 1970/1971), et plus l'instrumentalisation de la formation continue par la politique de l'emploi se fait prégnante. La formation est de plus en plus exclusivement conçue comme une variable du marché du travail : adieu l'utopie du développement des individus par la formation et bonjour la relégation socio-professionnelle des personnes dites de "bas niveaux" de formation.

Malgré les dénégations des partenaires sociaux (cf. par exemple le point II,1 du rapport Ferracci), l'éducation permanente a bel et bien disparue de l'horizon contemporain. L'idée même de promotion sociale, si chère aux promoteurs de la loi fondatrice, est carrément  liquidée sous nos yeux. L'une des lignes directrices qui ressortent du fonctionnement du groupe multipartite se formule ainsi : "la  formation  professionnelle  est  un  instrument  de  la  conciliation  entre  la  compétitivité  des entreprises,  la  sécurisation  des  parcours  individuels  et  le  maintien  d'un  objectif  de  promotion sociale, conforme aux intentions initiales de la loi de 1971".
Fort bien, sauf qu'il y a un problème : ce triangle ne peut fonctionner.  Comment concilier en effet un assemblage aussi hétéroclite ? Il me fait penser au fameux attelage que Platon dépeint dans le Phèdre pour figurer ce qu'est l'âme humaine : un truc qui part dans tous les sens en même temps. Car chacun des pôles de ce triptyque fonctionne selon une logique différente et incompatible avec la logique d'au moins l'un des autres pôles.
Il y a même un pôle qui n'existe pas : la compétitivité de l'entreprise n'est absolument (=dans l'absolu) rien. Elle n'existe qu'à l'issue d'un décompte entre les compétiteurs. Par ailleurs, à quoi se mesure la compétitivité ? Aux parts de marché ? Aux bénéfices engrangés par les propriétaires de l'outil de production ? Au bien-être de ceux qui y travaillent ? Je ne sais si l'on a un étalon correct et si partagé que cela de la compétitivité des entreprises !
À côté de cela, nous aurions la sécurisation des parcours individuels, qui, à bien regarder, n'est qu'une "tension vers", pas un état qualifiable une fois pour toutes. C'est, comme l'insertion professionnelle, quelque chose qui n'est jamais acquis une fois pour toutes, quelque chose qui est perpétuellement passible d'une remise en cause, par exemple sous les coups de la compétitivité des entreprises...
La promotion sociale, là dedans, fait figure d'utopie belle et impossible. Elle n'existe pas. Juste comme objectif, très clairement.  À l'heure de l'appauvrissement des pauvres et de l'enrichissement des riches, à l'heure où le seul fonctionnement socio-économique existant de fait produit fatalement le creusement de cet écart, il faut une belle inconscience, ou un sacré culot, pour mettre en avant l'objectif de la promotion sociale...
Bref, le triptyque proposé par les membres du groupe multipartite est une figure de rhétorique dont on a du mal à comprendre en quoi elle a pu faire l'objet d'un consensus. Peut-être parce qu'elle n'est que figure rhétorique ?

Ceci dit, ça fait belle lurette que l'idée d'éducation permanente a été sortie du jeu ! Cela fait un bail que la formation n'est plus qu'un instrument des politiques de l'emploi. Ce qui pose la question des paramètres utilisés pour évaluer la qualité de la formation. S'agissant des demandeurs d'emploi, on va évaluer la qualité de la formation qu'ils ont suivie à leur insertion professionnelle, le cas échéant au type de situation par rapport à l'emploi (CDD, interim, CDI, etc.). Comme si la formation créait des emplois ! On sait bien que la formation ne crée pas d'emploi (excepté les emplois de formateur de plus en plus précaires d'ailleurs). On sait bien que la formation permet juste de faire attendre les demandeurs d'emploi et de rebattre les cartes dans le jeu de l'accès à l'emploi. Il y a une vingtaine d'années, quelqu'un écrivait que la formation permettait de redistribuer autrement la file d'attente à l'ANPE. C'est toujours vrai. Sauf qu'aujourd'hui, la pression est montée d'un cran : ceux qui se retrouvent à la fin de la file d'attente sont stigmatisés comme des bons à rien, des gens qui n'ont pas voulu maintenir voire augmenter leur "employabilité", des "assistés" vivant de l'argent public etc. Dans la mesure où 1) tout le monde ne peut bénéficier de formation et où 2) il n'y a de toutes façons pas d'emploi pour tout le monde, la politique publique de formation produit, lorsqu'elle n'est qu'un des outils de la politique publique de l'emploi, la relégation sociale et professionnelle de personnes dites de bas niveaux. Et cette relégation, la "morale" libérale leur en attribue généreusement la responsabilité... Pas de pitié pour les gueux !


21 mars 2008

Destins de la FPC en France

Initialement pensée comme levier du progrès humain, la formation permanente a été avalée par l'une de ses parties, la formation professionnelle. C'est ainsi qu'on pourrait résumer d'une phrase une seule le destin de la formation dans ses premières décennies d'existence légale. La loi de 1971 est très ambigüe  sur cette distinction des finalités de la formation. Ou alors il n'y a rien d'ambigu. Juste une tendance qui pointe son nez dès l'origine législative et qui aujourd'hui se montre au grand jour, sans vergogne aucune : la formation continue est au service de l'emploi, au point qu'il faut éviter les "situations de pure formation sans rapport préétabli à l’emploi".

C'est la réflexion que m'inspire la lecture de la production de Jean-Louis Dayan du Centre d'Analyse Stratégique, chargé de réfléchir sur le devenir de la FPC.

La formation limitée à un rôle ancillaire au service de l'emploi, c'est très très concrètement la formation au service de ceux qui embauchent (ou pas justement !). La chantage à l'emploi fonctionne ici à plein régime, de façon à ce que la collectivité finance encore et toujours ceux qui profite de l'activité économique nationale...

Le jour où les ultralibéraux sauront se passer des aides de la collectivité, les poules auront des dents, mais les chômeurs et les précaires et autres travailleurs pauvres n'en auront plus, faute de pouvoir aligner les biftons chez le dentiste et le pharmacien - qui eux vont très bien.


14 novembre 2007

Lecture...

couvLucie TANGUY me prie de communiquer
à propos du dernier ouvrage auquel
elle a collaboré – ce que je fais.

G.Brucy, P.Caillaud, E.Quenson et L.Tanguy, Former pour réformer. Retour sur la formation permanente (1945-2004), éditions La Découverte (coll. Recherches), oct.2007, 272p.


La formation tout au long de la vie est devenue un mot d’ordre mobilisateur de la politique économique et sociale européenne. En France, elle fait l’objet d’une loi qui la consacre comme un droit individuel des salariés. Elle est présentée comme une conquête sociale et un bien universel, dont seuls l’accès et les modes de réalisation feraient problème. Cet ouvrage s’attache à déconstruire ce mythe.

À partir de perspectives historiques, juridiques et sociologiques, ses auteurs montrent comment elle fut promue, dès les années 1950, par des élites réformatrices œuvrant dans différents lieux de la société, comme un instrument de modernisation de la France pour accroître la productivité, pacifier les relations de travail au sein des entreprises, et favoriser l’intégration politique. Conçue à l’origine comme une obligation nationale relevant de l’autorité de l’État, la formation professionnelle continue est progressivement entrée dans le champ des relations professionnelles et a transformé les syndicats en « partenaires sociaux ».

Les représentations dont la formation continue est l’objet ont occulté la pérennité de faits inhérents à sa construction originelle : elle n’est pas la voie de la « seconde chance », susceptible de réparer les inégalités scolaires, ni celle de la « promotion sociale ». Initialement pensée par Jacques Delors comme la « clef de voûte d’une politique contractuelle », parce qu’elle était « un domaine de convergence possible entre le patronat et les syndicats », la formation tout au long de la vie est aujourd’hui associée à l’institutionnalisation du « dialogue social » dans la loi de 2004, laissant voir la continuité des réformes impulsées trois décennies plus tôt.

[présentation éditeur]


Introduction, par  Guy Brucy  - Modernisation et injonction productiviste - La mise en scène politique de la formation - Mobilité professionnelle et promotion sociale - Moderniser avec et contre l’école - Références bibliographiques

1. La fabrication d’un bien universel, par Lucie Tanguy - Des conditions économiques et politiques favorables (1950-1960) - L’oeuvre d’élites réformatrices -Des institutions de médiation - Des directeurs du personnel de grandes entreprises - Des experts de la planification - Une génération - La mise en place d’outils et de dispositifs pédagogiques pérennes  - Définir la formation en termes de compétences - Mettre en relation la formation avec l’emploi  - Inventer et diffuser une doctrine pédagogique - De l’éducation à la formation, des réformes transversales à la société - Autres mots, autres politiques - Compétences et certifications - Une offre de formation individualisée - Renversement et refonte ? - Références bibliographiques

2. Entre autonomie et intégration, la formation syndicale à l’université (1955-1980), par Lucie Tanguy - Associer les syndicats à la modernisation de la France (1950) - La création des instituts du travail - Un train de réformes sociales du travail - Un mouvement pour une démocratie politique et sociale - Des universitaires missionnaires de la cause syndicale - Des universitaires atypiques - Des directeurs influents - Un recrutement fondé sur la militance - Des ouvriers reconnaissants mais sans révérence - Une pédagogie hybride relevant d’une double autorité -La pédagogie n’est pas neutre - Une activité collective - Instituts du travail et écoles syndicales, des rapports ambivalents -Conclusion - Références bibliographiques

3. La formation au travail : une affaire de cadres (1945-1970), par Guy Brucy - Définir la formation des militants : un combat sémantique et politique - CFTC et CGT-FO : former des militants pour négocier - CGT : former des combattants de la lutte des classes - Les syndicats face aux promoteurs de la formation en entreprise - Perfectionnement volontaire et promotion ouvrière - Des divergences majeures : la productivité et le modèle américain -  Promotion ouvrière et compromis social-démocrate : le projet de la CGT-FO - Le tournant des années 1960 : les cadres prennent l’initiative - La formation des cadres : un enjeu décisif pour les multinationales - La nouvelle donne syndicale - Les cadres, précurseurs de la loi de 1971 - Conclusion - Références bibliographiques

4. Informer pour faire adhérer (1971-1976), par Emmanuel Quenson - D’une campagne pour la productivité à l’information économique - Un objet de controverses - Des prosélytes de la communication -Convertir les salariés à la formation - Un dispositif de propagande - Animer par un réseau - Un « antagonisme limité » entre les syndicats - Le Centre INFFO : un lieu d’expertise - Des actions dirigées vers les chômeurs - De l’expérimentation à l’institutionnalisation - Conclusion - Références bibliographiques

5. La construction d’un droit de la formation professionnelle des adultes (1959-2004), par Pascal Caillaud - Les fluctuations des premiers textes (1959-1971) - Des notions aux contours juridiques incertains - De la coordination étatique à la politique contractuelle - Un système juridique fondé sur le droit du travail (1971-2004) - Quel statut pour la personne en formation ? - Négocier et représenter : la compétence des organisations de salariés et d’employeurs - Entre morcellisation et individualisation du droit de la formation - « La formation professionnelle tout au long de la vie » : quelle signification juridique ? - De la branche professionnelle à la région - L’individualisation de l’accès à la formation - Conclusion - Références bibliographiques

6. Un passé impensé : l'action de l’Éducation nationale (1920-1970), par Guy Brucy - Perfectionner les salariés en cours du soir - Former, certifier, promouvoir - Le diplôme de l’excellence ouvrière - L’action de la Direction de l’enseignement technique - La mise en ordre scolaire - Enseignants et employeurs : des espaces de connivences - Des politiques volontaristes d’établissement - Réalités et limites de la formation - Le coût humain de la formation Initiative des salariés et déni de reconnaissance des diplômes - Le grand renversement (début des années 1960) - Conclusion -  Références bibliographiques

7. De la négociation entre interlocuteurs sociaux au dialogue social entre partenaires, par Lucie Tanguy - Une construction mythifiée du droit à la formation - Un paritarisme sans parité - La formation : un laboratoire d’expérimentations sociales et politiques - Références bibliographiques.


4 septembre 2007

Roid'Maubeug...isme ?

Décidément, on nous sert tout et son contraire !

Le dénonciateur médiatique du "droit-de-l'hommisme" (terme né dans les marécages de l'extrême-droite, si je me souviens bien) reçoit en grandes pompes une des grandes figures de la lutte pour les droits de l'homme: Nelson Mendela reçoit les honneurs du Roi de Maubeuge - dont le ministre HeurteDroits-BouteFeu humilie jour après jour sans relâche tant et tant d'hommes, de femmes et d'enfants.
La France libérale aime les droits de l'homme, mais hors de chez elle! Souvenez-vous des paroles de Lili, la si belle chanson de Pierre Perret :

Elle aima un beau blond frisé, Lili
Qui était tout prêt à l'épouser, Lili
Mais la belle-famille lui dit : "Nous
N' sommes pas racistes pour deux sous,
Mais on veut pas de ça chez nous..."

Aujourd'hui, rentrée des classes oblige, le Roi de Maubeuge et son Premier Sinistre ont rendu des visites. Le Roi a visité une école de Blois et y a ostensiblement caressé l'épaule d'un petit bonhomme noir de peau - mais en (s')assurant qu'il était bien français (Guyane)...


Le premier Sinistre, son second (en titre, mais c'est pas vrai du tout !) a visité un lycée professionnel où il a assuré que l'objectif de "plein-emploi" que s'est fixé le gouvernement repose "aux trois quarts" sur l'amélioration de la formation, comme si la formation si excellente qu'on puisse l'imaginer en elle-même (mais c'est quoi les critères d'évaluation ?) pouvait créer de l'emploi ! Comme disait mon adjudant-chef quand j'ai commencé à bosser, la formation ne crée que des emplois de formateurs ! Ceci dit, évoquant la possibilité de l'excellence de la formation en elle-même, je tombe dans le "pédagogisme" le plus abscons ! Tant pis pour moi. Mais quand même, à quoi sert donc que tout le monde soit bien "formés", formatés, si ce n'est à fournir au patronat une main-d'oeuvre disponible qui n'aura pas plus de travail pour autant. On va juste déplacer la file d'attente, pas la réduire. Une file d'attente telle que le jumping social va pouvoir fonctionner à plein comme on l'a déjà vu : j'embauche, parmi les gens qualifiés, ceux qui me font l'offre de rémunération la plus basse. Histoire de profit capitalistique. Comme quoi ce bon vieux Marx avait mille fois raison : c'est l'économique qui décide "en dernière instance", comme on disait dans le temps !

Par ailleurs, à l'époque du quasi plein emploi, disons avant 1973, même les non qualifiés trouvaient du boulot. L'idiot du village était cantonnier. Et les patrons payaient cher pour attirer les personnes qualifiées. D'ailleurs, notre bon roi de Maubeuge ne dit pas autre chose, en ces temps de rigueur annoncée : Dans l'école de demain vous serez mieux rémunérés, mieux considérés et à rebours de l'égalitarisme qui a trop longtemps prévalu, vous gagnerez plus, vous progresserez plus rapidement si vous choisissez de travailler et de vous investir davantage (discours d'aujourd'hui à Blois). Toujours et encore l'économique : la seule valeur en ce monde libéral est décidément le fric, le fric qu'on "gagne", le fric qu'on "vole", le fric qui tue ! La maxime du parfait petit libéral, c'est "ma devise est d'être toujours en compétition pour être toujours plus riche de devises"...

Non, le problème, ce n'est pas la mauvaise qualité du système éducatif. C'est juste le non respect de la personne humaine en tant que telle. Que le Roi de Maubeuge insiste tant sur le respect (de soi, des autres) est bien un signe, signe qu'en fait là n'est pas le centre de son intérêt ! Le non respect de la personne humaine en tant que telle, c'est, ce fut clairement l'avatar obligé des tyrannies, de toutes les tyrannies sans exception. C'est aussi celui du libéralisme, de plus en plus clairement depuis qu'il apparaît comme échappant à toute alternative pratique. Reste la question du philosophe libre : On doit se demander si le libéralisme suffit à la dignité authentique du sujet humain (Emmanuel Levinas, dans Quelques réflexions sur la philosophie de l'hitlérisme (1934).


Publicité
Publicité
22 août 2007

Qui a dit que le patronat aime bien quand il y a beaucoup de chômeurs ?

Lu dans Les Échos du 24 juillet dernier (p.3) : Moins de 10 % de chômeurs bénéficient d’une formation professionnelle. Selon une étude récente du ministère du Travail, beaucoup moins de chômeurs ont bénéficié d’une formation en 2005. Une évolution explicable par le désengagement  de l’État dans ce domaine...
Et dans les autres domaines ?
à suivre...


7 mai 2007

"La difficulté scolaire" est un produit social

Contrairement au discours inouï de la droite, l'échec scolaire n'est pas le fait de je ne sais quel déterminisme individuel qu'un contrôle policier suffirait à contraindre voire de je ne sais quel dysfonctionnement pédagogique que l'imposition de "programmes" ancestraux suffirait à régler.

L'échec scolaire est un fait social et, surtout, un produit social.

Les enseignants (du premier comme du second degrés) sont unanimes : la grande difficulté scolaire tient sa cause dans l'environnement de l'élève. Et c'est bien pour cela que le "dépistage" (puisque ce mot plaît à la droite triomphante) doit être effectué le plus tôt possible : la détresse sociale commence tôt ses ravages et le premier travail de la classe politique serait de comprendre cette triste réalité. Sauf que pour reconnaître ça, il faut accepter l'idée que le libéralisme destructeur de vies produit la détresse sociale... Comment l'enfant du travailleur pauvre, comment l'enfant du travailleur exclus du travail peut-il s'y prendre pour avoir de lui-même l'image suffisamment "estimable" qui lui donnera la force de surmonter le handicap social que lui impose la République toujours plus inégalitaire ?
On voit bien ici comment l'idéologie merdeuse de la récompense au petit peuple, avec son chapelet de mérite, de courage et autres balivernes au goût pétainiste et patronal, pourra se déployer ! Sauf que les enseignants s'accordent, eux, sur la nécessité de repérer et prendre en compte la détresse sociale dans sa répercussion scolaire le plus tôt possible, c'est-à-dire dès la grande section de maternelle. Ils s'accordent sur l'idée qu'ils faut aider davantage les enfants en grande difficulté scolaire (redoublement, soutien individualisé, aide au travail personnel, etc.). Ils réclament même des outils et des formations "concrètes" pour apprendre à construire des solutions sur mesure. Dire que l'origine de la grande difficulté scolaire tient dans les conditions sociales d'existence des enfants n'implique pas qu'il faille résoudre le malaise de façon uniforme et soi-disant égalitaire. Bien au contraire, c'est dans la relation pédagogique individualisée que l'effacement scolaire des stigmates sociaux imposés par le libéralisme destructeur de vies pourra se produire... Pour leur effacement social, il faut sortir de l'école et du collège et conduire la lutte politique.

Côté politique, la droite continue son travail autiste de normalisation et de cache-misère, convaincue que les enfants partent tous avec les mêmes conditions sociales de réussite scolaire, qu'il suffit de vouloir pour pouvoir, etc. Monsieur Pierre-André Périssol vient, par exemple, de déposer un projet de loi dont l'article unique dit ceci :

L’article 3 de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation nationale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La Nation assigne au système éducatif la mission d’amener chaque élève à son meilleur niveau sur sa voie de réussite ; pour ce faire, le système éducatif a pour objectif premier de faire acquérir par 100 % des élèves relevant de l’enseignement ordinaire un socle fondamental commun fait de connaissances, de savoir-faire et de comportements.
« L’acquisition de ce socle fondamental commun sera validée par un diplôme na- tional qui constituera le premier degré de tout diplôme scolaire ou professionnel. »

La belle affaire ! Nous n'avons là en guise de projet de loi qu'une transposition basique du discours de la Communauté européenne et des gouvernements européens en général. Le 5 mai, les ministres de l'Éducation du Conseil de l'Europe se sont engagés « en faveur d'une éducation de qualité pour tous ». Voici le communiqué de presse de l'institution :

Istanbul, 05.05.2007 - Réunis à Istanbul les 4 et 5 mai, date du 58ème anniversaire du Conseil de l'Europe, les Ministres de l'Éducation des 49 pays signataires de la Convention culturelle européenne du Conseil de l'Europe ont conclu leurs discussions en adoptant une déclaration finale, par laquelle ils s'engagent à élaborer des politiques visant à :

  • garantir l'accès à une éducation de qualité pour tous, au sein d'une société plus humaine et plus juste, et l'apprentissage tout au long de la vie ;

  • encourager la participation active des parents et l'engagement civique de l'ensemble des autres acteurs de la société en vue d'assurer la réussite scolaire des enfants ;

  • promouvoir les droits de l'enfant, conformément aux textes européens et internationaux.

Soulignant le rôle fondamental joué par les enseignants, les participants à la Conférence se sont félicités de l'initiative norvégienne de créer un centre de ressources sur l'éducation à la citoyenneté démocratique et l'éducation interculturelle, fonctionnant en liaison directe avec la Direction de l'Éducation du Conseil de l'Europe et contribuant à son programme.
Les Ministres présents ont fixé comme principal objectif du programme de coopération du Conseil de l'Europe le développement des compétences essentielles à une culture démocratique et à la cohésion sociale.
Ils ont par ailleurs souhaité que cette déclaration soit intégrée aux travaux du Conseil de l'Europe relatifs à l'élaboration du Livre Blanc sur le dialogue interculturel.

On fait comment, en Europe ? On fait comment en France ? En faisant l'omerta sur les conditions sociales d'existence des enfants qui vont à l'école ?


SOURCES


Publicité
Publicité
<< < 1 2 3
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 261 417
Publicité