caméra caché vs journaliste censuré
Jusqu'où peuvent s'"infiltrer" les journalistes ? Telle est la question du temps présent !
À cause d'une émission récente : “Les infiltrés”, sur France 2. Il s'agit d'un magazine d’investigation dont les enquêteurs se déguisent, mentent et piègent pour dénoncer. Et la question hyper-éthique est alors : la fin justifie-t-elle les moyens ? Télérama réclame même l'avis de ses lecteurs ou plutôt des visiteurs de son site...
Foutaises !
Il y a cinq mois, je me suis posé d'autres quesrtions ! C'était une soirée entre pros de l'info, ce mercredi 18 juin au soir. Je m'étais invité à une réunion
entre journalistes, organisée par l'association
"çapresse", sur le thème suivant : Comment résister aux nouvelles formes de censure des journalistes ? C'était à Paris, rue des petites écuries, dans les locaux de l'EMI-CFD.
Quatre intervenants dont la parole a été
distribuée par un cinquième journaliste à
l'esprit de synthèse aiguisé, quatre intervenants
aux profils professionnels différents (photographe,
rédacteur en chef photos, journaliste d'investigation). Une
assistance nombreuse (une cinquantaine de personnes), apparemment
composée de journalistes, au sens générique du
terme. J'avais le sentiment d'être le seul documentaliste. Aussi
me suis-je tu.
Autant le dire d'emblée : la question n'a pas été
traitée. Il n'y avait pourtant pas hors sujet : la
séance a plutôt tourné autour de la question de la
définition de la censure, plus précisément autour
du décryptage qui seul permet d'approcher la
réalité de ces fameuses "nouvelles formes de censure des
journalistes". Forme active de la conscience, toute résistance
est résistance contre. Pour résister, il faut donc
d'abord identifier contre quoi.
Bref, voici ce que j'ai pu noter lors de cette discussion entre
journalistes, non sans y ajouter mon grain de sel, sans honte aucune,
ni sans vergogne. Ce sont mes notes d'il y a cinq mois, que je n'ai ni revues ni retouchées depuis. Je les livre ce soir, à cause de la "caméra infiltrée".
1.fabrique-manipulation de l'information par DirCom ou DirPub
- le journaliste n'est que le diffuseur
cf. pendant la campagne présidentielle le diktat de l'UMP - le journaliste est "manipulé"
- le journaliste est "embarqué"
cf. les journalistes de guerre pris en charge par les autorités militaires - le journaliste est mystifié
cf. les storystellings...
2.intervention explicite sur l'information
-
pour modifier
cf. les retouches de photos (les bourlets du Président) - pour interdire
cf. ... les exemples récents ne manquent hélas pas !
3.décridibilisation des journalistes
- attaque de la personne du journaliste
nombreux exemples - stratégie de pression en retour
cf. la veille presse conduite par l'UIPP et la pratique de réponse prolixe systématique - affaiblissement de la portée de l'information dérangeante
par exemple par le vacarme informationnel, ou tout simplement par la démonstration de la fragilité (risque de non fiabilité) de l'information dérangeante
4.vacarme informationnel
noyer l'information dérangeante dans un flot démesuré d'information sans importance
5.brouillage des lignes qui séparent les catégories de presse
presse d'information / presse people & starisation des personnalités politiques ;
6.autocensure
intériorisation - consciente ou non, volontaire ou non - de la nécessité des petits et grands arrangements
- raison idéologique
no comment - raison économique
le journaliste ne peut agir contre la survie économique de son entreprise ;
énorme paradoxe existentiel : publicité, industrie du mensonge, comme condition de possibilité de (sur)vie de l'information...
Si on tente un tableau à double entrée des censures, on peut distinguer entre les trois instances de l'information (journaliste, information et secteur) et entre les trois moments de l'information : moment de sa fabrication (notamment les conditions de travail du journaliste, les situations où l'information se fabrique), moment du fabriqué lui-même, et moment de sa diffusion. Cela donnerait le tableau suivant.
On est loin de la caméra cachée, non ?