L'ActIonaute d'Octobre
Octobre2005
mensuel d'information et d'action du site Internet d'Amnesty-France
est paru. Si vous n'y êtes pas abonné, vous pouvez le lire à
http://v2.lkmgr.com/1127909210121964/1128345106052327
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IZNOGOUD, la politique est trop mortelle !
[reprise de Zataz du 03.10.05]
Il semble que l'équipe de
communication de l'UMP a tiré un peu trop sur la ficelle du jeunisme
et de l'Internet. Un courrier non sollicité, un spam, a été envoyé à
300.000 français. Un courrier traitant des élection présidentielle de
2007. En réponse à ce courrier non-sollicité, une plainte a déjà été
déposée, mais aussi et surtout, un Google Bombing a été mis en place à
l'encontre de Nicolas Sarkozy.
L'idée: dés qu'un
internaute tapera le nom du Ministre de l'Interieur, président de
l'UMP, il finira sur la page du héros de bande dessinée, Iznogoud.
Finesse de cette guerre électronique. Les internautes vont faire de
manière à ce que la page Iznogoud s'affiche quand une recherche sur la
biographie de Nicolas Sarkozy sera demandée. A noter qu'une nouvelle
campagne de spams, pardon de communiqués politiques, est annoncée pour
octobre.
Je suis très déçu : j'avais baptisé Iznogoud un collègue qui se la joue
trop vite en prenant le pouvoir de l'action des autres dès qu'il
peut... Mais bon, je ne suis donc pas le seul à avoir été incommodé par
la sarkopub ... Ouf ! Regardez là, vous serez convaincu ! Lisez l'article de Libé de ce 1er octobre. Et, si vous avez le temps, lisez le message d'Olivier Ertzscheid à ce sujet : le mot qu'il a mis dans la rubrique "Écologie de l'info" vaut son pesant de bulletins de votes ! Il est ici.
Bonne lecture !
Je ne sais pas si le verbe 'bloguer' est très correct, mais je l'emploie. Il dit bien ce qu'il veut dire. Bloguer, c'est, peut-être tout simplement, tenir un journal sur le web.
Le mercredi 28 septembre, Éric delcroix m'avait invité à la manifestation Blogs en Nord, qu'il organisait avec Lille3 (merci Éric pour cet après-midi là). La veille, j'écrivais dans cette colonne :
« Ce soir, je sais à
quoi ça sert un blog : ça sert à râler, à râler en écriture, c'est-à-dire à râler structuré,
si je peux me permettre cette drôle d'expression. Ce soir, malgré la
fatigue, je râle ! ». Alors j'ai râlé contre des comportements
ministériels pour le moins douteux voire scabreux... Après coup, j'ai
vu que d'autres que moi avaient râlé de la sorte. Certains avec beaucoup
plus de pertinence et d'humour que moi, d'ailleurs.
Bref, un blog, ça peut servir à râler en public... Mais il n'y a heureusement pas que ça. De nombreux blogs sont en fait nés de la volonté de partager une passion, un goût, un désir. Et sous cet aspect-là, les blogs d'aujourd'hui sont un peu comme les pages personnelles d'hier. La différence immédiatement visible, c'est que le blog est forcément d'abord structuré chronologiquement... d'où ce côté "journal". Je passerais volontiers des heures à fouiller, à visiter, à contempler tous ces temples des passions ordinaires... passions des gens, d'untel et d'untel...
Ce blog est bien un BLOG PERSO. Derrière chaque blog, disait Thierry Klein le 28 septembre à Pont de Bois, "il y a une question d'ego". Certes. Et s'il n'est pas un "journal intime exhibé" - ce à quoi on voudrait trop souvent assimiler les blogs -, mon blog se comprend sur le fonds de ma personnalité, sur le cours de mon histoire. D'où l'intérêt pour le lecteur de savoir qui je suis. Le 28 septembre, dans un bel amphi de Pont de Bois, je me suis présenté comme :
Conseiller en Formation continue depuis vingt cinq ans dans le secteur Formation permanente au CUEEP (mots-clés : USTL, bas niveau de qualification, approche territoriale de la formation)
Conseiller en Ingénierie de l'Information-Documentation (au CUEEP et à l'ADBS)
Formateur en techniques documentaires (mon dada = thésaurus & indexation + travail de l'écriture en documentation - que du ringard quoi !)
Musicien amateur (chanteur dans un ensemble vocal, éditeur de partitions, philologue du dimanche pour les textes chantés par l'ensemble [cf. La Bataille de Marignan de Janequin])
Citoyen non inféodé, mais sensible à l'importance du respect des droits de l'humain, quels que soient leurs formes et leurs lieux...
Chaque message que je laisse sur le blog s'appuie sur l'une de ces identités-là, quelquefois sur deux ou plusieurs à la fois.
Avec
l'idée aussi que cette surface éditoriale qui m'est offerte par
Canalblog merci Canalblog ! me permets de donner une seconde vie à
des contributions, déjà publiées ou inédites, dont j'ai la faiblesse de
penser qu'elles peuvent intéresser des
étudiants (en documentation, en sciences de l'information ou en sciences de l'éducation), des
professionnels de l'information-documentation ou de l'éducation, des musiciens ou
tout simplement des gens curieux de toutes ces choses-là. Il
peut alors s'agir de textes déjà publiés ou des textes inédits.
Le caractère perso du blog peut inciter certains de ceux qui ne sont pas en accord avec ce que je dis et qui se sentent viser par ce que j'écris à croire que je "règle mes comptes". Comme si régler ses comptes était infamant et discréditait automatiquement la validité de ce qui est écrit... D'ailleurs, ce que je trouve de très très intéressant avec le format blog, c'est que le lecteur peut "commenter", c'est-à-dire, le cas échéant, contester, approuver, demander etc. Pour l'heure, depuis un an et demi (j'ai ouvert ce blog le lundi 17 mai 2004), je ai eu de l'approbation (un peu, notamment après mon message du mercredi 20 avril, Pensée du travail et Liberté de penser) et surtout de la demande (de partitions). De contestation, aucune. Et c'est bien dommage, car mes propos souvent provocateurs appellent au débat... qui ne vient pas. Peut-être faudrait-il changer de style ? Mais je vous ai dit que ce blog était perso. Et le style, c'est perso, non ?
Réglement de compte ! Comme si toute notre vie n'était pas un vaste régle- ment de compte, avec nous-même et les autres, avec nos phantasmes et nos obsessions... J'en connais des enseignants-chercheurs qui sont deve- nus ce qu'ils sont pour précisément régler leurs comptes avec leur famille, leur entourage, leur vie d'avant. J'en connais qui ont fait une thèse juste pour prouver qu'ils avaient l'âge d'en faire une, malgré les apparence de l'état civil. Oui, mon travail sur la recherche-action de type stratégique comme méthode d'évaluation a été existentiellement motivé par le senti- ment d'être victime de notables universitaires qui, sous scientificité en trompe l'œil (le professeur Louis Marmoz était plus dur que moi, qui parlait de "recherche interlope" [in Les Sciences de l'Éducation, 1992, 3/4, p.143-150]), ont arrangé leurs petites affaires à trop bon compte (et ce compte-là, ce trop facile arrangement, ce trop bon compte, il faut le régler, c'est sûr !) ! Oui, peut-être bien que, si mon institution n'avait pas couvert les mésactions du trompe-l'œil, cautionnant ainsi la malversation scientifique, je n'aurais jamais écrit cet article... Oui, peut-être bien que si...
Sauf que le travail est là, la
réflexion s'est construite en écriture,
et l'écriture a été validée par un éditeur. Sauf que, n'en déplaise à
quelques notables du savoir étriqués dans leur peau de notables
embourgeoisés après avoir tenu haut les banderolles évoquant Mao ou
Trotsky (mais c'était il y a longtemps !), je
revendique une
qualité d'analyse et d'écriture dans cet article publié en 1992 par la
très sérieuse revue qui s'adresse aux professionnels du secteur de la
formation continue, Actualité de la Formation Permanente,
n°120. Qu'on se rassure ! Ce périodique ne prétend pas publier de la
recherche, pas plus qu'il n'est pris en compte pour le calcul
scientométrique en sciences de l'éducation.
Mon problème essentiel, avec ce blog, c'est que je ne sais pas faire
court. Toujours ce besoin de justifier par des arguments... Question de
perfectionnisme mal placé peut-être. Je ne peux m'empêcher de relire
pour correction, de rajouter des précisions par correction... Question
de
compétence d'écriture aussi : Charles Baudelaire ne disait-il pas - je ne sais plus où - que le plus
difficile, c'était de faire court ?
Après les bébés nageurs, voici les bébés flingueurs !
Vous avez tous vu, dans le Canard enchaîné du 28 septembre (p.4), cet article de Louis-Marie Horeau, intitulé "Le syndicat des commissaires s'attaque aux délinquants en couches-culottes", avec en sous-titre "Un catalogue de propositions délirantes. La très influente organisation propose de passer à l'action dès la crèche".
Ledit catalogue est disponible sur le site dudit syndicat.
Le
problème majeur ici, c'est que ce syndicat, le Syndicat des
commissai- res et hauts fonctionnai- res de la police nationale (SCHFPN),
est très représentatif comme on dit et surtout très influent auprès des
autorités ministérielles : les préconisations qu'il émet sont
souvent suivies d'effet.
Ça, c'est pour mesurer la gravité de la
situation. Parce que, sinon, si l'on s'en tient au texte du catalogue
en question, il y aurait plutôt de quoi rire, même si c'est jaune !
Voyons tout d'abord ce que le Canard appelle un catalogue. Il s'agit d'un document de quatorze page intitulé La sécurité du quotidien. Les propositions du SCHFPN, composé de trois grandes parties et d'une brève conclusion :
La prévention de la délinquance et l’accompagnement des publics vulnérables : « le guichet unique »
Le traitement de la récidive et de la réiteration
La réorganisation territoriale de la police nationale
Dans la conclusion, il s'agit de faire de la sécurité un pôle spécifique d’action de l’État.
La partie qui nous intéresse est la première, dont voici l'ossature :
La problématique [La police est le principal guichet des urgences sociales - Les intervenants multiples sont forcément éclatés - La coordination entre les interve- nants de terrain et les dispositifs locaux est quasiment inexistante]
Le "guichet unique" dans les commissariats [Les principes - La struc- ture : une coordination multipartenariale de type GIR]
Structurer au niveau central l’impulsion des missions de pré- vention et d’accompagnement des publics vulnérables
La notion de secret "professionnel partage"
La prévention précoce des enfants à risque
Et que lit-on sous ce dernier point ? Ceci :
Tout
un programme, non ? Pour moi, dans
ma petite tête, quand on parlait d'enfant à risque, c'est que l'enfant
courait un risque (risque sanitaire, en règle générale). Visiblement je
n'avais pas tout compris ! Pourquoi ne pas instituer alors un
avortement sécuritaire qui permettrait à la police de mettre fin à des
grossesses à risques ? Et d'abord, c'est quoi un "comportement
prédicteur de délinquance dès la crèche, la maternelle ou l’école
primaire" ? Je ne vois qu'une solution :
mettre en place une politique de l'eugénisme ! Et tout ce qui n'est pas
dans les clous sera éradiqué sans états d'âme ! Ce sera tellement logique et si facile à comprendre !
Et puis, si on
vous dit qu'aux Amériques, ils font ça, c'est que c'est forcément
bien... Mais, si vous ça vous démange
d'en savoir plus sur la généralisation des bébés flingueurs, sachez que
Jean-Marie Salanova, secrétaire général du Syndicat des commissaires et
hauts- fonctionnaires de la police nationale, sera l'invité des forums
de nouvelobs.com le vendredi 14 octobre de 10h00 à 12h00.
Après le Flash-Ball, le Taser !
Le second article intéressant de cette
page 4 du Canard enchaîné se situe juste en dessous de celui que je viens de compléter. Rédigé par Brigitte Rossigneux, il s'intitule : "La nouvelle arme fatale de Sarko II" avec en suite de titre : "Un pistolet qui ve droit au cœur des flics... et des récalcitrants". Effectivement, le cœur
des badauds est menacé par cette arme qui envoie une énorme charge
électrique à celui qui est atteint, grâce à des sortes de harpons... si
si des harpons, comme pour cette maudite chasse à la baleine. En plus
petit j'espère !
Là
aussi, ça se fait déjà aux Amériques... même que, comme le fait remarquer Brigitte Rossigneux, Amnesty International a
eu le toupet de compter les victimes de cette espèce de lance-harpons à très haute tension, arme qui,
technologiquement avancée, est forcément un signe manifeste du progrès
de l'humanité. Au niveau international d'abord bien sûr (dès nov. 2004), mais la section fran- çaise aussi, qui s’inquiète de la généralisa- tion des pistolets paralysants Taser, dans son communiqué du 16 septembre dernier.
Texte du communiqué SF05M36 (avec l'autorisation, non sollicitée, d'Amnes- ty International) :
«Amnesty International France demande qu’une étude indépendante sur
l’utilisation des pistolets paralysants Taser soit menée sur le
territoire français dans les plus brefs délais par des professionnels
médicaux, juridiques et sécuritaires.
Le 9 septembre 2005,
lors de son discours aux Préfets, le ministre de l’Intérieur Nicolas
Sarkozy a annoncé que « plusieurs centaines de Taser », pistolets
paralysants, allaient être livrés en 2006 afin de renforcer « les
capacités d’action des services de police ».
Depuis plus d’un
an, le Groupe d’intervention de la Police Nationale et plusieurs
brigades anticriminalité (BAC) testent le Taser en France. Le 30 avril
dernier, une jeune fille de 19 ans, Virginie, a été la cible de 4 tirs
de Taser par un groupe de policiers de la BAC à Lyon lors d’une
manifestation. Accusée par ces mêmes policiers « d’appel à la
rébellion, tentative de vol d’une arme d’un policier et rébellion »,
Virginie a été relaxée par le tribunal de grande instance de Lyon qui
n’a retenu aucun des chefs d’inculpation. La commission rogatoire de
l’Inspection générale de la Police Nationale a reconnu un usage abusif
du Taser puisque les policiers n’étaient pas en position de légitime
défense.
Selon Amnesty International, l’utilisation d’armes
paralysantes violent les normes internationales qui prévoient que les
responsables de l’application des lois n’aient recours à la force qu’en
tout dernier ressort, après avoir épuisé toutes les autres alternatives
non-violentes et proportionnelles à la menace posée. Dans de nombreux
cas, leur utilisation s’est apparentée à des actes de torture et des
traitements cruels, inhumains ou dégradants, interdits par l’article 5
de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et par l’article 3
de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, convention ratifiée
par la France.
Par ailleurs, de nombreuses recherches ont été
effectuées par Amnesty International sur ces pistolets paralysants aux
Etats-Unis et au Canada où leur utilisation est généralisée depuis juin
2001 et a répertorié, dans ces deux pays, 114 cas de décès survenus
après utilisation de Tasers.
Pour éviter toute utilisation
abusive du Taser, Amnesty International France rappelle que la
formation des forces de l’ordre doit être au centre des préoccupations
du ministre de l’Intérieur».
La section française s'appuie notamment sur deux rapports en langue anglaise qu'Amnesty International a publiés le 30 novembre 2004 concernant l'usage de ces armes aux États-Unis et au Canada.
Amériques... Amériques ? Vous avez dit Amériques !
Demain après-midi, je participe à la manifestation Blogs en Nord, qu'organise Éric Delcroix
avec Lille3... On risque de se demander à quoi ça sert un blog, dans le
secteur de la documentation, dans les entreprises. Ce soir, je sais à
quoi ça sert un blog : ça sert à râler, à râler en écriture, c'est-à-dire à râler structuré, si je peux me permettre cette drôle d'expression. Ce soir, malgré la fatigue, je râle !
INTOUCHABILITÉ
Vous
avez sûrement entendu ce ministre de la République, un "homme de loi",
comme on dit (pour ne pas dire autre chose), avant d'être le "gardien du sceau de l'État",
vous l'avez entendu dire qu'il fallait savoir prendre le "risque de
l'inconstitutionnalité", présentant cette prise de risque comme une
bravoure politique, une noblesse de caractère, etc. On croit rêver ! On
marche sur la tête ! J'espère que notre bon ministre va se faire
remonter les bretelles comme il convient, avant qu'il ne soit trop tard
!
Ça, c'est ce que j'appelle le syndrome de l'intouchable[*].
J'ai déjà rencontré des gens touchés par ce syndrome dans ma longue
vie. Ce sont en général des gens haut placés dans la hiérarchie
sociale, économique et/ou politique. La configuration est simple :
il y a un malaise dont personne ne veut porter la responsabilité ;
quelqu'un arrive pour dissiper ce malaise, se présentant comme un Zorro de circonstance (en fait, on est bien d'accord qu'il trouve un intérêt tout personnel à se donner ce travail-là) ;
il s'arroge tous les droits, y compris ceux que la morale la plus élémentaire réprouve, sous prétexte qu'il faut ça pour dissiper le malaise dont personne ne veut assumer la responsabilité ; d'ail- leurs faut pas trop en parler parce que ça raviverait le malaise ;
et comme personne ne veut assumer la responsabilité du malaise, personne ne dénonce l'immoralité du Zorro - qui devient donc proprement - si j'ose dire - INTOUCHABLE ;
et si Zorro fait des victimes, c'est tant pis pour eux ; ils n'avaient qu'à pas se trouver là !
Voilà,
c'est un schéma assez simple à comprendre. Je n'insiste pas, et la
gravité du malaise de départ ne changera rien à l'immoralité de
l'affaire.
Ce que je peux par contre mettre en regard du comportement
de ce ministre de la République, c'est qu'on va opposer très durement
des arguments de droit pur et dur aux salariés de la SNCM qui ont pris
possession de leur outil de travail... C'est comme pour les victimes
des Zorros : s'ils clament qu'ils sont victimes et que c'est injuste et
immoral, on les assome avec des arguties juridico-moralistes pour
qu'ils arrêtent de râler et soient heureux de n'être pas morts tout à
fait. En
fait, à un certain niveau, on peut voir la morale et le droit se
refiler la patate quand elle devient vraiment trop chaude. Encore ce système de "solidarité
des complexes" qu'a bien vu François Brune lorsqu'il analyse les mythes de
notre modernité...
En gros, ça donne ici le jeu suivant : tant que Zorro paraît légitime
et (c'est-à-dire, au choix, caresse dans le bon sens les poils de
l'opinion morale des gens ou va dans le sens des "affaires"), on n'est
pas trop regardant sur la légalité ; mais quand on met en cause la
moralité de Zorro, il vous ressort des principes du droit - ceux-là
mêmes qu'il a éventuellement bafoués juste avant.
Le
second point qu'on peut mettre en avant dans cette discussion sur le
syndrome de l'intouchable, c'est qu'il n'est généralement pas seul,
l'intouchable - ce qui lui vaudra quelquefois de faire le fusible. Il
n'est pas seul : il a une caste derrière lui, une caste dont les
membres sont prêts à avancer les arguties de droit ou de morale pour
défendre leur ami intouchable. La victime de l'intouchable, elle, est
vraiment seule. Seule contre une caste... Dans les petites affaires de
la vie professionnelle, on a tous vu ça fonctionner très bien - moi en
tous cas, j'ai vu ça de très près, de trop près et n'oublierai jamais,
je crois. Dans le cas de notre bon ministre prêt à "risquer
l'inconstitutionnalité" et invitant les représentants du peuple à la
courir avec lui, les choses risquent de se dérouler un peu plus
rudement : pour avoir une caste derrière lui, il risque surtout d'en
avoir une ou plusieurs en face de lui (opposition politique, syndicats
professionnels du droit, etc.). Et c'est tant mieux !
RÉPRESSION/COMMUNICATION
À propos du
même malaise que celui qu'utilise notre Garde des Sceaux pour jouer les
zorros intouchables, son collègue ministre mais patron de parti
politique en ajoute une dose mais sur un autre registre : il faut
attenter à l'intégrité physique des méchants (le fameux suivi
médicamenteux, que d'aucuns appellent improprement castration
chimique). M'insurgeant contre la seule idée qu'on puisse légalement -
au nom de la loi comme disait ce bon vieux Joss - toucher à l'intégrité
physique et/ou psychologique des personnes, je ne dis pas que le viol
ne doit pas être puni très sévèrement. Mais la gravité du crime ne peut
pas permettre qu'on aille jusque là. C'est ce dont Badinter et
Mitterand nous ont convaincu. On ne peut pas revenir en arrière. Même
par petites touches insensibles... Soyons donc vigilant.
Vous
me direz que nos ministres sont en mal de communication et qu'ils sont
prêts à tous les excès pour être sur la scène, sur le pont comme on dit
à la SNCM ? Vous vous trompez ! Ils communiquent très bien. À preuve,
ce qui suit.
Il
y a une heure un mèl est tombé dans ma boîte aux lettres
professionnelle (bruno.richardot@univ-lille1.fr). Je vous en mets
ci-contre l'image du début...
Intéressant non ?
Moi
qui un jour m'étais fait engueuler par ma "hiérar- chie" parce que
j'avais diffusé à tous mes collè- gues un message dénon- çant ceux qui,
en
toute légalité, bafouent quotidiennement les droits les plus
élémentaires de l'humain, je pensais naïvement, très naïvement que
Monsieur Sarkozy, "gardien de l'ordre public" ne ferait jamais ça. On
m'a personnellement déjà opposé le fameux "devoir de réserve" (la
fonction publique serait la grande muette) et je me suis tu. Eh
bien si ! Lui, le ministre de l'intérieur et des cultes, il le fait !
Notre
gardien de l'ordre public utilise les
adresses électroniques professionnelles des fonctionnaires pour faire
sa communication partisane. On vit dans un monde formidable ! Même
qu'on dirait que (la lutte contre) le terrorisme et la délinquence
finissent par être ainsi mis en scène dans notre bonne vieille
République républicaine. Et vous allez voir qu'on va nous présenter ça
comme un progrès ! Ah progrès, que ne fait-on en ton nom !
Ceci
dit, j'attends avec impatience ce documentaire intitulé Sarkozy mot à
mot, co-produit par Serge Moati et France Télévision, prêt à être diffusé depuis avril
dernier, documentaire où sont "décortiquées" les paroles du ministre.
Dans ce film d'une heure, Gérard Leclerc et Florence Muracciole font
réagir des hommes politiques
entre autres aux "mots" clés du vocabulaire de Sarkozy. Et depuis que Le canard enchaîné
du 8 juin en a parlé, j'attends avec impatience. J'aime quand on
m'explique ce qu'il y a sous les mots. J'aime comprendre. Souvenez-vous
du sous-texte...
[*] Je ne parle
évidemment pas ici des intouchables indiens (les Dalits)... Par certains aspects,
ces intouchables-là sont aux antipodes de ceux dont je parle ici. Quand je dis "intouchable", c'est dans le même sens qu'Isabelle Hontebeyrie au sujet des journalistes ou qu'Annick Perbal parlant des chercheurs en France,
par exemple. Ou encore au sens où Louis XVI conservait dans la
conscience collective une image d'intouchabilité... jusqu'à ce que les
députés votent son exécution, le 20 janvier 1793.
L'autre jour, Hugues Lenoir évoquait la figure de Socrate,
celui qui n'avait rien écrit et pourtant grand producteur de savoir (ne
disait-il pas le premier des savoirs était de savoir qu'on ne sait pas
?)... C'était à propos de la VAE et du rapport à l'écrit. Et de fait, pour autant qu'on sache, Socrate était un homme de parole.
Il y a quelque dix ans, j'avais osé une évocation du vieil athénien, fils de Phénarète,
accoucheuse de son état. C'était à propos de la figure du "tuteur
méthodologue", à l'occasion du deuxième colloque européen sur
l'autoformation que le GRAF et le CUEEP avait organisé ensemble, à Lille, les 6 et 7 novembre 1995. Ce texte constituait l'introduction à une bibliographie signalétique d’ouvrages et articles de langue française sur l’autoformation - travail bibliographique distribué en fascicule aux participants au colloque, puis publié en annexe aux actes dudit colloque (Cahier d'études du CUEEP, 32-33, mai 1996, p.263 sqq.), enfin repris par la suite et complété par Pierre Landry sur le site du GRAF.
Voici cette évocation :
Encore Socrate, l’ouvreur
Athènes,
il y a près de 2.400 ans.
Socrate et Ménon, un ami des sophistes,
discutent paisiblement sur une question à la mode : la vertu peut-elle
s’enseigner ? Mais, question préalable, qu’est-ce donc que la vertu ?
Voilà donc nos compères partis à la recherche d’une définition de la
vertu. Mais, nouvelle question préalable, c’est quoi, une définition ?
Socrate semble jouer avec les nerfs de l’ami des sophistes, tant et si
bien que ce dernier finit par craquer. Il lâche un sophisme bien
entendu que Socrate reformulera calmement, à peu près en ces termes :
impossible de chercher ni ce qu’on sait parce qu’on n’a pas besoin de
le chercher, ni ce qu’on ignore parce qu’on ne sait pas ce qu’il faut
chercher[1].
Comment savoir alors ce que l’on doit apprendre ? Socrate
a une réponse - en biais : on n’apprend pas, on se souvient seulement.
C’est la théorie - ou plutôt la « mythique » - de la réminiscence,
toile de fond de la maïeutique socratique et dans la perspective
actuelle de laquelle on installe souvent l’autoformation[2]. L’âme est
immortelle et vit plusieurs « vies », entre lesquelles elle peut, à
chaque fois, à chaque mort, contempler la vérité du monde. À chaque
entre-vies, elle voit tout, « il n’est rien qu’elle n’ait appris »[3].
Mais, juste avant chaque naissance, elle est conduite dans la plaine
d’Oubli[4] où, assoiffée, elle s’abreuve au fleuve Négligent[5] :
elle en oublie tout ce qu’elle a vu, tout ce qu’elle a appris[6]. Elle
semble cependant en garder quelque nébuleuse mémoire, puisqu’il
suffira que, non sans peine, Socrate exerce son art d’accoucheur, la
maïeutique, pour que le plus inculte des esclaves de Ménon formule la
règle de la duplication du carré. L’esclave la trouve (ou plutôt la
re-trouve, la re-connaît, re-naît avec elle) de lui-même, aidé d’un
Socrate « tuteur méthodologue »....
S’il est clair qu’on est loin de
pouvoir adhérer à la mythique platonicienne de l’immortalité de l’âme,
on ne peut assister au dialogue socratique sans être convaincu que la
démarche a bel et bien quelque chose à voir avec l’autoformation, ne
serait-ce que par opposition à l’hétéroformation à toute épreuve des
sophistes. En suivant Socrate et ses interlocuteurs, on peut voir
comment il n’existe pas de voie toute tracée vers le savoir, comment le
chemin de la connaissance se creuse en marchant. Le pédagogue est un
ouvreur d’itinéraire pour qui se laisse guider. À Athènes, il y a près
de 2.400 ans, le pédagogue était un serviteur qui accompagnait l’enfant
vers l’enseignant. L’image de l’accompagnement n’était finalement pas
si mauvaise. Le tuteur « mé- thodologue » n’est-il pas celui qui aide
chemin faisant[7] ?
Mais, à chaque fois, Socrate exerce
ses dons d’ouvreur dans une relation individuelle, personnelle, privée
avec son interlocuteur. Aujourd’hui, l’autoformation se comprend dans
un cadre institutionnel où l’individu en quête d’apprentissage devra
pouvoir disposer de guides plus ou moins balisés pour creuser son
propre chemin. Paradoxe, mais paradoxe qui se lèvera sans doute le jour
où la question de l’autodirection en formation trouvera des réponses en
termes de dispositifs ouverts, c’est-à-dire avec un spectre le plus
large possible d’usages par les apprenants.
Le défi n’est pas mince
: cadrer, mais sans le réduire a priori, le champ du possible ! C’est à
le relever qu’œuvrent les bâtisseurs de l’autoformation.
L’autoformation
est « en chantiers », affirme la livraison d’Éducation permanente qui
rend actes du premier colloque européen sur l’auto- formation (Nantes,
novembre 1994)[8]. Ce premier colloque, écrit Chantal Attané[9], a révélé
l’autoformation « dans tous ses états ». À l’occasion de la tenue du
deuxième colloque, le présent document veut, tout simplement, présenter
l'autoformation dans (presque) tous ses écrits - écrits de chercheurs,
écrits de praticiens.
[NOTES]
Cf. Platon, Ménon 80e2-5.
Cf., par exemple, Henri Desroche, « D'une écriture autobiographique à une procédure d'autoformation. Pour une approche "maïeutique" en éducation permanente », Éducation permanente, n° 72/73, 1984, p. 121-140 ; et, plus ré- cemment, Philippe Carré, « L’autoformation : état des lieux et perspectives », dans Les cahiers d’études du CUEEP, n° 28, février 1995, p.11.
Ménon 82c7.
La plaine Lèthè ; la vérité, c’est alèthéia, c’est-à-dire le non-oubli.
Le fleuve Amélès ; chez Platon, la néglicence (améléia) s’oppose au soin (épiméléia) qu’il faut apporter à l’âme (Cf. Phédon, 107c1) ; ce soin se déclinant en termes d’apprentissage et de connaissance, voire de sagesse...
Cf. Platon, République, livre x, 621a.
L’imagerie de l’itinéraire, du chemin, de la voie, etc. n’est pas sollicitée ici uniquement par référence au lexique contemporain des acteurs de la formation et de l’autoformation, mais bien parce qu’elle est utilisée par Platon pour développer sa mythique de l’âme (cf. par exemple le « mythe d’Er » dans République, livre X, à partir de 614b). En fait, la maïeutique socratique a son corrélat du côté de l’interlocuteur de l’« accoucheur » : la poréïeutique, ou art du voyage (poréïa). Cette poréïa est aussi bien, chez Platon, la « marche dialectique » (cf. République, livre VII, 532b5) que les pérégrinations des âmes dans leur entre-vies (cf. République, livre X, 619e5).
Éducation permanente, n° 122, paru en juin dernier.
Entreprises-formation, n° 81, janvier-février 1995, p. 19.
Je
sais, et Bernadette Courtois avait bien raison de me le faire remarquer, Socrate conduit son
interlocuteur où il veut bien le mener, le faisant passer par des
circonvolutions dialectiques inouïes, alors que le tuteur méthodologue
n'est pas censé conduire l'apprenant, juste lui faciliter la tâche
d'apprendre. Mais quand même, il y a de la pédagogie constructiviste
chez ce Socrate, tout comme chez le tuteur méthodologue - si j'en crois
mon ami Gilles Leclercq.
Quel homme ambigü, ce Socrate !
Au fait, qui c'était Socrate ?
Si, au début des années quatre-vingt-dix, je me suis intéressé à la problématique de ce que j'ai plus tard appelé écriture praticienne, c'est pour deux raisons concomitantes :
l'une tient à l'appel à l'aide d'un collègue qui avait lancé un chantier d'écriture à plusieurs et qu'il avait de la peine à faire avancer jusqu'à terme ;
l'autre au fait que, fondateur et responsable de la fonction documentaire au CUEEP, j'étais dans la proximité la plus grande avec les Cahiers d'études du CUEEP - où j'ai joué plusieurs rôles intéressants : conseil en écriture, rédaction, édition, bibliographie...
C'est en 1993 que mon collègue Gilles Leclercq, enseignant-chercheur en sciences de l'éducation, avait entrepris un chantier d'écriture à plusieurs. Voici comment il présente cela : "En décidant en mai 1993 d’écrire collectivement un Cahier d’Études sur une action spéci- fique, nous nous lancions dans une aventure difficile. Il faudrait surmonter bien des difficultés et la tâche serait conséquente. Mises bout à bout, ce sont environ sept cents heures d’interviews, de retranscription, d’écriture, de lectu- re, et de relecture (sans oublier le travail inhérent à toute activité de publication) qui forme la matière vive de cette étude." L'action en question s’appelait E.T.C., à savoir « Environnement Technique et Commercial ». C’était une formation en entreprise sur l’entreprise destinée aux agents opérationnels de La Redoute Catalogue. Sa finalité était la connaissance par des salariés de leur propre entreprise. Le stage durait cinq jours, soit trente-cinq heures, et avait été suivi, en deux ans, par plus de deux cent vingt personnes (dix-neuf groupes de douze personnes)... Nombre de professionnels de la formation continue avait participé à cette aventure pédagogique dont la réussite invitait à une valorisation par l'écriture. C'est ainsi que pas moins de dix auteurs sont intervenus dans la rédaction de l'étude que publia le CUEEP comme n°27 de ses Cahiers d'études.
Ma contribution fut quintuple :
conseil en écriture, c'est-à-dire très concrètement aide aux collègues en difficulté d'écrire ;
avec Gilles Leclercq, conception de l'ensemble de l'ouvrage ;
rédaction de l'introduction intitulée Action et recherche. Des praticiens écrivent le dialogue des compétences ;
co-rédaction de contributions particulières (l'une sur la gestion d'une action de formation, l'autre - en restitution d'entretien - sur la contextualisation politique de l'action) ;
confection du Cahier d'études.
Ce fut pour moi un tel bonheur
professionnel et intellectuel que je me pris au jeu de l'écriture
jusqu'à proposer une sixième contribution, jusqu'à désirer engager une
écriture sur ... l'écriture qui avait conduit à l'édition du Cahier d'études du CUEEP
n°27. Le travail avec Gilles Leclercq avait tout à la fois permis une
réflexion mais surtout l'avait éclairée ; je me sentais capable d'en
parler, ou plutôt d'en écrire.
Avec la permission de mon collègue
enseignant-chercheur, je m'octroyais royalement une place en fin
d'ouvrage, pour partager mon goût pour cette problématique,
relativement nouvelle à l'époque, de l'écriture des praticiens de
l'éducation permanente. C'est dans ces circonstances qu'est née la Note sur l'écriture praticienne qui clôt le Cahier d'études du CUEEP
n°27, publié en décembre 1994.
Sur
la lancée, la réflexion continua un temps, donnant lieu à de brefs
articles et à de courtes interventions lors de colloques... J'ai
rassemblé ce qui me semble intéressant dans une page de ce blog, celle
qui s'appelle tout simplement L’écriture praticienne et, outre la retranscription d'une intervention en marge du second colloque du GRAF sur l'autoformation, propose en téléchargement (pdf) :
Note sur l'écriture praticienne in CAHIERS D'ETUDES DU CUEEP (LES) , n°27, décembre 1994
Ecriture praticienne et autoformation intégrée en organisme de formation in CAHIERS D'ETUDES DU CUEEP (LES) , n°32-33, mai 1996
L'écriture praticienne, situation et problèmes in ENTREPRISES FORMATION, n°95, octobre 1996 (Cahier Point-recherche)
L’écriture praticienne et ses références in CAHIERS PEDAGOGIQUES (LES), n°370, janvier 1999
La seconde
raison tient à mon activité principale des années quatre-vingt-dix : la
création et l'animation de la fonction documentaire au CUEEP. À ce
titre j'étais dans une grande proximité avec les Cahiers d'études du CUEEP,
ne serait-ce que parce que c'est à la Cellule documentation que les
étudiants et les professionnels de la formation venaient les consulter
ou les acquérir pour une somme modique.
Et puis, réfléchissant à
l'écriture praticienne au CUEEP, je ne pouvais pas ne pas m'intéresser
à ce phénomène somme toute original que constituait la mise en place et
le fonctionnement d'une édition universitaire d'écritures pas forcément
universitaires...
Bref, quand il s'est agi de fêter les douze ans
des Cahiers d'études, je me suis fendu d'une petite étude sur les
écritures qui y étaient à l'œuvre. Cela a donné un fascicule de 90 pages : LES CAHIERS D’ÉTUDES DU CUEEP, 1984 / 1995. Une double introduction, des fiches documentaires et des indices.
La première partie du livret évoque la richesse de la région Nord-Pas de Calais, sous le titre "Recherche, création et production documentaire en éducation et formation dans le Nord-Pas de Calais", sous trois aspects :
Il s'agit en fait de la reprise (partielle et remaniée) d'un texte écrit pour une autre circonstance, je veux parler des vingt ans des GRETA, à l'occasion desquels la Délégation académique à la Formation Continue commanda au Collectif Documentaire régional Emploi Formation (que j'avais créé avec ma collègue du CARIF) une bibliographie sur l'Évolution des métiers de la formation des années 70 à l'an 2000. Pour cette bibliographie collective que j'avais dirigée, j'avais rédigée une introduction montrant comment notre région avait su, dès les années soixante-dix, organiser la formation permanente et notamment la formation des formateurs... Cette bibliographie faisait en quelque sorte suite à celle que j'avais réalisée pour le colloque de 1989 "Les formateurs d’adultes et leurs qualifications : réponses des universités" (dont les actes ont fait l'objet d'un numéro spécial des Cahiers d'études publié en juin 1990).
La deuxième partie centre le propos sur le CUEEP et ses Cahiers d’études, démarrant une petite analyse de la stratégie éditoriale. Puis je proposai une typologie des Cahiers d’études et une présentation de leur thématique. De nombreux éléments de cette partie se retrouvent dans les divers textes que j'ai pu écrire sur le thème général de l'écriture praticienne, notamment dans la Note de 1994.
La troisième et dernière partie est constituée de fiches documentaires des Cahiers. Chaque Cahier fait l’objet d’une notice. Celle-ci comprend, outre les références bibliographiques habituelles, une présentation succincte, en général rédigée par le ou les auteur(s) du numéro en question. Un appareil de descripteurs permet ensuite de situer le Cahier dans le champ conceptuel de la formation continue (Thésaurus de la formation du Centre INFFO, 1988 - quelques descripteurs ayant été ajoutés, dans l’attente de la parution de la nouvelle version du thésaurus). Il alimente l’index thématique situé à la fin de ce document. Puis un commentaire tente, autant qu’il est possible, d’indiquer des prolongements de lecture, en privilégiant soit la piste de l’écrivant, soit celle de la thématique. Quelquefois ce commentaire a été rédigé en collaboration étroite avec l’auteur (ou le coordinateur), voire par l’auteur (ou le coordinateur) lui-même.
Comme dit René Duringer, dans la Revue française de comptabilité (n°227, octobre 1991, p.14), « l'évaluation
est partout. L'évaluation est à la mode. C'est même l'un des grands axes de la
rénovation du secteur public engagée depuis quelques années. Ce besoin de
nouveaux instruments de mesure s'explique par :
la décentralisation qui s'est traduite par de nouveaux pouvoirs et de nouvelles responsabilités des élus locaux notamment dans le domaine social,
la nouvelle définition des
rôles de l'État, des collectivités et des institutions. »
Prenant une posture délibérément moins
techniciste que René Duringer, Patrick Viveret, dans son rapport de 1989, commence par montrer comment l'évaluation est une fonction et un enjeu
de la démocratie, ne serait-ce qu'en permettant l'application de l'un des
principes fondamentaux de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de
1789 (formulé dans son article 14) :
« Tous les citoyens ont le droit de
constater,
par eux-mêmes ou par leurs représentants,
la nécessité de la
contribution publique ».
Le groupe nominal 'recherche-action' est
particulièrement absent du rapport de Patrick VIVERET et l'on pourra
légitimement me demander pourquoi je le sollicite au sujet de la
recherche-action. Ma réponse tient en deux raisons, d'inégal statut :
la recherche-action étant un axe méthodologique important du Laboratoire
Trigone (et, partant, du CUEEP), il se
trouve que plusieurs recherches-actions menées par Trigone évaluent des actions
publiques ;
de fait, évaluation et recherche-action ont de nombreux points communs, ne
serait-ce qu'au plan méthodologique.
Aussi, soucieux d'apporter ma pierre à la
constitution de la recherche-action de type stratégique comme méthode de
recherche appropriée à l'objet « éducation »[*], je me propose, dans un premier
temps, de situer la recherche-action comme méthode d'évaluation, avec les
critères proposés par Patrick Viveret. Puis, les chercheurs qui pratiquent la
recherche-action de type stratégique fondant l'un des aspects essentiels de
leur démarche sur une théorie de la connaissance, nous irons, dans un deuxième
temps, du côté de l'épistémologie sartrienne, puis ferons un détour par
l'histoire. Enfin (troisième temps), revenant au travail de Patrick Viveret, je
vous propose de soumettre la recherche-action de type stratégique au crible de
la philosophie politique, afin de répondre à la question : la recherche-action
de type stratégique, comme action, respecte-t-elle les termes de cette idée à
usage régulateur qu'est la démocratie ?
Typologie de l'évaluation, théorie de la
connaissance et pratique de la démocratie, tel est le triptyque des
problématiques où s'in terroge la recherche-action de type stratégique. Ma
contribution se déroulera donc en trois temps :
1. Recherche-action et typologie de
l'évaluation
1.1. le
critère "temps" : une évaluation "concomitante" ; la conco- mitance présente
un grand intérêt
1.2. le
critère "fonctions" : l'évaluation est dite "dynamique", dans la mesure où
elle devient "un instrument de pilotage de l'action"
1.3. le
critère "destinataires" : une évaluation "endoformative"
1.4.
quelques remarques pour nuancer
1.4.1. recours
à la méthode historique
1.4.2. dans
le même temps "récapitulative"
1.4.3.
l'évaluateur occupe une position médiane
1.5. le plus
de la recherche-action de type stratégique : l'implication du chercheur, à tel
point que le chercheur est en même temps acteur
2. Recherche-action et théorie de la
connaissance
2.1. la
citation et son commentaire
2.2. la
citation et son contexte
2.2.1. cet
ouvrage est en fait...
2.2.2. dans
la note d'où provient le texte cité, ...
2.3. prière
de situer
2.3.1.
situer les expériences
2.3.2.
permettre une mesure aussi précise que possible de l'impli- cation du chercheur
dans l'action
2.3.3. des
expressions contemporaines de la praxis marxiste/ post- marxiste ; le dilemme du
savant et du politique de Max Weber
2.4. faisons
un détour par l'histoire
2.4.1. la
méthode historique : la question de l'objectivité, la ques- tion de la vérité
2.4.2.
typologie des situations du chercheur-acteur
1) l'espace
idéologique
2) l'espace
de pouvoir
3) l'espace
d'action
4) le temps
de l'action
2.5. praxis
et utopie pédagogique
3. Recherche-action et pratique de la
démocratie
3.1. la
garantie d'indépendance
3.1.1.
comprendre l'indépendance dans la relation entre évaluateur et acteur
3.1.2.
comprendre l'indépendance dans la relation entre évaluateur et prescripteur
3.2. la
garantie de compétence et de rigueur
3.3. la
garantie de transparence
3.4. la
garantie de pluralisme
3.4.1. l'"acteur collectif" est-il garantie de pluralisme ?
3.4.2.
comment l'espace critique fonctionne-t-il ?
3.4.3.
l'espace critique est-il hors de l'acteur collectif ?
____________________________________
[*] Cette constitution est le projet de la thèse de Marie-Renée Verspieren, Recherche-action de type stratégique et science(s) de l'éducation, Bruxelles/Paris, Coédition Contradictions/L'harmattan, 1990 (396 p.). Sans cet ouvrage, les réflexions dont je vous fais part ici n'auraient pu s'approfondir. C'est à lui et aux différents Cahiers d'Études du CUEEP (les numéros 1, 3, 9, 11, et 15, notamment) que je dois l'essentiel de ma connaissance de la recherche-action, et de la recherche-action de type stratégique en particulier. L'ensemble de ces ouvrages constitue le corpus sur lequel s'appuie mon analyse.
____________________________________
Ce texte a été publié sous une forme légèrement différente et sous un titre non moins légèrement différent (« Recherche-action de type stratégique : typologie de l'évaluation et implication du chercheur ») dans Actualité de la Formation Permanente, n°120, Septembre-Octobre 1992, p. 103-119. Les dessins sont d'Ambroise Monod, rédacteur en chef de la revue. La notice du service documentation du Centre Inffo propose le résumé suivant : L'article situe dans un premier temps, la recherche-action comme méthode d'évaluation et propose une typologie de l'évaluation. Puis rappelle les fondements théoriques de la connaissance sur lesquels s'appuient les chercheurs qui pratiquent la recherche-action de type stratégique. Enfin, la question de la relation d'un tel type de recherche avec la démocratie est posée. L'auteur fait référence tout au long de son article aux travaux de Patrick Viveret.
Lecteur attentif,
tu auras sans doute remarqué que, depuis un certain temps, la suite du message intitulé Le sous-texte (1) a été supprimée. Cette suite qui comptait sept épisodes a en effet été (auto-)censurée, dans un souci d'apaisement de la guerre civile qui menaçait...
Dans cette série de texte, entraîné pas ma lecture du superbe livre de Duvignaud, je réfléchissais tout haut sur un certain nombre de sujets, notamment la situation de l'organisation où je travaille depuis plus d'un quart de siècle. Forcément, j'ai été amené, fidèle à Jean Duvignaud en quelque sorte, mais aussi à François Brune, a tenté une explicitation des non-dits qui peuplent ou plutôt qui polluent l'atmosphère - et qui, en tous cas, donnent du sens à ce qui se passe là où je bosse.
Qu'est-ce que je disais ?
Je disais
que le CUEEP allait mal et que son existence était menacée. Ça, tout le
monde le sait dans le monde régional de la formation continue - pas de
quoi crier au scandale de la mise sur la place publique d'une
confidence ! Mon analyse, c'était que cette
menace vient essentiellement du contexte ultralibéral qui nous entoure
aujourd'hui, contexte qui dénature les missions historiques de
l'Institut, en les contraignant de se situer sur le "marché" - Saint
Marché priez pour nous !
En passant, je tentais de comprendre
pourquoi le CUEEP n'arrivait pas à se défendre de cette promesse de
mort comme il le faudrait. Et d'égrener quelques raisons, dont celle de
la non solidarité interne, notamment du fait de la multiplicité des
statuts - et là je pensais très concrètement, mais entre autres, à mes collègues, qui,
grâce au CUEEP, sont aujourd'hui installés dans la partie haute de
l'institution universitaire et ne jouent plus vraiment, à mon sens à moi,
le jeu collectif qui peut-être consisterait à parler haut et fort des
missions historiques du CUEEP au lieu d'accepter comme une fatalité,
voire comme un progrès, la disparition d'un organisme universitaire qui
se voulait "au service des hommes et des femmes de la région".
En
fait, quand je dis que la guerre civile menaçait, ce sont plutôt
certains de mes collègues qui (me) menaçaient... Pas contents d'être
mis en
cause, ils sont allés en délégation, un certain jeudi de la
mi-septembre, rencontrer les autorités pour dénoncer mes propos, comme
un groupe de bons élèves qui, provoqués par un sale gosse coutumier du
pied de nez à la maréchaussée, allait se plaindre à la maîtresse de la
classe ou au directeur de l'école pour faire punir le vilain petit
canard... mais sans adresser la parole au dit-canard, malgré mon invitation au dialogue sur blog. Tout de même, on
ne mélange pas les torchons et les serviettes comme disait ma
grand'mère !
Donc censure et autocensure.
Le sous-texte restera publiquement et pudiquement en dessous, caché sous le boisseau.
Tant pis.
Mais il faudra qu'un jour
j'analyse la notion d'"intouchables". Il me suffira de réagir à
l'actualité politique au moment opportun... qui ne saurait tarder !
Au tout début de l'année dernière, Inffo Flash (629, 15-30 janvier 2004) publiait un entretien avec Hugues Lenoir, maître de conférence à Paris X et intéressé par deux binomes thématiques : Illettrisme & Validation des Acquis de l'Expérience et Éthique & Formation.
Hugues Lenoir venait d'achever une recherche exploratoire auprès
d'acteurs de la VAE engagés dans des expérimentations en entreprise
pour des travailleurs en situation d'illettrisme. Elle l'avait conduit
à inviter les formateurs à chercher « les moyens de travailler avec l'oral de manière à ce que celui-ci fasse preuve, au même titre que l'écrit », pour reconnaître les savoir-faire de ces personnes et assurer ainsi davantage d'équité...
Ce matin, le C2RP a invité Hugues Lenoir pour animer l'un de ses petits déjeuners autour de la thématique VAE et Illettrisme.
Pas étonnant que l'un des organismes phares de la formation continue du
Nord-Pas de Calais propose un tel menu matutinal : la VAE et la lutte
contre l'illettrisme sont deux thèmes majeurs de la politique
régionale.
Je figurais parmi les convives. Voici mes bribes de notes et mes
impressions fugaces et fondamentales en même temps. Je vous les livre pour ce qu'elles sont : partielles, personnelles et
forcément engagées. Hugues Lenoir m'a permis de les publier ici, mais
ne les a pas relues. Elles n'engagent donc que moi, qui
pour avoir participer en tant que professionnel de l'information et de la documentation à des jurys VAE (pour un diplôme de niveau III délivré par l'Université de Lille III), ai été "chamboulé" par la charge existentielle qui pèse sur l'impétrant qui faisait face au jury autant que par la charge éthique qui pèse sur le co-évaluateur que j'étais ;
pour avoir autour de moi des personnes faisant projet de sou- mettre un dossier VAE, suis témoin du décalage communicationnel entre elles et les "valideurs" ;
pour travailler depuis plus de vingt-cinq ans dans un organisme viscéralement attaché à la promotion des personnes de faible niveau de qualification, rêve d'un système social où l'on aiderait avec respect ces personnes à prouver leurs compétences et à enclencher les processus de formation au bout desquels s'éclair- cirait l'horizon du développement personnel et de la reconnais- sance intellectuelle.
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Tout d'abord une mise en garde :
le fonctionnement du binome "VAE & personnes en situations d'illettrisme" n'implique aucune dégradation des diplômes ou des certifications, prévient Hugues Lenoir.
D'ailleurs, la validation des acquis n'est pas née de la dernière pluie : elle fonctionne
depuis avant le Front Populaire pour le diplôme d'ingénieur - diplôme
qui se porte toujours très bien...
Ensuite un paradoxe :
Hugues Lenoir soutient dans le même temps que :
il n'est pas utile de recourir à l'écrit pour les personnes en situations d'illettrisme ;
il est nécessaire de mobiliser l'écrit dans la procédure VAE.
En effet, il n'est pas utile de recourir à l'écrit pour les personnes en situations d'illettrisme, mais il est nécessaire de mobiliser l'écrit dans la procédure VAE ne serait-ce que pour relancer la dynamique d'apprentis- sage des savoirs de base, savoirs socialement indispensables quoi qu'il arrive.
Enfin, une distinction entre deux logiques de validation :
la validation sur reconstitution écrite (secteur Éducation nationale, secteur Santé Social, ...), comme si on savait toujours et fatalement ce que l'on fait ;
la validation sur mise en situation d'expérience (Ministère du travail), comme si on savait parce qu'on fait.
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Commençant le compte-rendu rapide de
son étude VAE et situations d'illettrisme (2004), Hugues Lenoir évoque
la figure tutélaire de ce bon vieux
Socrate dont on ne connaît aucun écrit, à se demander s'il a même su
écrire, et qui, pourtant, a produit bien du savoir...
Et de proposer un syllogisme sur le mode du célèbre
Tout homme est mortel.
Or Socrate est un homme.
Donc Socrate est mortel.
L'expérience produit de la compétence et du savoir.
Or les personnes en situations d'illettrisme sont riches d'expériences.
Donc les personnes en situations d'illettrisme ont de la compétence et du savoir.
La question n'est donc pas tant d'avoir
la certitude que les personnes en situations d'illettrisme ont du
savoir et de la compétence. On a cette certitude, et depuis belle lurette ! La question, cruciale, est de savoir
comment permettre la reconnaissance de ces savoirs et compétences. Rôle
important, primordial de l'ACCOMPAGNEMENT.
Une distinction entre deux types de reconnaissance :
la reconnaissance pour soi (renforcement narcissique) où l'accompagnement pointe diplômes et certifications ;
la reconnaissance pour le travail, où l'accompagnement prend en compte le marché local de l'emploi, etc.
Puis vient un paradoxe, encore, mais sous forme de question : si on maintient le recours à l'écrit, quid des personnes en situations d'illettrisme, sachant que la loi de 2002 a été pensée pour les bas niveaux de qualification ?
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Qulques questions à la volée concernant l'écrit
Que
mesure-t-on dans la procédure VAE : de la connaissance ou de la
compétence ? Dans le second cas, c'est l'action qui donnera le contexte
de la mesure. Dans le premier cas, l'écrit tient une place importante,
mais adossé à l'oral comme moyen de montrer (Cf. Françoise Waquet, Parler comme un livre).
D'autre part, quid de la nature et du niveau de l'écrit ? Hugues Lenoir attire notre attention ici sur la dérive type "promotion sociale", que j'ai pu connaître dans le fonctionnement des jurys CAPUC dans les années quatre-vingt. Cette dérive consiste à être bien plus exigeant qu'il ne le faudrait : là où un candidat au CAP en formation initiale obtienait son diplôme avec une note de 10/20 et en ayant éventuellement fait quelques impasses dans le "programme", un candidat en formation continue devait justifier d'une note satisfaisante dans chaque partie du programme sans exception aucune. Et au final, certains employeurs, je m'en souviens très bien, avaient conscience de cte différence et disaient préférer une personne avec un CAPUC obtenu en formation continue à un diplômé de la formation initiale...
Encore une question importante : quel est l'étalon pour construire et évaluer l'écrit en question, l'étalon académique (écrit théorique) ou l'étalon professionnel (écrit d'usage) ?
Enfin, question du niveau de formalisation, à l'écrit comme à l'oral - question qui s'appuie qur la problématique de la preuve.
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Des pistes ...
Pêle-mêle, Hugues Lenoir lance des idées, comme autant de pistes pour réfléchir et pour agir autrement.
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Conclusion ?
La VAE, comme
ruse pédagogique (au sens de Jean-Jacques Rousseau), avec support écrit
pourrait permettre de passer de l'écriture domestique à une écriture
socialement validée, tout en restant une écriture pour soi.
Car enfin, même
si on milite pour la possibilité d'une VAE sans écrit, il faut bien
admettre que l'écriture/lecture est partout, dans tous les emplois...
Ceci dit, il y
aurait un effet pervers collatéral de la VAE : mettre au chômage ceux
qui, bien que compétents, ne sauraient prouver leurs compétences...
De là à penser qu'il faut maintenir des emplois non qualifiés...
Ce qui irait à l'encontre de la logique de la certification qui tend - hélas! - à s'imposer.