Ça y est ! Il recommence, le grand ! Il veut encore aller trop vite !
Il ne s'agit plus du CPE, mais de son grand frère que les syndicats de salariés ont bêtement laissé passer, le CNE.
Comme pour se rassurer lui-même et sans doute pour, dans le même mouvement, se faire applaudir par la foule déchaînée, il met la pression sur les analystes et statisticiens d'État pour qu'ils "prouvent" que le CNE est bien créateur d'emplois, etc.
Du coup les syndicats des agents des ministères de l'Emploi (Dares), de la Santé (Drees), de l'Éducation nationale (DEP), de l'Insee et de l'ANPE râlent et le font savoir (communiqué de presse). Reuters et AFP s'en sont fait l'écho hier. Je cite Reuters (03/05/2006 - 20h49) : Quatorze syndicats des organismes publics de statistique dénoncent des pressions politiques et un délai insuffisant pour mener l'évaluation du contrat nouvelles embauches (CNE) commandée par le gouvernement.
Voici ce que disent les quatorze syndicats (je cite d'après Reuters et AFP) :
"Il n'y a pas aujourd'hui de mesure fiable des créations nettes d'emploi dues au CNE. À cette heure, aucune évaluation du CNE ne repose sur des faits, et aucun autre indice ne permet de dire qu'il a des effets en terme de créations nettes d'emplois. Ce n'est qu'au terme des deux années correspondant au 'cycle de vie' complet d'un CNE que des études permettant de faire un premier bilan global des effets du CNE seront possibles. D'ici là, nous estimons que la plus grande prudence s'impose aux statisticiens et aux commentateurs dans leurs évaluations et analyses. Une enquête statistique sera bientôt disponible, mais ses résultats resteront d'une portée réduite. La volonté du gouvernement d'avoir rapidement à sa disposition une mesure de l'effet du CNE a conduit le cabinet du ministre de l'Emploi à demander fin janvier le lancement d'une enquête sur les effets du CNE. Il en attend des résultats en juin prochain [mais] un délai aussi court est insuffisant pour évaluer un tel effet, les employeurs bénéficiant de modalités de rupture allégées pendant deux ans. Le risque est grand que le gouvernement s'empare de ses résultats pour exhiber un chiffre de 'créations nettes d'emplois' pourvu de toute signification réelle [c'est une "enquête d'opi- nion auprès de chefs d'entreprises et d'eux seuls"]".
Lui qui, avant-hier et hier encore, accusait un élu du peuple d'impatience et d'inexpérience, avec ce ton de superbe et de grandiloquence à vomir, je trouve qu'il donne le mauvais exemple, ce Monsieur de Villepin !
C'est comme s'il ne se satisfaisait pas des résultats de l’enquête IFOP réalisée par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 dirigeants de TPE de 0 à 19 salariés du 23 janvier au 2 février 2006.
À moins qu'il ne cherche à prendre de vitesse la justice prud'homale : vendredi dernier, le conseil des prud'hommes de Longjumeau dans l'Essonne, présidé par un conseiller du collège patronal, a demandé la requalification d'un CNE en CDI, jugeant que "l'ordonnance du 2 août 2005 instituant le CNE est contraire à la Convention 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT) du 22 juin 1982". Cette référence au droit international est un progrès : un précédent jugement rendu le 20 février dernier par le
même tribunal prud'homal condamnait une PME de l'Essonne à verser
des dommages et intérêts à un salarié de 51 ans pour recours et rupture
abusifs d'un CNE, mais sans faire référence explicitement à la
convention de l'Organisation International du Travail.
Il est intéressant de se rappeler que le Conseil d'État avait validé l'ordonnance instituant le CNE (décision exécutoire rendue publique le 19 octobre 2005), en jouant sur les mots : la période d'essai n'était plus qu'une période de consolidation de l'emploi, voire une "une
période de constitution de 'l'ancienneté' requise pour
prétendre au bénéfice de la convention" internationale de l'OIT... une sorte de purgatoire avant de pouvoir trimer comme un malade pour quatre sous !
Décidemment, l'ultralibéralisme produit bien des couacs, où la rhétorique et ses sophismes obligés ont toute leur place !