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BRICH59
30 juin 2009

Un dossier du Café pédagogique sur le traitement réservé à la violence scolaire...

Je m'autorise un copier-coller abusif [avec cependant modification de quelques liens], mais c'est pour la bonne cause : le Café pédagogique est un excellent organe d'information de la communauté éducative et nous présente ce mois-ci un dossier sur le traitement (manipulation) fait par le pouvoir du problème de la violence à l'école... Je ne résiste pas - comme pour inviter mes lecteurs à s'abonner à la lettre d'information du Café.

Caf_P_dagogiq

Violence scolaire : une campagne politique ?
Recette connue : prenez deux campagnes électorales, quelques fait divers et faites réagir les réflexes sécuritaires. Si la violence scolaire existe bien, la campagne sécuritaire impulsée par l'Élysée est-elle susceptible d'apporter des remèdes ?

28 mai : Le discours présidentiel

"L’aggravation du chômage des jeunes risque d’avoir un impact particulièrement néfaste sur les équilibres de notre société en favorisant un sentiment de frustration et d’exclusion chez ceux qui incarnent l’avenir. C’est un drame absolu qui mobilise le Gouvernement". C'est par cette vision que le président de la République a débuté son discours le 28 mai. A quelques jours des élections, il a annoncé des mesures sécuritaires pour les quartiers populaires et surtout pour l'École.

Le président affirme deux constats. Le premier écarte les politiques d'éducation et de prévention : " la délinquance ne procède que très rarement de la souffrance sociale. La délinquance résulte simplement de l’attrait de l’argent facile". Le second décrit une situation d'urgence : "Nous assistons à une banalisation de la présence et de l’usage des armes dans les établissements scolaires… Il faut mettre fin", ajoute-il, "tant qu’il en est encore temps, avant qu’une catastrophe ne se produise, avant qu’une catastrophe ne se produise il faut mettre fin à la banalisation du port d’arme dans la rue, les transports en commun, les établissements scolaires".

Les mesures annoncées par N. Sarkozy sont celles présentées par X. Darcos le 27 mai. "184 établissements parmi les plus sensibles vont faire l’objet d’un diagnostic de sécurité à l’issue duquel seront adoptées toutes les mesures nécessaires à leur protection contre les intrusions. J’invite les préfets, les recteurs, les procureurs à veiller au bon déroulement de cette démarche".

Ces mesures sont précisées. Outre l'installation de portiques de sécurité, le président envisage de donner le droit aux chefs d'établissement de fouiller les élèves. Il annonce la création d'équipes mobiles d'agents "qui viendront épauler sur un plan pédagogique les chefs d’établissement en cas de difficulté ponctuelle relative à la discipline dans un lycée ou un collège". Il s'agit de "sanctuariser" les établissements scolaires.


9 juin : Darcos lance le nouveau plan contre la violence scolaire

Des proviseurs formés par les gendarmes, des portiques, des équipes mobiles d'intervention : le 9 juin, Xavier Darcos a réuni les recteurs pour présenter ses décisions concernant la violence scolaire. Mais il ne fixe pas de calendrier.

"Xavier Darcos réaffirme son refus de voir se banaliser la présence d’armes en milieu scolaire et, plus largement, entend mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité des élèves et des personnels de l’Éducation nationale". Très mal accueilli par les spécialistes, qui le jugent inefficace voire contre-productif, ce 4ème plan Darcos part d'un constat biaisé.

Il comprend 4 volets. Le premier concerne les CPE et chefs d'établissement qui recevraient une "formation à l'exercice de l'autorité" qui pourra inclure un stage dans les services de police.  Ils disposeront également du pouvoir de fouiller un cartable Le ministre annonce également une révision des règlements intérieurs et la création d'une équipe mobile dans chaque académie.

En 2002 lors de son premier plan contre la violence scolaire, Xavier Darcos prédisait son rapide effondrement : "L’objectif est de faire baisser la violence de moitié en cinq ans". On sait ce qu'il en a été. Partant d'un constat erroné sur ce qu'est réellement la violence scolaire, ce plan est-il à même de résoudre cette importante question ?


À coté de la plaque...

Éric Debarbieux, sans doute le meilleur spécialiste français de la violence scolaire, a l'habitude de dire que sur ce sujet il faut à la fois se garder de minimiser les choses, de les nier et de les sur estimer. C'est le privilège de Nicolas Sarkozy et de Xavier Darcos que de réussir à  tomber dans ces deux pièges.

En affirmant que les armes sont devenues "banales" dans les établissements scolaires, Nicolas Sarkozy exploite de façon démesurée des incidents malheureux mais qui ne sont pas en progression. Car les statistiques officielles de la violence scolaire montrent une stabilité de ses manifestations. L'idée qu'il y aurait une urgence vitale à agir dans la précipitation n'est argumentée par rien de sérieux, au point que le président est obligé d'aller chercher ses exemples à l'étranger.

Pour autant, N Sarkozy, tout comme Xavier Darcos,  sous-estime la violence scolaire. Tous deux ne réagissent qu'aux incidents les plus médiatisés et réduisent la violence scolaire à celle qui est exercée sur les adultes. Or chacun sait qu'elle se manifeste principalement, et de loin, par le harcèlement répété qu'exercent les jeunes sur certains de leurs camarades. On savait déjà que les mesures envisagées (portiques de sécurité, fouilles, agents spéciaux) étaient irréalistes et inefficaces (comment bloquer une intrusion dans un flux de 1000 élèves, combien de temps pour passer a la machine 1000 cartables à 8 heures ??). Mais le pire c'est qu'elles n'apportent aucun soulagement aux vraies victimes du harcèlement scolaire.

Que reste-il alors de cette déclaration présidentielle ? Certainement rien de concret. Rien dans ce programme ne peut aboutir à des applications effectives. Le Snpden ne s'y trompe pas quand il relève qu'aucun budget ne l'accompagne. Rien si ce n'est la démonstration que pour la droite l'Ecole est devenu un objet électoral. Certes le rapport Apparu montre qu'il reste à droite des contributeurs de qualité aux débats sur l'Ecole.  Ailleurs la droite libérale a su protéger l'Ecole des tendances les plus conservatrices au nom de l'efficacité. Mais l'exemple présidentiel peut nous faire craindre une utilisation politique "à la genevoise" des thèmes scolaires. On sait à quel point les campagnes politiques des conservateurs genevois et vaudois ont pesé négativement sur les systèmes éducatifs de ces cantons. On sait aussi ce que cela a signifié plus généralement dans ces cantons pour les enjeux de société en général de voir la droite autoritaire dominer la droite libérale.

Pour ces raisons là aussi, le discours présidentiel est une mauvaise nouvelle pour l'Ecole. C'est aussi un signal de sa radicalisation.


Les réactions au discours de N. Sarkozy

Pour le Snpden, premier syndicat de chefs d'établissement, la "sanctuarisation" "en plus des questions de choix éducatifs qu’elle soulève,  nécessiterait la mobilisation de moyens financiers considérables qui peuvent être évalués à plusieurs milliards d’euros par an mais qui n’ont pas été évoqués". La principale mesure effective, l'habilitation à ouvrir les sacs "n’est guère décisive... Actuellement, la prise en charge d’un élève soupçonné d’avoir une arme ne pose pas de difficulté même sans ce droit". Le Snpden craint une mise en cause des chefs d'établissement. "Le risque de désigner par avance les responsables d’éventuels incidents dramatiques à venir, les personnels de direction qui n’auront pas fouillé, ou fait fouiller, ou pas assez ou pas comme il fallait, alors même que, comme pour d’autres missions qui leur sont confiées, ils ne disposent pas des ressources humaines nécessaires". Le Snpden demande des mesures "réalistes". Il souligne aussi que les violences en milieu scolaire n'ont pas augmenté.

Le SE-UNSA dénonce, à quelques jours d’une échéance électorale, "une opération de communication aussi démagogique que contre-productive… En s’entêtant à supprimer des milliers d’emplois à l’Education Nationale, le gouvernement prive l’Ecole d’autant d’adultes chargés de la surveillance et de la prévention au quotidien".

Mis en cause par la politique élyséenne, les présidents de région réagissent au discours de Sarkozy en dénonçant des mesures inefficaces. "Plutôt que d'installer des portiques (...), le gouvernement ferait mieux de rétablir les emplois d'aides éducateurs, de surveillants et d'enseignants qu'il supprime année après année", a déclaré Jacques Auxiette, président de la commission éducation de l'association des régions de France. "Le président de la République et son gouvernement, en s'en prenant directement aux jeunes et faisant de leurs parents les seuls responsables de l'insécurité, piétinent les principes et les valeurs de notre République fondés sur les droits de l'homme et de l'enfant. Cette attitude est indigne".

Seul le nouveau président de la Peep manifeste sa satisfaction. "Qu'on donne des prérogatives juridiques pour permettre d'effectuer des fouilles dans les cartables ça va dans le bon sens. Qu'on puisse fouiller un élève avant qu'il ne commette l'irréparable est une bonne chose".


Violence scolaire : A la "précipitation" de l'Élysée, Paris oppose la concertation

"Plus que des réponses élaborées dans la précipitation et sans concertation, c’est un travail en commun sans cesse approfondi avec les services de l’Etat, les collectivités territoriales, les associations et les acteurs de terrain que nous appelons de  nos vœux afin de construire des réponses pérennes et efficaces". La municipalité parisienne, sous la plume de Colombe Brossel, Georges Sarre, Gisèle Stievenard, Myriam El Khomri et Bruno Julliard, réagit aux annonces élyséennes sur la sécurisation des établissements scolaires.

" Nous regrettons l’absence de toute concertation avec les élus locaux, en préalable de ces annonces : ce sont pourtant les collectivités territoriales et en premier lieu les départements qui sont compétents et financent les travaux dans les collèges, y compris ceux destinés à leur sécurisation" soulignent les élus parisiens. Ils rappellent le rôle de l'encadrement. " Qui d’autre que les enseignants, les Conseillers Principaux d’Education et d’Orientation, les personnels qualifiés de Vie Scolaire, les infirmières, assistantes sociales et psychologues scolaires peuvent contribuer au quotidien à la sérénité au sein des établissements ?"


L'avis d'un pédagogue : comment rétablir l'autorité à l'école ?

"Les jeunes qui sont en face de nous ont une histoire, des besoins, ils sont en marche vers la construction de leur personnalité et pour cela ils ont à se "heurter à nous", comme ils ont et auront à se "heurter à la réalité" disciplinaire (dans les deux sens du terme: la loi et les disciplines: maths, histoire...). C'est dans l'exercice de notre fonction d'autorité qu'ils progressent dans leur personnalité et dans leurs connaissances disciplinaires. Les deux sont liés". Jacques Nimier revient sur la question de la violence scolaire, qu'il lie à celle de l'autorité.

"Alors les portiques, les habilitations à fouiller les cartables...? Arrêtons de croire qu'il existe une solution miracle à tous les problèmes de violence. Arrêtons de proposer des mesures fantasmatiques qui vont solutionner par un coup de portique magique nos problèmes… Au niveau national c'est ce travail d'équipe qui doit être encouragé, ce sont les initiatives prises localement qui doivent pouvoir recevoir l'aide nécessaire".


En guise de conclusion : la violence scolaire mérite mieux que des réponses démagogiques

Lors du congrès de la PEEP,le 21 mai, Xavier Darcos a annoncé de nouvelles mesures pour lutter contre la violence scolaire. Sont-elles efficaces ?

Les annonces de Xavier Darcos
« Je veux que nous fassions en sorte de dissuader les candidats à la violence en donnant aux personnels des établissements les moyens juridiques et matériels d’agir. Les personnels doivent avoir le droit de faire ouvrir le cartable ou de fouiller l’élève qu’ils suspectent de vouloir introduire des armes. Et puis, puisqu’il faut des moyens, mais des moyens bien utilisés, je veux mettre en débat la possibilité de créer, auprès des recteurs, d’une force mobile d’agents qui pourront intervenir dans les établissements sur des missions de prévention et de contrôle. Mais dissuader les candidats à la violence, c’est aussi responsabiliser leurs parents et les impliquer plus étroitement dans la prévention des comportements à risque. Certains parents le font avec beaucoup de courage, y compris auprès d’adolescents très difficiles. D’autres ont totalement démissionné. Je crois qu’il faut rappeler ces derniers à leur devoir de parent en leur infligeant, si nécessaire, des sanctions financières concrètes, rapides et proportionnées à la faute ».

Des réponses inadaptées
Aucune de ces trois mesures ne semblent adaptées à la situation. S’agissant de la « responsabilisation » des parents, on sait qu’en Angleterre les parents sont par exemple passibles d’amende et de prison en cas d’absentéisme de leur enfant. Malgré la multiplication de ces peines, le taux d’absentéisme ne cesse de progresser . Encore faudrait-il que lelien soit établi entre violence scolaire et démission parentale. L’installation de portiques pour filtrer les élèves semble davantage être là pour faire porter la responsabilité des incidents par les collectivités locales que pour apporter une réponse sérieuse. Il est impossible de faire passer des centaines d’élèves rapidement sous un détecteur à moins de vouloir supprimer quelques cours... L’exemple du lycée de Gagny où a eu lieu une intrusion montre qu’un établissement peut être correctement sécurisé (sas, cameras vidéo) sans pouvoir empêcher des intrusions au moment où des centaines d’élèves entrent. Quant l’idée d’une force de police spécialisée elle n’empêcherait évidement pas les violences graves dont on connaît le caractère spontané. Est-il utile de préciser qu’inviter les enseignants ou chefs ‘établissement à se comporter en shérifs semble davantage à même d’encourager la compétition violente à leurs dépens qu’à calmer le jeu ?

Une méconnaissance de ce qu’est la violence scolaire
Tout au souci d’apporter une réponse médiatique à un fait divers médiatique, le ministre tourne le dos à ce qu’est réellement la violence scolaire. Si chaque cas de violence grave est choquant et inadmissible, ces cas sont néanmoins rarissimes. La violence scolaire quotidienne c’est le harcèlement qu’exercent certains élèves sur d’autres élèves. Celui-ci est un facteur important de décrochage scolaire et de perte de niveau. Il décourage les élèves qui en sont victimes.

Un quatrième plan pour rien
C'est déjà le quatrième plan anti-violence scolaire lancé par Xavier Darcos. En janvier 2008, il disait : "Je ne saurais accepter la multiplication des entorses à la tranquillité nécessaire à l'apprentissage. Je ne saurais accepter la banalisation des faits de violence". En 2002, ministre délégué de Luc Ferry, il avait lancé un autre plan contre la violence scolaire. "L’objectif est de faire baisser la violence de moitié en cinq ans" promettait-il. Sept ans plus tard, la situation ne semble pas avoir beaucoup progressé... Elle marque juste l’incompétence des plans précédents.

Pourtant des solutions existent
Éric Debarbieux, qui mène en ce moment avec la mairie de Paris une expérience originale, estime qu'il y a des facteurs propres aux établissements dans leur organisation matérielle. La baisse du nombre de surveillants, des recoins mal contrôlés sont par exemple des facteurs de violence. Il y a surtout des causes à chercher au cœur même du fonctionnement de nos établissements. C'est la solitude des enseignants et l'anonymat des élèves qui favorisent le harcèlement qui reste de très loin la plus importante violence scolaire. C'est la qualité des relations avec l'environnement de l'établissement qui est aussi en jeu. Enfin la violence scolaire explose à la rencontre entre l'état de notre école et celle de notre société. Envisagerait-on un mur autour des quartiers sensibles ?


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