Isaura a 9 ans, les yeux qui pétillent de malice,
un large sourire et une corde à sauter qu'elle a improvisé avec du
fil électrique. Elle vit avec les siens, dans le camp que les Roms
ont installé en juillet sur une friche du boulevard des
Frères-Leterme. Là, elle sourit à ce type, Nicolas Wallart, celui
qui est devenu il y a peu son ami.
Lui est de Rouvroy. Formateur en français pour
l'association héninoise Culture et liberté et pour le CUEEP de
Sallaumines. Pas le genre militant, pas le style à jeter la pierre
aux riverains qui comprennent mal que le camp se soit installé à
leur porte (notre édition du 17 août).
Son histoire avec les Roms a débuté par hasard.
« J'ai débarrassé mon garage, j'avais
beaucoup de choses à jeter. Je suis allé à la déchetterie
d'Hénin. J'avais un vieil aspirateur et un gamin est venu regarder
de plus près. On a commencé à discuter un peu. En même pas deux
minutes, on s'est serré la main deux fois. » Le gamin en
question, c'est Bradut, 12 ans. Du genre sympathique et éveillé.
Alors Nicolas Wallart lui propose des fringues, des baskets qu'il
destinait à Emmaüs. « Il m'a dit oui tout de suite et
m'a donné rendez-vous le lendemain sur le camp. J'y suis allé avec
une légère appréhension. Et puis des gamins sont venus vers
moi. » Tout sourire.
Quand ils comprennent que Nicolas est formateur en
français, les regards s'éclairent encore davantage. « Ils me
demandaient de leur apprendre à parler français. Je leur ai fait
un peu l'école. J'ai pris deux ou trois gamins avec moi, ils sont
venus chez nous. » Au programme, lecture, écriture mais aussi
cuisine pour un moment de détente un peu à l'écart de ce camp aux
allures de bidonville. Nicolas Wallart : « Ce qui est
beau, c'est que la culture et l'éducation peuvent leur permettre de
décider de leur vie. » Pour l'heure, la vie de Bradut,
de sa soeur Isaura et des autres enfants n'a rien d'idyllique. Une
procédure d'expulsion est en cours. Mais les Roms ne rentreront pas
chez eux pour autant, inutile de se leurrer. Ça va faire trois ans
qu'ils tournent dans le secteur, de la friche Sainte-Henriette au
boulevard des Frères-Leterme. Une femme du camp confirme : « Là-bas
en Roumanie, il n'y a rien pour nous. » Si ce n'est la haine
qu'ils inspirent à certains Roumains. Alors, malgré tout et qu'on
le veuille ou non, la France demeure pour eux une terre d'asile.
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