Il y a deux ans, je vous avais proposé pour Noël une image très parlante. La voici :

Cette année, je la propose à nouveau, parce que le grand scandale mondial de la seconde moitié du siècle passé, l'explusion des palestiniens de leur propres terres, est toujours efficient, avec l'efficacité meurtrière que l'on sait. La réflexion qu'exprima
Gandhi il y a plus de cinquante ans (en 1938 !) s'est hélas avérée prophétique... Relisez Gandhi. Je n'en dis pas plus. Si, juste pour partager une conviction. Pour avoir lu une bonne partie de l'œuvre de Paul Otlet, pour avoir tenté de comprendre le "mondialisme" de ce belge généreux, pacifiste et humaniste qui naquit un siècle avant les soubresauts de 1968 et mourut un peu trop tôt pour assister à la capitulation de la barbarie nazie, pour avoir tenté de comprendre le mondialisme de cet homme hors du commun, je suis convaincu que la décision d'expluser les palestiniens de leurs propres terres est un contre-sens du point de vue de l'organisation mondiale.
Je ne sais si l'ami d'Henri La Fontaine -qui fut prix nobel de la Paix en 1913 - et contemporain du Mahatma qu'était Paul Otlet a eu l'occasion de lire le texte de Gandhi ou d'entendre ses arguments. Je suis convaincu que, s'il l'a fait, il a très certainement dû être pleinement d'accord avec l'Indien...
Autre chose - mais peut-être est-ce au fond ("en dernière instance", comme on disait à une époque) le même problème, je veux dire le même cloaque : cette année, j'ai essayé d'entendre le discours des tenants du libéralisme qui, tout le monde le sait, est à la fois conséquence et cause d'injustice et de misère. En tous cas producteur de dégradation de l'humain, dénégateur d'humanité.
J'ai écouté mes copains libéraux, ceux qui me traite de "gauchiste" moi qui ne suis qu'un petit-bourgeois refusant obstinément de vivre et de mourir étouffé par la petite bourgeoisie, celle qui "moyennise la société", si je peux me permettre ce très laid néologisme (mais, pardonne moi Baudelaire !, peut-on dire la laideur sans des mots laids ?).
Mes copains me disent deux choses :
le libéralisme ne doit pas être confondu avec l'ultra-libéralisme - mais alors ma question est de savoir comment on connaît le moment et l'économie du passage de l'un vers l'autre ;
le libéralisme ne saurait endosser la responsabilité de la délocalisation et donc du chômage, le consommateur étant ici le responsable (est-il prêt à payer le prix de ce qui est produit chez nous, au lieu du prix de ce qui est produit là-bas où la production coûte moins cher parce que les droits humains les plus élémentaires y sont bafoués en toute légalité ?) - à quoi je réponds qu'on a effectivement devant nous le cercle vicieux de la primauté de la valeur monétaire et du capitalisme triomphant, l'autre face de ce cercle vicieux étant que, délocalisant, les producteurs créent du chômage, ce qui diminue le pouvoir d'achat des consommateurs, etc.
J'ai lu aussi. Par exemple ce bon Comte-Sponville (Le capitalisme est-il moral ?).
C'est bien de vouloir distinguer les niveaux de discours et de rationalité. C'est effectivement au philosophe d'inviter à la pratique de telles distinctions. Reste que le philosophe part d'un postulat, qu'il ne discute ni ne justifie à aucun moment : le libéralisme est "naturel", aucune alternative n'est possible, etc.
Quand j'ai acheté et lu cet ouvrage, j'attendais une réponse à la question de la nécessité du libéralisme - qui n'est même pas posée par l'auteur ! Avec le distinction des niveaux de discours, Comte-Sponville botte en touche et ne répond pas du tout à la question-titre.
En attendant, la pauvreté s'inscrit durablement dans notre société qui fait pêter les bouchons de champagne ce soir et pendant toute une semaine. Cela est-il acceptable ? Suffit-il de dire que le capitalisme n'est ni moral ni immoral, mais que seulement il est, pour s'en tirer une coupe à la main ?
Ici comme là, on assiste à un déni de liberté, d'autant plus implacable qu'il semble impossible. Le libéralisme champion de la privation de la liberté ! Ça sonne plutôt mal ! Mais c'est la stricte réalité des faits : il n'y a de liberté dans le libéralisme que la liberté d'écraser l'autre dont la liberté consisterait à accepter ou pas d'être ainsi écrasé. Pour la premier point, comment refuser à un peuple d'avoir un sol à lui, et qui serait désigné par le Dieu même de ce peuple (la fameuse "terre promise") ! Sauf qu'il y a là un sophisme que Gandhi a bien vu. Et, au bout du compte, on a provoqué en 1948 l'avènement d'un théo-colonialisme, qui aujourd'hui pourrit les relations internationales et s'entretient de chair à canon...
Alors, qu'au bout du vrai compte, les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent...
Décidément, Érasme nous parle toujours avec force et pertinence en ce XIX° siècle !