Mais qui donc fait le parallèle entre l’insécurité et l’immigration ?
Selon une information lue dans Le Monde (daté du 30 novembre 2023 ), la direction nationale du renseignement territorial (DNRT) a émis une note le 25 novembre concernant les activistes de ce qu'on appelle l'ultradroite suite à l'assassinat perpétré à Crépol le 19 novembre : « Le drame survenu le 19 novembre à Crépol provoque de fortes réactions au sein de la mouvance d’ultradroite, les militants faisant le parallèle entre l’insécurité et l’immigration. »
La bonne question est maintenant de savoir qui, sur l'échiquier politique, a produit ou encourage ce parallèle, cet amalgame entre immigration et insécurité ? Impression que certains "partis de gouvernement" voire des partis partie prenante de ce que la droite appelle "l'arc républicain", impression que ces partis sont les faux nez de ... l'ultradroite, non ?
Illégalité des contrôles d’identité opéré par les Sentinelles en Roya
Communiqué commun du 07/12/2023 des Conseils d’Administration d’Emmaüs Roya, de Anafé, du Groupe Accueil et Solidarité (GAS) et de Roya citoyenne
Illégalité des contrôles d’identité opéré par les Sentinelles en Roya
Mardi 21 novembre 2023, Cédric Herrou, co fondateur et salarié de l’association Emmaüs Roya, livrait sur les réseaux sociaux une vidéo devenue virale. Il y met en lumière une pratique illégale mais dont les habitants de la vallée de la Roya sont pourtant témoins au quotidien : des militaires de l’opération Sentinelle procédant à des contrôles d’identité et à des interpellations de personnes exilées présentes dans la vallée. Ce constat du détournement par le ministère de l’intérieur des personnels des armées pour suppléer les forces de police a suscité beaucoup de réactions d’indignation.
À notre grand regret, ce n’est pas le cas du nouveau Préfet des Alpes-Maritimes qui, en réponse, a posté sur les réseaux sociaux un court texte dans lequel il reproche à Cédric Herrou “d’organiser la désinformation”.
Les membres de nos associations jugent la formule grave.
D’une part, il ne s’agit pas de désinformation. Le travail de terrain et les observations des différentes associations, juristes et avocats spécialisés sur la question depuis de nombreuses années attestent la véracité de ce que montre cette vidéo : Les militaires de l’opération Sentinelle sont utilisés illégalement pour des missions de contrôle et d’interpellation à la frontière franco-italienne. D’autre part, nous considérons que le choix du verbe “organiser” est pervers dans ce qu’il induit ; alors que Cédric Herrou n’est finalement qu’un citoyen, habitant de la vallée Roya, qui réagit spontanément face à l’illégalisme d’État devenu quotidien, que nous sommes nombreux à considérer comme insupportable. Ces propos tenus par un représentant de l’État décrédibilisent au final l’institution plutôt que les actions des militants, les images filmées parlant d’elles-mêmes.
Ce qui est certain, c’est que cet illégalisme d’État instauré aux frontières est quant à lui organisé, financé, équipé et systématisé par la politique ministérielle engagée ici depuis 2015. Ce que tant de personnes, qu’elles soient citoyennes, militantes associatives, juristes, avocates, élues, hautes fonctionnaires dénoncent continuellement sur la situation à la zone frontière, c’est notamment :
- Le rétablissement illégal du contrôle aux frontières selon le code frontière Schengen (condamnation en avril 2022 de l’État autrichien pour ce motif par la CJUE) ;Les garanties appliquées aux frontières intérieures terrestres en cas de refus d’entrée pratiquée par l’État français jugée insuffisantes par la CJUE en septembre 2023 ;
- L’atteinte grave à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile à la frontière franco-italienne pour les personnes exilées (des centaines de condamnations de la Préfecture par le tribunal administratif de Nice) ;
- Des Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF) délivrées à des mineurs pour les contraindre à retourner en Italie en leur niant tout droit à un recours juridique et ainsi éviter à la fois leur prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance française et leur non réadmission par l’Italie ; Tout cela en contradiction totale avec la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Le tribunal administratif de Nice a annulé plusieurs de ces OQTF car la procédure « d'appréciation » de la minorité est réalisée hors de tout cadre légal ;
- L’enfermement de personnes exilées plus de 12 heures dans des conditions indignes au sein de conteneurs servant de lieux de privation de liberté sans cadre légal puisque espaces maquillés en « lieux de répit », ce dont atteste la Contrôleuse Générale des Lieux de Privation de Liberté dans plusieurs rapports, dont le dernier date de septembre 2018.
- La Cour des Comptes a pointé en septembre 2022 un détournement des forces militaires au travers de l’opération Sentinelle déployées sur des missions qui relèvent de l'intérieur.
Concernant plus particulièrement la vidéo de Cédric Herrou : un militaire n’est pas autorisé par la loi à procéder à la vérification d’identité d’une personne, sauf s’il est encadré par un Officier de Police Judiciaire (conformément aux dispositions du code de procédure pénale).
Depuis la diffusion de la vidéo par notre salarié, de nombreux juristes, avocats et des articles de presse ont confirmé publiquement que les militaires ne sont pas habilités à procéder à des interpellations et encore moins à des contrôles d’identité. Nous saluons d’ailleurs le travail de vérification effectué par le journal Libération dans son article CheckNews du 22 novembre 2023.
Au-delà de ces considérations juridiques et légalistes, nous sommes témoins d'une dérive du pouvoir exécutif ne respectant plus le droit, mettant à défaut les fondamentaux des valeurs républicaines. Des vallées, des territoires ne devraient pas être exclus de la cohésion nationale à des fins politiques. Au-delà de notre position sur la question de la gestion migratoire, nous lançons l'alerte afin que nos concitoyens puissent vivre sur l'ensemble du territoire en jouissant de l'État de droit, sans exception, afin que les habitants puissent vivre et éduquer leurs enfants sans avoir la vision quotidienne de contrôles au faciès dans les gares et les trains ; sans avoir à justifier quotidiennement de leur identité lors de contrôles systématiques ; sans être témoins de violations de droits envers des personnes racisées. L'éducation de la population par l'exemplarité des pouvoirs publics ne devrait pas être à quémander !
Nous laissons à chaque personne lectrice de ce communiqué le soin de vérifier ces informations et de juger ensuite qui organise l’illégalisme et la désinformation quotidiennement afin d’accomplir des directives gouvernementales absurdes, inhumaines et inefficaces.
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CAFFIM - Coordination des Actions à la Frontière Franco-Italienne pour les personnes Migrantes
Projet intégré à la CAFI - Coordination d'Actions inter-acteurs aux Frontières Intérieures, piloté par Amnesty International France, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans frontières et le Secours Catholique-Caritas France.
La CAFI a pour but de faire respecter les droits fondamentaux des personnes migrantes aux frontières intérieures.
Quelque chose de putride dans l'atmosphère...
Dans mon précédent message, j'évoquais le harcèlement des tribunaux par l'État dans sa définition policière. Exemple dans les Alpes-Maritimes, précisément à Nice : "alors que le tribunal administratif a censuré cinq arrêtés successifs interdisant les manifestations 'pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens', le préfet des Alpes-Maritimes persiste et signe chaque semaine un nouveau texte"* - nouveau texte qui reprend cependant toujours les mêmes arguments**. Pourquoi, d'une part, un tel archarnement à interdire l'expression, à empêcher la liberté d'expression des voix pacifiques et pacifistes ? Pourquoi, d'autre part, un tel harcèlement du Tribunal administratif ?
Interrogé au cours de l'émission de France3-Côte d'Azur "Dimanche en politique" du 3 décembre 2023, le représentant de l’État indique que "ces manifestations ne sont pas des manifestations pour la paix, ce sont des manifestations anti-Israéliennes, antisionistes (...) elles entretiennent une sorte d’antisémitisme d’atmosphère"*. Cette "justification" donc ne convainc pas la Justice. De fait, elle est truffée d'approximations fallacieuses et de rapprochements plus que douteux.
TOUT D'ABORD, UNE CERTAINE HÉMIPLÉGIE INFORMATIONNELLE.
L'un des "considérant" de l'arrêté retoqué met en avant "le risque sérieux que les affrontements entre palestiniens et forces de sécurité israéliennes se transportent sur le territoire national". Le "considérent" précédent propose une analyse de la situation en Palestine dans ces termes : "le contexte de vives tensions au Moyen-Orient en raison des attaques terroristes perpétrées par le Hamas à l'encontre de citoyens israéliens le samedi 7 octobre 2023 ; que ces attaques, particulièrement barbares, se sont traduites par des assassinats, des exécutions sommaires, des actes de torture et des prises d'otages, que ce soit à l'égard de militaires ou de civils, y compris vulnérables comme des femmes, des enfants ou des personnes âgées ; que tel a été le cas notamment à l'occasion du festival de musique électronique Tribe of Nova au cours duquel 260 festivaliers ont été tués ; que ces atrocités ont suscité un vif émoi à l'échelle nationale et internationale, en particulier au sein de la communauté juive ; que depuis, le Hamas a menacé Israël d'exécuter ses otages pour toute action de représailles menée par Israël".
On notera aisément l'hémiplégie informationnelle du représentant de l’État qui passe sous silence les violences commises autrefois, naguère et aujourd'hui par l’État d'Israël à l'encontre du peuple Palestinien. Je n'en retiens que deux, les plus flagrantes : vengeance quasi aveugle et de toute façon disproportionnée qui tuent des milliers de civils Palestiniens (l’État d'Israël affirme viser les terroristes du Hamas mais ne semblent pas voir les "dégâts collatéraux"), mais aussi violences commises et assassinats perpétrés en Cisjordanie à l'encontre des Palestiniens qui vivent encerclés par des colons Israéliens vindicatifs et appuyés par l'armée de l’État d'Israël (ces colons revendiquent la terre ancestrale des Palestiniens et sont prêts à tuer pour ça, en toute impunité locale), violences qui ne sont pas nouvelles, mais significativement augmentées depuis le 7 octobre, comme si les colons armés voyaient dans le drame du terrorisme du 7 octobre une raison de massacrer les Palestiniens quels qu'ils soient pour voler le peu de terres que l’État d'Israël leur a laissé de ce côté-là de la Palestine.
ENSUITE LA GLOBALISATION OUTRANCIÈRE.
Malgré ce que prétend le représentant maralpin de l’État, défendre le droit du peuple Palestinen à ne pas mourir sous les bombes aveugles ne revient pas à soutenir les terroristes du Hamas. Le raisonnement de l'État*** est ici le suivant : il existe des Palestiniens qui commettent des actes terroristes, donc tous les Palestiniens sont des terroristes. Procès d'intention : on fait comme si tous les Palestiniens étaient membres du Hamas. Même type de raisonnement que "parce que quelques ministres de la République ont été ou sont passibles de condamnation par la Justice, tous les ministres le sont". Ou bien c'est comme si on pouvait affirmer que tous les Préfets de la République violent l’article 371-1 du Code civil, parce que l'un d'entre eux semble avoir promu une méthode aujourd'hui appelée "deux claques et au lit !"****. Bref, je n'insiste pas. Sauf pour prolonger la réflexion dans une autre direction.
Cette globalisation outrancière et fallacieuse est celle-là même qui fonctionne quand on confond antisémitisme et antisionisme : on soupçonne les citoyens d'antisémitisme lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec la politique menée par le Gouvernement israélien actuel. On omet juste de voir que de nombreux Juifs sont antisionistes (encore l'hémiplégie informationnelle). Mais revenons au raisonnement qui fonde la confusion entre antisionisme et antisémitisme : tout Israélien est juif, OR le Gouvernement israélien est israélien DONC critiquer le Gouvernement israélien revient à critiquer les Juifs en tant que tels - ce qui est de l'antisémitisme. J'ose trois remarques :
- dire que "tout Israélien est juif" est faux, car il y a des Israéliens non-juifs (près de 18% des Israéliens sont de confession musulmanne, essentiellement sunnite) ;
- dire que "critiquer le Gouvernement israélien revient à critiquer les Juifs en tant que tels" est absurde par le seul fait qu'il y a de très très nombreux Juifs Israéliens qui s'opposent politiquement à Benyamin Netanyahou et sa cohorte d'extrême droite ;
- ce qu'on critique haut et fort dans les pratiques du Gouvernement israélien actuel consiste 1) dans la théocratisation du régime politique version religieux suprémacistes juifs ultra-orthodoxes et 2) dans la poursuite du projet sioniste historique (Theodor Herzl à l'extrême fin du XIXème siècle) version actualisée par ces colons armés dont je parlais plus haut. On avouera qu'il y a de l'alternative possible à ces deux idéologies, y compris au sein du peuple israélien.
Résultat des courses, confondre antisémitisme et antisionisme est absurde du point de vue du raisonnement et surtout anti-démocratique dans la mesure où cette confusion repose sur l'invisibilisation de l'opposition israélienne démocratique. Et c'est bien là l'un des problèmes majeurs d'Israël : Israël semble sortir doucement mais sûrement de la démocratie pour entrer clairement dans la théocratie. À ce rythme-là, Israël est en passe de rejoindre le club des théocraties, aux côtés de l'Iran, l'Afghanistan, l'Arabie saoudite, la Cité du Vatican... Je laisse aux dénégateurs de réalité politique la responsabilité de prétendre qu'"Israël est la seule démocratie au Moyen-Orient"*****. Il y a 22 ans, l'universitaire américain Alan Dershowitz écrivait : "Seule véritable démocratie au Moyen-Orient, Israël est aussi le seul pays de la région où la liberté d’expression est pratiquement illimitée. En Israël, qu’on soit juif, musulman ou chrétien, chacun peut critiquer le gouvernement israélien et ses dirigeants. Dans tout autre État du Proche-Orient ou musulman, un citoyen ne peut le faire sans craindre d’être emprisonné ou mis à mort."****** Mais que voit-on aujourd'hui, vingt-deux années après ? La démocratie y est mise à mal, ne serait-ce que par cette toujours vivace "relégation civique" dont sont victimes trop d'Israéliens non juifs et trop de Palestiniens (il paraît qu'il ne faut pas dire "apartheid" !) - c'est le prix de la théocratie rampante à peine voilée. Et dire cela ne signifie pas qu'on "délivre un brevet de résistance démocratique 'politiquement correct' [au Hamas ou au Hezbollah]"*******. Ici l'opposition frontale bien/mal, humain/animal etc. ne saurait fonctionner sans tordre le cou à la raison. Ce binaire n'a jamais raison. Il fonctionne juste pour l'informatique et ses algorithmes (oui/non, 0/1), ou alors pour les contes pour enfants à la Walt Disney (bons/méchants). Israël, on peut très bien ne pas accepter sa politique, notamment dans sa dimension des Droits humains et dans son évolution institutionnelle, sans pour autant vouloir que ce pays disparaître. La nuance existe, en pensée comme en couleur !
Bref la confusion entre antisémitisme et l'antisionisme est une monstruosité (rationnellement et historiquement) endossée par trop de pays, trop de gouvernements. J'avoue ne pas comprendre pourquoi. Elle permet un laisser-faire titanesque, par exemple en conduite de politique étrangère et en termes de respect/non-respect du Droit international. Elle permet aussi aux hémiplégiques, en France et ailleurs, de parler d'"antisémitisme d’atmosphère", anathème brumeux s'il en est qui clôt toute discussion avant même qu'elle ne commence. "L'antisémitisme d'atmosphère, ou comment certains détestent les juifs sans le savoir", titrait le mois dernier un édito de L'Express********. On baigne dans le procès d'intention voire d'inquisition : "tu ne sais pas ce que tu as au fond de toi, mais moi je sais ce qui t'anime" est à peu près ce qu'on disait aux "sorcières" avant de les immoler sur le bûcher...
Laissons donc tomber l'atmosphère, qui, pour finir, ne sert en France qu'à discréditer l'autre en politique intérieure. Une chose, par contre, est de l'ordre du fait : l'asymétrie entre la Palestine et Israël, David et Goliath mais inversé et contrarié : le petit reste le vaincu, le dominé perpétuel, malgré le Droit international et avec l'assentiment des Nations.
* Nice-Matin, le 2 décembre 2023 (https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/alpes-maritimes/nice/interdictions-des-manifestations-pro-palestiniennes-le-prefet-des-alpes-maritimes-assume-une-posture-tres-ferme-2882591.html)
** Cf. https://www.alpes-maritimes.gouv.fr/contenu/telechargement/48745/381015/file/Recueil%20special%20264.2023.pdf.
*** L'initiative ne revient pas, au fond, aux Préfet, mais bien au Gouvernement : cf. le télégramme adressé le 12 octobre 2023 par le ministre de l’Intérieur aux préfets pour interdire les manifestations et rassemblements en soutien au peuple palestinien - interdiction retoquée par le Conseil d'État.
**** Cf. https://www.google.com/search?q=deux+claques+et+au+lit+pr%C3%A9fet.
***** Titre d'un chapitre de Israël et ses paradoxes. Idées reçues sur un pays qui attise les passions de Denis Charbit (Le Cavalier Bleu éditions, 20182)
****** Alan Dershowitz, « Désinvestir ou conquérir », Forward, 31 mai 2002
******* Charbit 2018, p.28.
******** https://www.lexpress.fr/idees-et-debats/lantisemitisme-datmosphere-ou-comment-certains-detestent-les-juifs-sans-le-savoir-DERPBBX6YRASDEU3IK7XPR7TUI/.