Le départ de M. de Seillière pour
les sphères européennes de la "négociation sociale" laisse les
projecteurs illuminer d'autres patrons qui rêvent de prendre sa place au MEDEF.
Hier, dans le train, j'ai lu dans Libé un article sur le sujet d'où j'extrais ces quelques phrases : « Au final, l'UIMM pourrait
soutenir un autre candidat. Dans ce cas, Hugues-Arnaud Mayer serait
mieux placé que Laurence Parisot, jugée trop idéologue et trop
parisienne par la base du Medef. La patronne de l'Ifop, que Seillière a
fait monter il y a deux ans dans la hiérarchie du syndicat, s'est
distinguée en janvier à l'assemblée générale du Medef en déclarant
qu'il était "insupportable de constater que la liberté de penser
s'arrête là où commence le droit du travail". Une partie de
l'assistance a trouvé qu'elle allait quand même un peu loin... » [http://www.liberation.fr/page.php?Article=290562&AG]
Quoi
? Une représentante du patronat qui prône la liberté de penser ! En pleine AG du MEDEF, avec plein de patrons partout ! Ça me
rappelle vaguement un article, lu il y a quinze ou vingt ans, où
Bernard Cassen si je me souviens bien - ce devait donc être dans le Monde Diplo
(?) - s'insurgeait contre le fait que l'exercice du droit à la liberté
de penser et de parler s'arrête de fait aux portes de l'entreprise
(je cite de mémoire!)... Ce texte est resté câlé dans ma mémoire.
Peut-être tout simplement parce que ce contre quoi Bernard Cassen
s'insurgeait ainsi, nous en avons tous été témoins directs un jour ou
l'autre dans notre vie professionnelle. Et tout à coup, voilà que le
patronat serait d'accord avec Bernard Cassen ! Il réclame que la
liberté de penser investisse les lieux de travail ! Damned ! Comment
est-ce possible ?
Intrigué, je veux en savoir
davantage, je veux en avoir le coeur net ! Arrivé chez moi, je lance
une mini recherche sur la toile.
Je vois ainsi que Le Figaro a commis un article sur le même sujet dans son supplément Éco de la semaine - où je lis ceci : «
Auteur d'une phrase choc à la dernière assemblée générale du Medef –
"la liberté de penser s'arrête où commence le code du travail" –, elle [Laurence Parisot]
assure avoir été mal comprise. "Je ne dis surtout pas qu'il faut
supprimer le code du travail, mais je suis juriste, j'aime le droit et
je voudrais que le code du travail nous permette de penser et de
travailler intelligemment au lieu de nous obliger à un mode de
fonctionnement kafkaïen et absurde", plaide-t-elle.»
[http://www.figaro.fr/eco-entreprises/20050418.FIG0144.html]
D'accord
! Je comprends mieux : je m'étais mis le doigt dans l'oeil et jusqu'au
coude ! Comme quoi, la qualification d'une source comme "autorisée" est
directement liée à l'information elle-même... Il s'agit de la liberté
de penser des patrons, pas celle des ouvriers, des employés et des cadres ! Ce sont
les patrons qui savent où est l'intelligence des choses dans le
travail. Etc.
Et Jean Le Garrec avait bien raison de réagir comme il l'a fait fin janvier à l'Assemblée : « Tout
compte fait, je préfère la brutalité de M. Seillière - affirmer qu'
"une page est tournée", c'est se montrer très clair : lui au moins ne
se cache pas derrière les mots - ou celle de Mme Laurence Parisot, pour
qui "il est insupportable de constater que la liberté de penser
s'arrête là où commence le droit du travail". Une telle déclaration
vaut la peine que l'on s'en empare ! »
[http://www.assembleenationale.fr/12/cri/2004-2005/20050130.asp]
Et Torpedo sur son blog avait bien raison d'ironiser quelques jours auparavant : « Bien
sûr, ici l'expression "liberté de penser" n'a rien à voir avec le sens
que pouvait lui donnait un Voltaire ou un Montesquieu. Non, quand
Laurence Parisot parle de liberté de penser, il faut l'interpréter dans
le sens pagnyesque du terme, à savoir liberté de s'en mettre plein les
fouilles en vous merdant tous bien fort. »
[http://torpedo.levillage.net/blog/index.php?p=735&more=1&c=1&tb=1&pb=1]
Pour le "sens pagnyesque", voyez la chanson de Pagny intitulée Ma liberté de penser. Pour Laurence Parisot aussi, nous dirons donc qu'elle parle de SA
"liberté de penser" et que le droit à cette liberté là est censitaire,
un droit lié au pouvoir économique, pas à la citoyenneté ordinaire. Une liberté
singulière, conditionnée par les conditions sociales c'est-à-dire matérielles d'existence de
celle ou celui qui en revendique le droit d'exercice. Pas une liberté
universelle... Bernard
Cassen aura donc eu encore une fois raison... Hélas !