Je viens de retomber sur une page du Quotidient permanent du NouvelObs,
page que j'avais imprimée pour relire le texte du message à tête
reposée. Il s'agit de la sortie de Jean-François Copé, notre ministre
délégué au Budget, contre une récente étude de l'OFCE au sujet de la
politique fiscale de notre gouvernement. C'était le 20 octobre dernier
et j'ai gardé le document pour entreprendre une petite recherche
d'information et une rapide réflexion sur ce que disent les mots de
notre bon ministre délégué (encore le "sous-texte"
!). J'aurais aimé, d'une part, lire l'étude en question, et, d'autre
part, fouiller dans les déclarations politiques où des expressions
comme "zéro perdant", "gagnant-gagnant", tout le monde gagnant", etc.
fleurissent. Pas le temps. Mais avant de jeter la feuille imprimée au
recyclage, je ne peux m'empêcher d'en parler - ou plutôt d'en écrire... Je sais, ça me perdra !
Titre : Impôts : Copé juge l'OFCE "partiale". Et côté accusé, il s'agit de la Lettre de l'OFCE n° 267 du 20 octobre 2005, Réforme fiscale 2007: un pas de côté... (Cyrille Hagneré, Mathieu Pane et Henri Sterdyniak).
Moi, je trouve qu'au NouvelObs,
ils
sont très bons. Deux intertitres scandent la page : "Parti pris
idéologique" puis "Zéro perdant". La chapeau disait "Dans une note,
l'Organisation explique que 70% des baisses d'impôts prévues dans le
budget 2006 iront aux 20% des foyers imposables les plus riches."
Et dans un monde où l'on se contente le plus souvent de ne lire que ce
qui est en caractère gras sur la page (il y en a qui appellent ça la
lecture rapide et efficace !), je trouve qu'il a de la gueule, cet
enchaînement :
Le gouvernement fait baisser les impôts des riches

Parti pris idéologique

Zéro perdant
Moi je trouve cet enchaînement très drôle mais très triste !
Sur
le côté drôle, je n'insiste pas. Par contre, ce qui est triste, c'est d'abord
ce parti pris langagier des conservateurs, parti pris très grossier et
bien grossièrement étalé ici.
Le conservatisme - qui a très bonne
presse en France, en Europe et ailleurs - part du principe que, quand on
est face à quelqu'un qui refuse que la conservation et l'accroissement
du capital soient les principes régulateurs fondamentaux de la vie
socio-économique, il faut de toute urgence - et si on n'a rien d'autre
de technique par exemple à lui opposer - le taxer de "parti pris
idéologi- que". Ça fonctionne comme ça depuis des lustres dans notre bon
pays des Droits de l'Homme. Je ne donne pas d'exemples, vous voyez très
bien ce que veux dire et laisse à d'autres le soin d'éventuellement
exemplifier ceci en commentaire du présent message.
Par
contre, ce qui apparaît de plus en
plus dans le discours gouvernemental et patronal, c'est toute cette
panoplie d'expressions que je relevais plus haut : "zéro perdant",
"gagnant-gagnant", tout le monde gagnant", etc. Et là, moi, je trouve
qu'ils vont très fort, au mépris des bases élémentaires de la physique.
Ça me fait immanquablement pensé au baratin du
commerçant de base, vous savez, quand le commerçant veut vous
convaincre qu'il perd de l'argent en vous vendant son article à tel ou
tel prix, alors qu'il est clair qu'il réalise un bénéfice sur votre dos
- sinon il ne serait pas là ! Moi qui ai souvent joué au Monopoly quand
j'étais petit (si si ça existait déjà !), quand on me dit qu'un
dispositif permet que tout le monde gagne, ou qu'il y a "zéro perdant",
je dis STOP ! Baratin, mensonge et discours anesthésique ! Discours
interlope ! C'est-à-dire discours idéologique - au sens où les
conservateurs emploient ce mot ! Ou encore discours idéologique, au
sens fort, c'est-à-dire au sens de discours de celui qui a le pouvoir
et qui utilise le langage pour confirmer et renforcer son pouvoir...
Non plus seulement discours qui cache un autre discours, mais discours
qui cache un autre discours efficient, agissant, violent... Dans ce
discours-là, le sous-texte est action sur l'autre, contrainte de
l'autre.
Que tout ceci est triste :
tout le monde les croit !
Tout le monde se laisse prendre par le
baratin du commerçant ! Tout le monde se laisse attirer par les
lumières du profit, tout le monde se laisse éblouir par les sirènes
imbéciles du bonheur facile et de l'argent mérité, tout le monde se
laisse endormir par les silences assassins des manipulateurs de foule.
La vérité est bien dans le marketing ...
Je suis désespéré.