Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

BRICH59

2 novembre 2004

Sens et références en documentation. Des pratiques bibliogaphiques à l'herméneutique documentaire [4]

        suite de...

Un essai d'exégèse bibliographique (d'auteur)

Établir la bibliographie de Philippe Carré n'est pas une mince affaire. Non par la minceur du sujet, certes ! C'est au contraire le foisonnement qui rend complexe, c'est-à-dire intéressant, le travail du documentaliste, qu'il s'agisse des lieux de publications, des thèmes investis ou des statuts de l'auteur.

Question statuts, l'auteur est (ou fut) formateur d'anglais,  chercheur et enseignant universitaire, ingénieur-consultant (interface), rédacteur en chef d'un périodique, responsable d'une rubrique dans une revue - et j'en oublie sûrement. Cette multiplicité des « profils » implique une stratégie éditoriale complexe. Question lieux de publications, en effet, on peut apprécier le coup de plume de Philippe Carré aussi bien dans des ouvrages répertoriés par le Cercle de la Librairie, que dans des études commanditées par les pouvoirs publics, ou dans des articles de revues spécialisées (pédagogie, formation continue, gestion ressources humaines, sciences de la vie...), voire dans des éditoriaux. On sent là une volonté de diffusion des résultats de la recherche, un parti-pris de toucher tous les lectorats proches de l'auteur, c'est-à-dire le plus possible d'acteurs de la formation continue - ce qui nous ramène à la question des statuts.

Mais il n'est pas que la stratégie éditoriale qui soit complexe. La stratégie d'écriture elle-même l'est tout autant, et pour le même ordre de raisons. Dans une récente publication [Il s'agit de la conclusion du  numéro 27 des Cahiers d'études du CUEEP, intitulée  « Note sur l'écriture praticienne » (p. 147-168).], je tentais une approche des relations entre action et écriture, dans le cadre d'une analyse des enjeux et des conditions de l'« écriture praticienne ». La prime distinction opérée permettait d'articuler entre écriture dans l'action et écriture sur l'action. Délibérément, Philippe Carré, qui se définit lui-même comme « un praticien engagé dans des activités de recherche », joue sur les deux tableaux. Il produit non seulement de l'écrit dans l'action, ne serait-ce lorsqu'il crée un outil pédagogique (anglais professionnel), mais encore de l'écrit sur l'action - et c'est à ce titre qu'il s'est fait une « réputation ». Les exemples d'écriture sur l'action ne manquent pas ; le lecteur n'aura qu'à parcourir la troisième partie de ce cahier.

Mieux, avec le texte de Philippe Carré, on voit apparaître un troisième type de relation entre écriture et action, je veux parler de l'écriture pour l'action. Combien de textes publiés par notre auteur, peut-être d'abord conçus comme écrits sur l'action, sont devenus des écrits pour l'action, incitant à de nouvelles logiques d'action, à de nouvelles rationalités pratiques ? Ce passage de l'écriture sur l'action à l'écriture pour l'action est sûrement rendu possible par le style d'écriture (et l'intention) de l'auteur. Mais il est peut-être surtout déterminé par la stratégie éditoriale mise en œuvre (détermination du lectorat) dans un premier temps et la lecture qu'en font les lecteurs dans un second temps. Style d'écriture, stratégie éditoriale et mode de lecture se combinent de façon complexe pour que s'opère le passage. [L'analyse de cette combinatoire peut être faite à propos du texte de Philippe Carré. L'une des principales hypothèses que l'on peut émettre sur la nature d'une telle combinatoire, c'est que ses variations sont, en dernière instance, déterminées par le statut de l'écrivant. Un autre texte mériterait ce type d'analyse : celui de Bertrand Schwartz, autre praticien écrivant dans, sur et pour l'action. De plus, ces deux auteurs entretiennent avec l'écriture des rapports a priori différents. Une analyse comparée en serait d'autant plus éclairante.].

L'autre trait caractéristique de l'écriture de Philippe Carré, c'est qu'elle est très souvent écriture sur l'écriture. Le texte de notre auteur est une mine de références bibliographiques, et il est rare qu'une contribution ne comporte une bibliographie [C'est pourquoi je ne préciserai jamais la mention « bibliographie ».]. Ici encore le statut de l'écrivant est éclairant : éditorialiste, animateur de rubrique, Philippe Carré semble « exégète » dans l'âme. Une part significative de son travail a consisté à importer, interpréter et classer des textes produits par d'autres que lui. Pour autant ce travail n'est pas « de seconde main ». L'importation, l'interprétation et la classification sont des chemins empruntés qui conduisent à la construction théorique et à l'éclairage de la pratique.

Cette bibliographie d'auteur, qui ne revendique pas l'exhaustivité (malgré ses 93 références), couvrent une période de 18 ans. Dix-huit années de recherche et d'écriture, au long desquelles l'auteur semble avoir développé les questions abordées lors du travail qui a donné lieu à ses premières publications : je veux parler de l'engagement des retraités dans la formation. Tout y était déjà, notamment le projet individuel (individualisation et investissement), l'autoformation, l'apprentissage linguistique (langues étrangères), la recherche nord-américaine. Après ce premier travail, l'auteur s'attacha au problème de l'engagement dans la formation, non plus des retraités, mais des salariés de plus de 40 ans ; puis ce fut l'engagement des salariés en général dans la formation, avec une réflexion sur la notion d'investissement (le fameux co-investissement) ; enfin, c'est l'autoformation, avec ses formes nord-américaines (l'apprentissage autodirigé), qu'explore l'auteur dans les derniers écrits présentés dans ce document.

L'ensemble de la production de Philippe Carré pourra être considéré comme un labyrinthe, certes, mais un labyrinthe vivant, qui respire et s'articule organiquement. Aussi, autant que possible, j'ai signalé les articulations entre les différents textes, avançant la notion de « pôle d'attraction documentaire », notamment. Chaque grand thème se voit attribuer un tel pôle autour duquel se situent les autres textes, qu'il s'agisse de textes satellites (résumé, présentation du « texte-pôle »), textes d'extension, textes de déplacement, textes d'élargissement ou textes de passage d'un pôle à l'autre. Quelques fils majeurs de ce vaste tissu « quadripolaire » [Voyez l'essai de synopsis proposé  en ouverture de la partie de ce cahier consacrée à Philippe Carré.] seront alors repérés. De ce texte en quatre dimensions, quelques thèmes conducteurs - au sens où l'énergie intellectuelle y circule - seront isolés comme pour en identifier l'innervation. Le lecteur pourra peut-être ainsi suivre les méandres d'une micro-histoire des idées en train de se construire tout au long de ces dix-huit années, et à ce jour non close.

à suivre
   


 

Publicité
Publicité
2 novembre 2004

Sens et références en documentation. Des pratiques bibliogaphiques à l'herméneutique documentaire [3]

[suite de ...]

Une bibliographie analytique d'auteur

Deux auteurs sont absents de cette bibliographie thématique Formations ouvertes multiressources. Je veux parler de Georges Lerbet et Philippe Carré. C'est qu'ils font l'objet d'une bibliographie spécifique, bibliographie non plus thématique, mais d'auteur (reprises dans les deuxième et troisième parties de ce cahier) [Le lecteur notera dès maintenant que l'ensemble de ce travail bibliographique s'arrête en juin 1994 (à l'exception de quelques « à paraître » qui, le cas échéant, ont été transformés au vu de la publication).]. Ces deux auteurs, qui intervenaient lors de l'Université d'été, ont en effet à leur actif une importante production - ce qui m'a semblé constituer une double raison suffisante pour leur accorder un « traitement de faveur ». Les autres me le pardonnent !   

L'une des thèses universitaires de Georges Lerbet traitait de la latéralité, non seulement parce que le sujet était passible d'un traitement scientifique dans le cadre d'un « engagement pédagogique » dont l'auteur était redevable à Monsieur Fraisse, mais aussi parce que la latéralité a toujours été, pour lui, "une  source de préoccupations" très personnelle : l'auteur est très  maladroit!

C'est du moins ce qu'il prétend, dans un article paru dans l'une  des revues de l'inrp, où il retrace, pour le lecteur d'aujourd'hui, son « itinéraire de lecture ». Ce chemin est parsemé de références à ses propres écrits, nombreux et variés, mais toujours axés sur une problématique en évolution. A le parcourir, il semble que la maladresse n'était pas d'écriture! [« Affronter la complexité  et la construction de l'autonomie en éducation », Perspectives documentaires en  éducation (n° 30, 1993, p. 7-36). Cet article a été abondamment utilisé pour la présentation des écrits de Georges Lerbet, qui m'a par ailleurs fourni des renseignements précieux ainsi que des copies de ses publications les plus récentes.]    

Pédagogiquement engagé, l'auteur le fut, comme il le dit lui-même, à l'orée de sa « carrière ». Il l'est encore aujourd'hui auprès d'étudiants à l'Université François Rabelais de Tours, notamment dans la direction de thèses de sciences de l'éducation. Cet engagement s'accompagne d'un travail méthodologique et heuristique sur la question de l'écriture de travaux universitaires par les étudiants. Cette activité d'encadrement de recherche est une composante importante de l'auteur : aussi, j'ai référencé quelques thèses conduites sous sa direction.

Construire la bibliographie analytique d'un auteur sur un ordre de développement chronologique (en l'occurrence, de 1965 à 1994) pourra sembler par trop linéaire et continu. Sans doute, cette construction tombe-t-elle sous le coup de la condamnation que Pierre Bourdieu instruit à l'encontre de l'histoire de vie. "L'histoire de  vie est [en effet] une de ces notions  du sens commun qui sont entrées en  contrebande dans l'univers savant". Et le fait que je me sois notablement appuyé sur un « itinéraire de lecture » donné par l'auteur lui-même ne semble qu'aggraver mon cas. J'entretiendrais ainsi l'« illusion biographique », « illusion rhétorique » qui prend sa force dans "une représentation  commune de l'existence, que toute une tradition littéraire n'a cessé et ne cesse de renforcer" [Pierre Bourdieu, Raisons pratiques. Sur la théorie de l'action, Paris : Éditions du Seuil, 1994, p. 81].

J'accepte l'anathème et le récuse en même temps. Je plaide coupable parce que je sais que l'œuvre de Georges Lerbet ne se réduit pas à l'indication bibliographique, cette œuvre-là ni aucune autre. C'est la bibliographie qui est en soi double réduction : réduction du texte en document, puis réduction de ce dernier en série de caractéristiques d'identification. Le travail bibliographique est émiettement de l'œuvre que, texte après texte, l'auteur a patiemment construite. Le documentaliste « déconstruit » l'œuvre (ce qui n'est pas la détruire), substituant à une cohérence d'auteur une atomisation d'informateur. Il est clair qu'il ne pourra jamais restituer l'œuvre, quelle que soit la technique d'ordonnancement utilisée. Le système-œuvre est à jamais perdu. Voulant donner à lire, le bibliographe doit désarticuler l'organisme-texte, l'empêcher de respirer, le réduire en miettes.

Mais je plaide non coupable parce que « le postulat du sens de l'existence » [Id., p. 82. Pierre Bourdieu écrit que l'enquêteur et l'enquêté (le  sujet et l'objet de la biographie) "ont en quelque sorte le même intérêt à accepter le postulat du sens de  l'existence racontée (et, implicitement,  de toute existence)".] d'un auteur en tant qu'auteur est indispensable au travail d'analyse bibliographique (la publication d'un écrit comme événement dans un projet global d'écriture, dans une vie de création). Peut-être faut-il voir dans cette récusation, la propension du documentaliste bibliographe à lutter contre l'émiettement factuel de l'information bibliographique, propension à se vouloir artisan de l'écriture, comme lecteur mais aussi comme scripteur, c'est-à-dire comme producteur de sens. Mais la récusation est inutile, et la propension vouée à l'insatisfaction ; du moins si l'on en reste à la bibliographie, même analytique. Le sens produit veut désigner, pointer le sens postulé de l'œuvre émiettée, incapable de seulement le reconstruire. Le sens produit par le bibliographe est la désignation, le pointage même d'un sens rendu inaccessible par atomisation [On notera la difficulté de se départir du postulat du « sens donné », alors qu'on peut tout aussi bien faire l'hypothèse du « sens construit », du sens comme produit d'une activité.].

à suivre


2 novembre 2004

Sens et références en documentation. Des pratiques bibliogaphiques à l'herméneutique documentaire [2]

[suite de ...]

Des références sans épaisseur

Grossièrement, on définira la bibliographie signalétique comme se contentant de « signaler » des documents, grâce à des éléments descriptifs formels. La bibliographie signalétique fournit des signalements de documents, c'est-à-dire des éléments de référence. De la bibliographie signalétique à la bibliographie analytique, il n'y a qu'un pas, celui de l'adjonction d'un résumé, d'une présentation de « contenu » à la notice signalétique.

A bien regarder, les bibliographies (signalétique et analytique) listent, assemblent des miettes d'information documentaire. L'assemblage s'opère sous une logique propre à la thématique concernée ou à l'action dont la logistique prévoyait le travail bibliographique en question (disjonction non nécessairement exclusive). L'éclatement en cinq thèmes dont je viens de parler en est un exemple.

Les miettes d'information, ce sont les références bibliographiques elles-mêmes (auteur, titre, etc.) publiées sous forme de «notices bibliographiques ». Je dis « miettes d'information », parce que chaque unité d'information bibliographique fait l'effet d'un atome (éventuellement en plusieurs exemplaires) dans l'océan des systèmes d'information documentaire. Cet océan n'est pas impraticable, loin de là. Sans parler d'Internet, les dispositifs d'information balisée sont riches et nombreux [Plusieurs banques de données documentaires, par exemple, sont utilisables par le commun des documentalistes. Dans le secteur de la formation continue et des sciences de l'éducation, je citerai forinter du Centre inffo, émile  de l'inrp et francis de l'inist (ce texte date d'avant l'expansion de l'internet documentaire : nous en étions au minitel...).]. Je dis « miettes », aussi, parce que ce qu'on glane ainsi n'est que bribes, bribes significatives, certes, mais bribes quand même. N'apparaissent de l'unité bibliographique que ses éléments descriptifs. La réalité de l'unité bibliographique n'est pas saisie, elle n'est que signalée [En fait, c'est la réalité documentaire de l'unité bibliographique qui est appréhendée, non sa réalité textuelle. Le document comme visage, voire comme masque, du texte...].

Mieux, si l'on observe le mot allemand que traduit « référence »  (Bezugnahme, littéralement « prise de lien »), on imagine aisément que la référence n'est qu'une sorte de garniture sans épaisseur qui ne vaut que par ce qu'elle couvre (beziehen). La référence a le même statut  de réalité que le pronom relatif (bezüglich  Fürwort) : lien, liaison, relation - entre l'unité bibliographique référencée et le lecteur de la référence. La réalité de la référence est de second ordre, elle est convocation (Berufung). Elle n'a d'épaisseur que « rapportée » au référencé ou à son propre lecteur ; son épaisseur est dans ce rapport même.

Référencer, pour le documentaliste bibliographe, c'est glisser un  court texte (une « notice ») entre un à-lire concret et un vouloir-lire supposé, discrètement, avec la transparence maximale, afin de ne pas entraver l'établissement de la liaison, la prise de lien. La référence est un entre-deux, épiphénomène pour le texte référencé et signal pour le lecteur potentiel. Une sorte de tympan scriptural avec d'un côté la conscience lectrice, de l'autre le monde du texte. J'emprunte l'image du tympan à Samuel Beckett (L'innommable) : 
"... c'est peut-être ça que je sens, qu'il y a un dehors et un dedans et moi au milieu, c'est peut-être ça que je suis, la chose qui divise le monde en deux, d'une part le dehors, de l'autre le dedans, ça peut être mince comme une lame, je ne suis ni d'un côté ni de l'autre, je suis au milieu, je suis la cloison, j'ai deux faces et pas d'épaisseur, c'est peut-être ça que je sens, je me sens qui vibre, je suis le tympan, d'un côté c'est le crâne, de l'autre le monde, je ne suis ni de l'un ni de l'autre..."
.

Référencer, c'est rapprocher, c'est-à-dire inscrire dans une distance mais pour la débarrasser d'éventuels infranchissables. Le pont sépare les deux rives en même temps qu'il les unit. Les critères d'évaluation de la qualité intrinsèque d'une référence seront donc de deux ordres : conformité objective et lisibilité. Conformité objective : le pont doit conduire celui qui décide de le franchir au bon endroit de la berge d'en face ; la description doit être « fidèle », sans parasite, sans « bruit », c'est-à-dire efficace pour identifier, et donc permettre l'accès au référencé lui-même. Lisibilité : la référence comme texte donné à lire ; praticabilité même du pont pour permettre l'accès du lecteur potentiel.

à suivre


10 octobre 2004

Halte à la violence contre les femmes

   

CAMPAGNE MONDIALE D'AMNESTY INTERNATIONAL

Du champ de bataille à la chambre à coucher, les femmes sont en danger... En temps de paix comme en temps de guerre, les femmes sont victimes d'atrocités pour la simple raison qu'elles sont des femmes.


         
 
 
   

  DÉFINITION DE LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES

Amnesty International s'appuie sur la définition de la Déclaration des Nations unies sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes : " … les termes "violence à l'égard des femmes" désignent tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. " (Article 1) Quand on parle de violence liée au genre en ce qui concerne les femmes, on se réfère aux cas d'actes de violence dirigés contre une femme parce qu'elle est une femme ou ayant un impact particulièrement fort sur les femmes. Les interprétations les plus progressistes de cette définition affirment que les omissions - privations ou déni de soins - peuvent constituer des actes de violence contre les femmes, et qu'il en est de même pour la violence structurelle, c'est-à-dire le préjudice causé par la façon dont l'économie est organisée.

      
DANS LE CADRE DE CETTE CAMPAGNE INTERNATIONALE, UN CONCERT SERA OFFERT PAR LES ENSEMBLES VOCAUX ÉCHO DE FEMMES & COELI ET TERRA, LE 9 DÉCEMBRE 2004, À LA MADELEINE (église Sainte Marie-Madeleine). Vous  aurez bientôt des précisions sur cette manifestation, en visitant le  site de l'association LA CHAPELLE DES FLANDRES et en vous inscrivant (gratuitement) à sa  newsletter...
 
    
   

 

8 octobre 2004

1954

C'était ma fête avant-hier - comme tous les ans.
  Mais cette année est particulière pour moi : je viens de passer le demi-siècle.
  À part ma naissance, que s'est-il donc passé en 1954 ?
 

  1954.

  L'année où la fin d'une guerre coïncide avec le début d'une autre.
  De très nombreux prisonniers des Viêt-minhs sont libérés, notamment en septembre, mois du retour des prisonniers...
  La bataille de Diên Biên Phu (du 3 février au 7 mai) aura fait trois mille morts et disparus dans le camp français et quatre mille blessés. Dix mille hommes sont faits prisonniers et subiront un véritable calvaire dans la jungle... Seulement trois mille trois cents seront libérés, épuisés, en septembre 1954. Juste avant l'armistice a été signée (27 juillet). Juste après c'est la voie de l'indépendance qui s'ouvre pour la Tunisie et les comptoirs de l'Inde... Encore un peu après (1er novembre), c'est l'insurrection du massif des Aurès, "la révolution de 1954"; c'est la guerre d'indépendance algérienne qui débute...
 
  De l'autre côté de l'Atlantique, c'est la triste intervention américaine au Guatemala... Entrée au Guatemala de quelque cent-cinquante insurgés entraînés et armés par la CIA : près de quarante ans d'assassinats, de torture, de disparitions, d'exécutions de masse, et de cruauté inimaginable, totalisant, à ce qu'on sache, plus de deux cent mille victimes.
 
  Le déserteur, paroles de Boris Vian et musique d'Harold Berg, est publié cette année-là, chanté par l'auteur. D'autres interprètes porteront le message : Serge Reggiani, Richard Anthony, Claude Vinci, Mouloudji.
 
 

 
   
Publicité
Publicité
6 octobre 2004

C'est ma fête...

C'est aujourd'hui ma fête !
  Nous sommes le 6 octobre et mes parents m'ont appelé Bruno...



 

 

7 septembre 2004

François BRUNE, De l'idéologie aujourd'hui...

C'était le titre d'un article paru en 1996 dans Le Monde diplomatique. C'est devenu celui d'un ouvrage paru au mois de mars de cette année aux éditions de L'Aventurine. L'ouvrage s'ouvre sur une nouvelle version de l'article en question. Suivent d'autres contributions. Objectif de l'ensemble : débusquer l'idéologie là où elle prétend précisément n'être pas... Bref, remettre les pendules à l'heure. Salutairement.
Cet article initial, dès que je l'ai lu (en 1996 donc), je l'ai donné à lire à mes étudiants et stagiaires en documentation, à ceux qui travaillaient avec  moi l'art de la condensation documentaire, en l'occurrence l'art du résumé. En effet, quitte à donner à résumer, à condenser, autant donner à lire, à lire des textes qui apportent quelque chose à leurs lecteurs. L'article de François est de ceux-là. Et pour sûr, la prochaine fois, j'indiquerai à mes étudiants et stagiaires l'existence de cet ouvrage de 2004. Et les inviterai à l'acquérir, à l'acheter ou l'emprunter, à le lire...

Dans mon travail du résumé, j'invite à découvrir l'articulation du texte et en exhiber la hiérarchie informationnelle. À partir de quoi on peut sans problème composer un résumé plus ou moins court du texte en question. Voici trois niveaux de condensation du texte que François Brune a publié en 1996.


Résumé informatif court [75 mots]

Il n'y a plus d'idéologie, dit-on. Il n'y a même plus à penser : le réel s'impose ! C'est ainsi que fonctionnent quatre « complexes idéologiques » : le mythe du progrès, le primat du technique, le dogme de la communication et la religion de l'époque. Quand l'un de ces complexes défaille, les autres viennent à la rescousse, pour mieux brouiller l'analyse critique que le citoyen pourrait entreprendre des « réalités » qu'on lui impose.


Résumé informatif moyen [162 mots]

Il n'y a plus d'idéologie, dit-on. Il n'y a même plus à penser : le réel s'impose ! C'est ainsi que fonctionnent quatre « complexes idéologiques ». Le mythe du progrès, tout d'abord, (avec son corrélat nécessaire, la peur du retard) cultivant une fausse sociologie du changement. Le primat du technique, ensuite, détournant des questions fondamentales, en occultant le pourquoi par le comment. Puis le dogme de la communication qui véhicule de nombreux mots à forte charge idéologique et que la télévision entretient pour mieux faire illusion. La religion de l'époque, enfin, qui sacrifie tout à la « modernité », dans une mise en scène d'autant plus efficace qu'elle est artificielle. Quand, au gré d'une explosion sociale, l'un de ces complexes défaille, les autres viennent à la rescousse, pour mieux brouiller l'analyse critique que le citoyen pourrait entreprendre des « réalités » qu'on lui impose. Bafouant l'expérience la plus commune, ce brouillage oblige à une double pensée, au risque d'une schizophrénie collective.


Résumé informatif long [217 mots]

Il n'y a plus d'idéologie, dit-on. Il n'y a même plus à penser : le réel s'impose, tel le fait de la globalisation ou celui de la mondialisation ! Quatre grands « complexes idéologi- ques » fonctionnent ainsi dans le discours ambiant. Le mythe du progrès, tout d'abord, (avec son corrélat nécessaire, la peur du retard) cultive une fausse sociologie du changement. Le primat du technique, ensuite, détournant des questions fondamentales, en occultant le pourquoi par le comment, donne aux technocrates un poids tout dictatorial. C'est ainsi que l'idée d'autoroute s'impose, que l'image de la vitesse envahit tous les discours. Puis le dogme de la communication qui véhicule de nombreux mots à forte charge idéologique et que la télévision entretient pour mieux faire illusion. La religion de l'époque, enfin, qui sacrifie tout à la « modernité », dans une mise en scène d'autant plus efficace qu'elle est artificielle. C'est ainsi que la publicité envahit notre vie et que la « société de consommation » prospère toujours davantage. Quand, au gré d'une explosion sociale, l'un de ces complexes défaille, les autres viennent à la rescousse, pour mieux brouiller l'analyse critique que le citoyen pourrait entreprendre des « réalités » qu'on lui impose. Bafouant l'expérience la plus commune, ce brouillage oblige à une double pensée, au risque d'une schizophrénie collective.


16 août 2004

Le Goeyvaerts Consort a chanté Arvo Pärt (Kanon Pokajanen)

 
Hier soir, dimanche 15 août, j'ai assisté à un concert du Goeyvaerts Consort (dir. Marc-Michaël De Smet) dans l'église de Bever (Biévène), dans le Pajottenland, à quelque 20 km à l'Est de Bruxelles. L'ensemble n'a donné qu'une seule pièce. Mais laquelle ! C'était le splendide Kanon Pokajanen (Canon de Repentance) de Arvo Pärt.
Quelle découverte pour moi, qui ne connaissais pas cette partition ! Deux heures d'une musique d'un souffle incroyable, une série d'odes composées de séquences construites dans la tradition liturgique orthodoxe russe, dont trois séquences reviennent régulièrement, comme pour ponctuer la prière, pour marquer le temps...
L'ensemble vocal entre en entonnant en boucle l'une de ces trois séquences, lancinante, simplissime et belle, puis se dispose en cercle : les vingt-huit chanteuses et chanteurs tournent le dos au public, se regardant les uns les autres (le chef est dans le centre mais pas au centre) et poursuivent ainsi tout le concert : un cercle de corps tournés vers le centre, marqué par une bougie - celle que le chef portait en arrivant; cercle de vingt-huit corps chantants à l'intérieur d'un plus grand cercle de bougies - celles que les chanteurs portaient en arrivant...
Au début, ce dispositif m'a quelque peu rebuté, moi qui ai l'habitude de chanter face au public...
Peu importe, je fus vite pris dans la polyphonie de ces voix superbes, aux timbres si riches en grave, des voix travaillées, puissantes et rondes, comme polies par la patine de l'art. Mais surtout des chanteurs si engagés dans le geste vocal que l'auditeur qui se voyait spectateur exclu au début du concert se sent peu à peu à l'intérieur du cercle : l'engagement vocal vous transporte littéralement à l'intérieur du souffle musical, dans le cercle des chanteurs. Magique.
J'aurais juste, quelquefois, aimé que l'ensemble vocal aille plus loin dans les p. Pour moi, aussi loin que remontent mes souvenirs musicaux, la liturgique orthodoxe russe tient une part de sa force dans les contrastes de dynamique : la déclamation fff est suivie d'un ppp toujours dans le souffle déclamatoire... Hier, à certains moments de la déclamation de repentance, j'attendais des ppp voire des pppp. Rien de cela les p  n'étaient que des  mp... Ah ce dernier "amen" (ou plutôt "amin"), s'il avait été pppp ! Bref, la palette des dynamiques mobilisées m'a semblé trop restreinte.
Mais ceci n'est qu'un détail qui tient plus à mon esthétique personnelle qu'à la qualité musicale de l'ensemble vocal que j'ai entendu hier soir. Ce matin, je suis encore bercé par Arvo Pärt, qui chante comme dans un souffle au loin mais dedans. Et si cet ensemble vocal redonne cet Arvo Pärt, j'y cours !

13 août 2004

Jeux Olympiques et Démocratie : de la justesse de l'information...

   

Fidèle lecteur du Monde diplomatique - tout simplement parce qu'il est une des rares publications tout public à nous ouvrir intelligemment (c'est-à-dire en posant les bonnes questions) sur le monde, je viens de lire l'article de José Saramago (« Que reste-t-il de la démocratie ? », livraison d'août 2004, p.20).

 
 
 

Juste une réaction, une petite réaction, quasi épidermique mais ancienne, réactivée par l'écrivain portugais...

 
 
 

En préambule, Monsieur Saramago cite ce bon viel Aristote au sujet du principe démocratique, et plus précisément du rapport entre le peuple pauvre et les riches du point de vue du pouvoir politique. Fort bien. Mais ce qu'on oublie - encore une fois et c'est peut-être cette répétition qui m'irrite -, c'est que, lorsqu'Aristote ou Platon ou Thucydide parlent de l'assemblée démocratique des citoyens, ils ne désignent pas l'ensemble des femmes et des hommes vivant dans la cité : ils en excluent les femmes (plus ou moins fantasmatiquement situées au rang animal) et surtout les esclaves (très concrètement considérés comme des objets). Et l'on sait que les citoyens ne représentaient qu'une toute petite partie de la population. C'est au sein de cette petite part démographique que la distinction aristotélicienne fonctionne... Voilà qui réduit fortement la portée du préambule de José Saramago. Mais là n'est sûrement pas le coeur de sa démonstration.

 
 
 

Eh puis, mettons cela sur le compte de l'approximation ! Tout le monde n'a pas étudié l'histoire et la philosophie grecque ancienne... Reste que quand on cite, quand on prend exemple, mieux vaut connaître la source et son environnement.

 
 
 

C'est comme ce titre à la Une de La Voix du Nord de ce vendredi 13 août 2004 : Les Jeux de retour sur l'Olympe, immédiatement suivi (le titre) de ce texte: « Acclamée dans toute la Grèce, la flamme olympique est arrivée hier soir sur l'Acropole ». Le problème, c'est que l'Olympe est une montagne qui n'est pas du tout à Athènes (oui oui : l'Acropole est à Athènes!). Allez dire, si vous l'osez, à Aristote, Platon ou Thucydide que l'Olympe est à Athènes et vous verrez, si vous le pouvez, leur tête déconfite qui se détourne d'un fou ou d'un innocent.

 
 
 

 

 
 
 

[merci à Michelin pour le petit extrait publié ci-dessus]

 
 
 

Tout cela mérite un petit détour historien.

 
 
 

Les Jeux Olympiques sont nés dans la nuit grecque des temps (on hésite sur la date, située entre le Xème et le VIIIème siècles avant-JC.) et le fait qu'ils soient précisément Olympiques, c'est-à-dire qu'ils aient lieu à Olympie, n'est pas neutre. Le lieu des JO disposait d'un statut d'inviolabiblité et les cités grecques perpétuellement en guerre les unes contre les autres s'y retrouvaient pour le sport, toute activité militaire cessante. Rappelons que les JO finirent par être une des manifestations clés du panhellenisme où les cités rêvaient d'un monde sans guerre entre grecs...

 
 
 

Confondre Olympie et Athènes revient ainsi à annuler cette histoire d'un rêve de paix "internationale", ou plutôt interhellénique. Ce serait dommage, non ?

 
 
 

D'ailleurs, les JO furent anéantis par la décision d'un empire, l'empire chrétien de Rome. En effet, c'est à la fin du IVème siècle que Théosode 1er, empereur romain chrétien, les interdit dans le même geste de pouvoir où la religion chrétienne fut institutée par le pouvoir terrestre comme religion unique. Les compétitions sportives furent interdites sur l'ensemble du bel empire romain en même temps qu'étaient massacrés les prêtres des religions antiques. Les JO étaient compris comme propagateur du paganisme, c'est-à-dire du non-chrétien. D'où ce détestable « Religious Act » ou « Believer Act » [je ne sais comment dire, je ne connais pas l'anglais] de 394 après JC...

 
 
 

Bref, dès qu'on commence à s'interroger à partir d'un étonnement sur l'approximation de l'information, on peut aller loin dans l'analyse. Car telle approximation n'est pas ce qu'elle est au hasard. On n'est pas obligé de confondre Olympie avec Athènes. Sauf à oublier l'antiquité et limiter notre horizon historique à l'histoire récente des JO qui, effectivement, redémarrèrent à Athènes en 1896.

 
 
 

C'est encore plus manifeste dans le cas de la sous-disant démocratie athénienne. Omettre toute une frange - la plus nombreuse - de la population d'une cité comme fait José Saramago mérite l'attention. Cette distorsion d'information a sûrement un sens. Non pas justifier un anathème qu'on jetterait sur notre écrivain portugais - là n'est vraiment pas le propos. Mais comprendre ce qui ne se dit pas ici (monde capitaliste de l'orée du XXIème siècle) qui laisse la peau dure à cette omission séculaire.

 
 
 

On pourrait y voir la volonté souterraine d'enraciner notre vision du monde dans de lointaines figures politiques dont nous ne connaissons plus que quelques échafaudages intellectuels - ce qui a la mérite d'interdire toute vérification dans les faits... Sauf que nous avons quelques données démographiques sur l'Athènes du V/IVèmes siècles avant notre ère - celle-là même qu'on exhibe quand on parle démocratie - qui concluent à l'idée que les citoyens, les égaux ne représentent qu'une minorité de la population réelle de la cité.

 
 
 

Mais alors, pourquoi trahir ainsi la réalité historique telle qu'elle est construite à ce jour, pourquoi travestir la vérité historienne ? Et que cache cette trahison, ce travestissement ?

 
 
 

Une idée horrible me vient en tête, qui expliquerait bien des choses et permettrait, dans le même mouvement, de sauver la démonstration de José Saramago en l'argumentant comme malgré lui : les femmes et les esclaves de la démocratie athénienne d'il y a vingt-cinq siècles, ce sont les femmes et les exploités de la démocratie capitalistique d'aujourd'hui. Écoutez comment le patron des patrons parle des gens, des travailleurs, des chômeurs, des femmes, etc. Pas besoin de lire le Monde diplomatique ou la presse dite de gauche pour s'en convaincre. Même le Figaro n'hésite plus à publier les paroles odieuses du patronat. Le pouvoir dans la démocratie n'est pas "au centre de la cité", là où chacun peut prendre la parole s'il a quelque chose à dire - comme le rêvait les grecs (cf. les fameuses pages d'Hérodote). On sait qu'il est entre les mains du pouvoir économique. On sait que l'économie - c'est-à-dire quelques familles très riches de père en fils - dirige le monde. On sait que la vie d'un salarié a moins de valeur que l'avis d'un boursicoteur. On sait tout cela. On ne s'en émeut même plus !

 
 
 

Tout comme Aristote pouvait dire et écrire, sans qu'apparamment personne ne proteste, qu'un esclave n'est pas un homme, mais une chose. Tout comme Platon pouvait dire et écrire, sans qu'apparamment personne ne proteste, qu'une femme a juste un peu plus de valeur qu'un animal.

 
 
 

 


   

 
 
13 août 2004

EXILS

Je viens de voir le dernier film de Tony Galtif, Exils.

Beaucoup de musique, beaucoup de vie, beaucoup d'amour dans ce beau film.

Beaucoup de vérité simple et profonde aussi.

Cette idée, par exemple, qui vous vient naturellement à l'esprit en sortant de la salle de projection :

il y a pas de race entre les hommes,

           il n'y a que des racines...

 


Publicité
Publicité
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 261 375
Publicité