Les nouveaux métiers de l'infodoc
À propos de
Nouveaux métiers de l'infodoc. Guide / réalisé par Archimag. - Paris : Serda, 2013. - 88 p. - (Archimag Guide pratique, ISSN 1242-1367 ; 48). - 97 €.
Note de lecture publiée par l'ADBS.
La sociologie française du travail est née de l'analyse de l'activité des ateliers industriels de l'après-guerre. Ce faisant, elle semblait ignorer la vieille dichotomie anglo-américaine entre occupation et profession, qui distingue entre l’activité évaluée sur ce qu’elle produit et celle qui est évaluée à l’aune de ce qu’elle engage de qualification (connaissance, savoir-faire, expertise). Les travaux successifs de l’ADBS visant à construire le référentiel des compétences (depuis le milieu des années 90) voulaient tenir les deux bouts de la dichotomie anglo-américaine, proposant un continuum de “niveaux de compétences”, du “professionnel [capable] d'exécuter quelques tâches sans complexité“ au “professionnel [capable] concevoir des systèmes nouveaux, d'auditer” etc.
Reste que l’approche des “métiers de l’info-doc” est délicate et complexe, et ce pour deux raisons essentielles : une raison liée à la problématique métier en elle-même, et une raison liée à l'ambiguïté du terme ‘information’ et, partant, à l’extrême difficulté voire l’impossibilité de dessiner le contour précis de ce que ce terme recouvre.
La problématique métier, d’une part, propose au moins de cinq approches du métier : l’approche fonctionnelle valorise l'utilité socio-économique, l’approche organisationnelle analyse la place dans l’organisation, l’approche socio-économique s’intéresse au "marché" du travail, l’approche technicienne centre la réflexion sur les outils et les procédures techniques, l’approche référentielle tente de structurer les diplômes (offre de formation et système de certification lato sensu) et/ou d’organiser le discours sur els compétences (analyse de l'activité). Chacune de ces approches est pertinente mais seulement du point de vue qui est le sien. Chacune de ces approches construit son propre objet, met au point sa propre méthode. Et si l’on souhaite un regard global voire systémique sur les “métiers de l’info-doc”, la difficulté consistera à articuler ces approches comme autant de paramétrages possibles d’une réalité que l’on rêverait unique.
Le rêve s'interrompt vite quand on constate seulement l’ambitus de l’information. Le registre est large, trop large pour un seul professionnel et parler des “métiers de l’info-doc” au pluriel n’est pas une coquetterie rhétorique. Si l’on continue de parler de l’information au singulier, comme Loïc Lebigre et Véronique Mesguich lorsqu’ils évoquent la “fonction information”, c’est bien au pluriel ou dans la particularité singulière (rédacteur technique, archiviste, bibliothécaire notamment) que les métiers apparaissent dans le guide pratique Archimag.
Ces difficultés quasi épistémologiques font mine de s’évanouir quand on saisit la constellation bigarrée des métiers de l’info-doc par l’un de leur “accident” récurrent et comme obligé depuis quelques décennies, la “nouveauté”. Depuis l'avènement documentaire des NTIC, nouvelles technologies de l’information et de la communication, on ne peut éviter de commencer le discours sur les métiers de l’info-doc par l’incantation de la nouveauté, au risque de forcer l’attention vers les nouveaux outils et les nouvelles techniques. Le présent guide pratique n’y échappe pas, qui, après y avoir payé son tribu, déroule une série de propos intéressants sur les métiers selon un itinéraire balisé (état de l’art, stratégie, méthodologie, formation, profils), itinéraire passant d’une approche de la problématique métiers à l’autre, au gré des contributeurs.
On notera le grand intérêt de la série de profils proposée par Quentin Cezard et Michel Remize. Sa lecture donne à comprendre cette bigarrure dont nous parlions plus haut, exhibant notamment des centres d’intérêt que d’aucuns avaient peut-être oubliés, telle la terminologie.
Que retenir de ce guide ? Qu’il convient inlassablement de situer et resituer le professionnel dans son système professionnel ? Que l’unité des métiers de l’info-doc est un fantasme qu’il faut dissiper sans relâche ? Qu’un groupe professionnel fonctionne toujours en dynamique ? Que ça communique toujours et que ça bouge toujours entre biographies individuelles, organisation professionnelle, formation et travail ?
En tous cas, le parti pris de la nouveauté, s’il risque souvent de brouiller l’analyse qu’on pourrait construire de l’introuvable unité des métiers de l’info-doc, a un énorme mérite : on ressent à la lecture de ce guide une odeur d’optimisme volontaire qui nous aidera utilement à toujours mieux faire évoluer ces techniques intellectuelles qui sont les nôtres, à toujours mieux organiser et mettre en place des formations de haut niveau et à toujours mieux exhiber l’efficacité des services rendus par les professionnels de l’info-doc au sein des organisations et des collectivités.