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BRICH59
4 avril 2012

Les OPCA : quelle nouvelle donne ?

Il y a trois ans, j'avais discrètement mis en ligne un schéma documentaire interactif du travail préparatoire à la loi de novembre 2009 (depuis 2003 jusqu'à la publication de la loi). C'est maintenant de la préhistoire... Plus récemment, le Centre Inffo a publié une vidéo pour expliquer les grands titres de la loi de novembre 2009. Plus récemment encore, le CESE a rendu un avis sur l'évolution de la formation professionnelle continue, d'où il ressort plusieurs caractérisations (plutôt négatives) de l'état actuel (2011) de l'offre de formation :

  1. un secteur atomisé
    Selon les chiffres de la DARES, avec près de 15 500 organismes ayant pour activité principale l’enseignement et la formation, le secteur de la formation est plutôt atomisé, selon Les prestataires de formation en formation en 2009, DARES, n° 069, 2011 (noter qu'en 2008, l’appareil de formation comptait plus de 58.000 prestataires). Cependant, les plus gros organismes concentrent une part importante de l’activité. Ainsi, les 2 % d’organismes dont le chiffre d’affaires dépasse 3 millions d’euros réalisent 47% du chiffre d’affaires global et forment 35% des stagiaires, assurant 36% des heures-stagiaires. À l’autre extrême, les organismes réalisant moins de 150.000 euros de chiffre d’affaires représentent près des deux tiers des organismes, mais ne forment que 13 % des stagiaires.
    Une étude du CÉREQ révèle aussi que 40 % du chiffre d’affaires de la formation professionnelle continue est réalisé par des prestataires n’affichant pas la formation comme activité principale exercée [La face cachée de l’offre de formation continue, BREF n° 273, CÉREQ, 2010].
    En 2009, le nombre de formateurs individuels progresse fortement (+10%), poursuivant une tendance entamée depuis plusieurs années. incluant les auto-entrepreneurs, ils représentent 34% des prestataires, soit deux points de plus qu’en 2008 et presque autant que le secteur à but lucratif. Cependant, ils n’accueillent qu’un stagiaire sur dix et ne réalisent que 4% du chiffre d’affaires du secteur et 10% des heures-stagiaires.
  2. une qualité mal visible
    Opacité de la qualité de l'offre, malgré la "charte de qualité" de la FFP (Fédération de la formation professionnelle), le label OPQF (certification de l’Office professionnel de qualification des organismes de formation) et la norme ISO 29990.
  3. une mauvaise réponse
    Mauvaise réponse à la demande (et au besoin) de formation.
    Alors même que les procédures publiques d’achat des formations doivent permettre l’élaboration d’un cahier des charges adapté aux besoins de l’acheteur public, celui-ci, dans la réalité des faits, tend plutôt à adapter sa demande en fonction des offres des organismes de formation. À cet égard, la lourdeur des procédures d’achat public est régulièrement critiquée, entraînant "un manque de réactivité de l’offre de formation par rapport à la demande" (dixit Opcalim)...
  4. un retard à l'innovation
    Émergence - trop lente - du blended...
  5. un service public mal organisé
    Un service public de la formation professionnelle juridiquement mal organisé.
    Gros ïatus entre mission de service public et "règles" des marchés publics : conflit entre "l'intérêt général" et la "libre concurrence". D'où concept de Service public régional de formation (SPRF) qui a besoin d'un cadre juridique et institutionnel.

La réforme signée par la loi du 24 novembre 2009 assigne deux finalités principales au dispositif OPCA et prévoit la création d'un fonds. Globalement, on assiste à un élargissement notoire des missions des OPCA dans le cadre de frais de gestion maîtrisés :

  1. développement d'une ''efficacité'' : à la fois auprès des TPE-PME (idée de proximité + fléchage d'enveloppes financières pour les -10 salariés [TPE] et les 10 à 49 salariés [PME]) et auprès des salariés et demandeurs d'emploi les plus éloignés de l’accès à la formation
    À noter, au sein de la tendance générale (parfois verbeuse) à souhaiter que les personnes deviennent "acteurs" de leur formation, l'instauration de droits à la formation attachés à la personne et non plus au statut.
  2. amélioration de la gestion des organismes collecteurs (visibilité financière, etc.) avec notamment des économies d'échelle (surface financière accrue [au moins 100M€, alors que le seuil était fixé à hauteur de 15M€ auparavant]), la signature de COM (convention d’objectifs et de moyens) avec l’État et des comptes publiés.
    À noter que la signature des COM acte, selon la DGEFP, l'achèvement de la réforme des OPCA...

Par ailleurs, est créé le FPSPP en lieu et place du FUP (qui assurait une péréquation financière entre les OPCA sur les actions de formation de professionnalisation) pour former davantage de personnes (+500.000 salariés et +200.000 D.E.). Ce fonds est financé par les excédents des OPCA et par un prélèvement de 5 % à 13 % sur les contributions obligatoires des employeurs à la formation professionnelle.

Le paysage des Opca s’est donc restructuré, la loi imposant aux organismes collecteurs :

  • un montant de collecte plus important que par le passé ;
  • le développement de services de proximité auprès des entreprises.

Du coup, 20 organismes seulement (en lieu et place des 42 organismes existant jusqu'à 31/12/2011), répartis en 18 organismes nationaux professionnels, 2 Opca  interprofessionnels et interbranches - avec un champ d'action agrandi (regroupement pour cause de surface financière et dans une logique de branche ou d'interpro) et avec des missions en plus (davantage de proximité : conseil, etc. ?) .
Ceci dit, on note depuis plusieurs années que les entreprises de 10 salariés ou plus confient aux OPCA une part toujours croissante de leur contribution au plan de formation, notamment du fait de l’intérêt qu'elles y trouvent pour externaliser la gestion des conventions avec les organismes de formation. De fait cela engage des montants dépassant leurs obligations légales :

    • un nombre réduit d'organismes
    • Vingt organismes collecteurs seulement (en lieu et place des 42 organismes existant jusque là), répartis en :
  • 2 Opca interprofessionnels et interbranches :
  • OPCALIA qui absorbe GDFPE, Auvicom, FAF propreté, Forthac, Opca EFP et Opcad [coopératives de consommateurs]
  • AGEFOS-PME qui absorbe Agefomat, FAF PCM, Opca CGM et Opcad [commerce de détail des fruits et légumes et produits laitiers]
  • 18 organismes nationaux professionnels ou "de branche"  
  • certains "accueillent" d’autres branches et secteurs d’activités, comme l’AFDAS (qui absorbe la presse écrite), UNIFORMATION (qui absorbe Habitat-Formation et le FAF Sécurité sociale) ou l’OPCA-PL (qui absorbe l’hospitalisation privée)
  • d'autres sont créés comme Constructys, OPCA de la construction (né de la fusion du Faf Sab, de l’Opca TP et de l’Opca Bâtiment), de l'OPCALIM (issu du rapprochement d'Agefaforia, d'Opca 2 et d'Opcad [poissonnerie]), de l'OPCABAIA (qui réunit l’Opca de la banque et celui des assurances), de l'OPCA DÉFI (fusion de Plastifaf et de l’Opca C2P) ainsi que de l'OPCA3+ (réunissant Formapap et Forcemat).
  • des organismes collecteurs comme FAF-TT, Fafih, Fafiec, Forco, Intergros, Opca Transports, Unifaf, Anfa, Fafsea ou Opcaim continuent d'exister sans rapprochement ni fusion.

Par ailleurs, vingt-huit organismes collectent les contributions des "congés individuels de formation" :

  • vingt-six Fongecif, interprofessionnels régionaux (inchangé);
  • deux Agecif (six auparavant);
  • auxquels s’ajoutent six Opca de branche, agréés au titre du congé individuel de formation par dérogation (il y en avait le double auparavant)

L'une des conditions d'agrément des OPCA était "l'aptitude à assurer des services de proximité à destination des PME-TPE".

Et de fait, depuis plusieurs années, les organismes collecteurs et notamment les OPCA interprofessionnels, tendent à accroître leurs ressources en proposant de nouveaux services aux entreprises en matière d’ingénierie de la formation. L'ANI de 2009 précise, par ailleurs, que les OPCA doivent aider les TPE/PME "à l’élaboration de cahier des charges pour la mise en œuvre des actions de formation des salariés et le cas échéant, à l’identification des organismes de formation". D'où la nécessité de travailler à la définition des besoins de formation le plus en amont possible.

Mais quel est l'impact du changement que constitue la restructuration du paysage OPCA ?

En termes d'impacts sur les pratiques professionnelles :

  1. on réorganise
    des modifications importantes
    Nécessité pour les OPCA re-formés de revisiter leur organisation interne : la signature avec l'État des COM, conventions (triennales) d'objectifs et de moyens, est assez contraignante pour 2012, mais des marges de manoeuvre apparaissent dès 2013... (à ce que dit Uniformation). 
    C'est que le "regroupement" a des répercussions importantes ;
    par exemple, pour OPCALIA : surface financière X 1,5 ; nbre d'entreprises X 2,3 ; nbre de branches X 1,8 ; effectifs X 1,3
    D'où la transformation et surtout la montée en puissance de certaines fonctions comme l'accueil téléphonique notamment.
  2. des activités variées
    La comptabilité analytique des OPCA semble devoir comprendre les lignes suivantes :

    1. frais de gestion et d'information où s'affichent principalement les frais de collecte et de gestion administrative et financière
    2. frais de mission, à savoir accompagnement des entreprises (analyse des besoins de formation), information/conseil vers les entreprises, prospective métiers/qualifications (OPMQ), études & recherche (ingénierie de formation), diagnostics GPEC des entreprises + renforcement des obligations de publicité : création de service dématérialisé avec rubrique dédiée et identifiée sur le site internet des OPCA...
  3. une nouvelle gouvernance
    - CA paritaire national définit les orientations stratégiques et les règles de fonctionnement, signe la COM (et conventions de financement complémentaire), gère toute opération financière, arbitre les nouvelles adhésions de branche etc.
    - CA paritaire régional définit les orientations de la politique formation du territoire tout en mettant en oeuvre les décisions et orientations du CA national

On réorganise donc, ce qui implique qu'on "restructure" - et cette "restructuration" généralisée (notamment dévolution des OPCA disparus et sureffectifs) engendre des degâts collatéraux comme on dit :

  • licenciements collectifs et autres éléments de plans sociaux ;
  • avec "économies" plutôt dans les délégations régionales, même s'il est évident que les mêmes délégations régionales vont devoir créer rapidement, et peut-être en synergie avec l'État et les Régions, un grand nombre d'emplois de "conseillers formation territoriaux" (transversaux aux branches) pour travailler avec les PME-TPE.

Maintenant, quelles incidences sur l’offre de formation ?

Allons-nous vers une meilleure régulation de l'offre de formation - ce qui ne serait pas forcément un mal vu le triste état de cette offre jusque là - ? En fait il semble qu'on doive bientôt constater une tension entre deux pôles : le niveau national avec effet "centrale d'achat" et le niveau régional avec effet "proximité territoriale".

Passons sur l'effet "centrale d'achat" qui risque de standardiser l'offre de formation et de tirer toujours davantage les prix.

L'effet "proximité territoriale" promet d'intéresser notamment les petites et très petites entreprises (surtout les moins de 10 salariés). Celles-ci devraient en effet bénéficier d'un renforcement de l'attention des OPCA : régionalisation de l'offre de services, de l'accueil à la formation, en passant par le conseil et l'ingénierie. Du coup, on voit apparaître, via les OPCA, une clientèle que les organismes de formation ne touchaient pas forcément auparavant.

Du point de vue de la politique de formation, cet effet souhaité de "proximité territoriale" devra, dans un souci d'optimisation des moyens, entrer en résonance avec la politique régionale de formation permanente - ce qui n'est pas forcément gagné : les OPCA ont ici en quelque sorte la lourde tâche d'améliorer l'accord national interprofessionnel et la loi - où l'approche régionale fait figure de "parent pauvre" (cf. les réactions de l'ARF).

De fait, la nouveauté, c'est peut-être qu'une interface va s'interposer entre les entreprises et les organismes de formation. Les OPCA se positionnent clairement (et légitimement) en interface entre les entreprises et les organismes de formation, en :

  • aidant à la définition des besoins de formation (notamment dans une logique de GPEC)
  • aidant à l'élaboration du cahier des charges
  • aidant à l'identification des prestataires de formation

Seconde nouveauté de taille, les organismes de formation vont devoir être capables de mêler des publics en formation. En effet, les OPCA ont pour mission explicite aujourd'hui d'optimiser les financements de Pôle Emploi et du FPSPP pour des publics caractérisés comme prioritaire par la politique emploi. Ce qui signifie, pour les organismes de formation, qu'ils devront être capables de mêler salariés et demandeurs d'emploi...

Mais tout cela ne va-t-il pas faire apparaître des points de frictions ? Pour ma part, j'en devine deux : entre OPCA et Organisme de Formation d'une part, entre OPCA et Responsable Formation d'autre part.

Un point de friction entre OPCA et organismes de formation risque en effet d'apparaître. Question de partage de compétences : jusqu'où un OPCA (qui n'est clairement pas un organisme de formation) pourra-t-il aller sans empiéter sur les activités de l'organisme de formation ? Et poussons le bouchon, juste un peu : imaginons au hasard un OPCA de mèche avec un "cabinet" de formation sous-traitant... Ensuite, le positionnement nouveau de l'OPCA ne risque-t-il pas de casser des dynamiques créées de longue date et entretenues avec ingéniosité entre organisme de formation et entreprise le cas échéant ?

Autre point de friction possible : entre OPCA et responsable de formation en entreprise (cf. les réticences du GARF). Ces derniers souhaitent être invités dans les instances de pilotage de leurs OPCA, afin que les orientations OPCA et leurs propres préoccupations ne se mettent pas en dissonance. Ensuite, les responsables de formation craignent de perdre leur autonomie dans la relation qu'ils ont éventuellement construite avec tel ou tel organisme de formation.
Reste que, pour ce point de friction là, l'enjeu est moindre dans la mesure où les entreprises qui ont en leur sein un responsable formation ne sont pas la cible prioritaire des OPCA selon les termes de la réforme engagée.


 

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