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BRICH59
1 juillet 2008

Libéral, tu as dit libéral ?

Libéral est un de ces mots qui, à force d'être employés, perdent leur signification. Et la charge idéologique du terme ajoute au brouillage sémantique... C'est quoi "libéral" ? La question est importante, car c'est en jouant sur le sens de ce mot - comme sur le sens d'autres mots - que le candidat Sarkozy a embobiné presque tout le monde, y compris et surtout ceux qui maintenant pâtissent de son activisme forcené. Plus récemment, Delanoë a entraîné le PS dans un travail de distinction entre libéralisme économique et libéralisme politique... De quoi faire perdre leur latins aux pékins que nous sommes !

'Libéral' a d'abord voulu dire "propre à l'homme libre". Les arts libéraux (peinture, sculpture...) s'opposaient ainsi aux arts mécaniques, réservés aux esclaves... Ce sera, au XVIIème siècle, le fameux "honnête homme" du temps de René Descartes et Blaise Pascal.

Puis 'libéral' finira par caractériser celui qui, ayant de quoi être généreux, l'était effectivement. La richesse sympa, en quelque sorte. Pour Pascal, "un avaricieux qui aime devient libéral, et il ne se souvient pas d'avoir jamais eu une habitude opposée". Même Dieu, si l'on en croit son contemporain (de Pascal, pas de Dieu!) Isaac Lemaistre de Sacy quand il traduit L'Ecclésiaste (XXXV, 13) : "Le Seigneur est libéral envers ceux qui lui donnent, et il vous en rendra sept fois autant". Bref on voit que c'est la générosité, voire le don, qui au fond de cette affaire, même si l'argent, la valeur monétaire est déjà dans le coup - ce sur quoi La Bruyère (XI) ironise : "Il est vrai qu'il y a deux vertus que les hommes admirent, la bravoure et la libéralité, parce qu'il y a deux choses qu'ils estiment beaucoup et que ces vertus font négliger, la vie et l'argent ; aussi personne n'avance de soi qu'il est brave ou libéral".

Bref, est libérale la personne qui a fait montre de libéralité, de disposition à donner, de générosité... Il ne faudrait pas oublier cependant que ce terme a pu évoquer aussi l'ouverture d'esprit, la faculté de sortir des préjugés...

Sortir des préjugés, tel était l'un des mots d'ordre de la seconde moitié du XVIIIème siècle, dénommé justement pour cela "siècle des Lumières". C'est à ce moment-là que l'idée de "libéralisme" telle qu'elle fonctionne encore aujourd'hui serait née... Mais arrêtons de chercher de midi à quatorze heures : le libéralisme est une doctrine économique, celle qui se donne le marché pour seul fondement, avec pour alliées naturelles l'initiative privée et la libre concurrence (Francis Balle, in Encyclopædia Universalis, s.v. "Libéralisme"). Le libéralisme politique sera l'attitude qui demande au pouvoir politique de ne jamais entraver le fonctionnement du marché, celui-ci trouvant en lui-même sa propre justification (la fameuse main invisible, qui ressemble étrangement à la puissance divine...).

On dit souvent que cette posture - qui influencera grandement l'instauration idéologique des États-Unis d'Amérique - a la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 comme fonds baptismaux. Ce disant, on oublie de penser dans sa totalité le premier article de cette déclaration qui se voulait déjà de portée universelle :  Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. Or il semble bien que le libéralisme ait été contaminé par le capitalisme, voire par la ploutocratie - ce qui aura pour effet immédiat de réduire l'utilité commune à l'intérêt de ceux qui ont déjà la puissance économique. En gros, le libéralisme consiste à donner tout son essor à la liberté de ceux qui ont le pouvoir économique même s'il faut (euphémisme) anéantir la liberté des autres pour cela.

Et le paroxysme du libéralisme (stade de l'ultralibéralisme) est atteint lorsqu'il réduit le pouvoir politique à un rôle de facilitateur de la toujours plus grande liberté et du toujours plus imposant pouvoir de quelques uns. L'épisode politique en cours concernant l'audiovisuel montre ça très bien... Et on peut dire, sans rire, que la droite française manque de libéralité (pour le service public donc pour le peuple) parce qu'elle est libérale tout en intervenant sur le fonctionnement du marché pour accroître la fortune de quelques potentats économiques... Contradiction fondamentale. Le libéralisme sarkozien est un oxymore à lui tout seul. Et la main est bien visible ce coup-là !


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