Chant
polyphonique
et peinture
flamande
au Palais des
Beaux Arts de Lille
Dimanche
12 novembre 2006
de 16h. à 18h.
- 16 heures
Visite guidée du Département du Moyen Âge et de la Renaissance du Palais des Beaux Arts de Lille
- 17 heures
Concert Josquin des Prés & Venise : Messes Mater Patris et Di Dadi par l'Ensemble vocal Métamorphoses, dir. Maurice Bourbon
Un hommage au grand maître de la polyphonie franco-flamande...
Josquin Desprez est à la fois un sculpteur et un architecte de
musiques, et un grand mathématicien. Au service de l’émotion et du
drame…
Sculpteur, il travaille la pierre de la musique vocale dans une
infinité de phrasés, inventant sans cesse de nouveaux volumes: envolées
lyriques, suspensions aériennes, ornements vertigineux, déclamations
hachées...
Architecte, il mêle les lignes et combine les ensembles dans de magnifiques édifices.
Mathématicien par essence, il s’impose pour ses compositions des
"canons", règles techniques obligées, comme c’était l’usage à l’époque
dans la musique franco-flamande, d’une complexité qui ne fut égalée
ensuite que, deux siècles plus tard, par Johann-Sebastian Bach.
La messe Mater Patris occupe une place à part dans les
messes de Josquin, par l’emploi réitéré de passages simples
homophoniques (une syllabe par note et simultanée dans toutes les
voix), alternant avec les savants mélismes (entrelacements de
vocalises) propres à l’auteur. Elle est construite sur le motet à 3
voix d’Antoine Brumel Mater Patris et Filia. Contrairement à la messe Di Dadi
et à beaucoup d’autres messes de Josquin, elle n’est pas construite sur
une teneur, et la voix de tenor est traitée comme les autres voix.
La messe Di Dadi, aussi appelée N’auray-je jamais
parce qu’elle est construite sur le tenor d’un rondeau du même nom de
Robert Morton, est dominée par l’emploi d’une teneur répétitive,
confiée le plus souvent au tenor, et exceptionnellement, alors baissée
d’une quarte, au bassus. Le terme Di Dadi signifie "des dés":
le début de la voix de teneur est en effet le plus souvent illustrée
par deux dés, donnant la proportion, évidemment variable d’un mouvement
à l’autre, entre la pulsation de la teneur et celle des autres voix.
Fantaisie mathématique éblouissante... Au service de l’émotion et du drame: la messe Di Dadi présente deux moments exceptionnels, le qui tollis peccata mundi, dans le Gloria, magnifique errance dans le royaume des ombres, et la fin du Credo, à partir du Crucifixus,
morceau d’anthologie de cinq minutes, d’une intensité et d’une tension
sans cesse croissante qui jette l’auditeur, épuisé et haletant, devant
la porte du monument suivant, le Sanctus.
« Josquin & Venise », titre de ce programme musical, nous a
été inspiré par les relations qu’entretenait Josquin Desprez avec le
célèbre éditeur vénitien Ottavio Petrucci. Jusqu’à la fin du XVe
siècle, les œuvres musicales sont copiées dans des manuscrits à l’usage
des cours et chapelles d’Europe. Précurseur de l’imprimerie musicale,
Petrucci publie en 1502, 1504 et 1514 trois recueils de messes de
Josquin, soit quinze des dix-huit messes du compositeur. Cet hommage
est révélateur du talent et de la notoriété de Josquin de son vivant.
Nombre de ces messes sont par ailleurs copiées dans plusieurs
manuscrits. Mais les seules sources d’époque contenant les messes Mater Patris et Di Dadi sont les éditions Petrucci qui ont déjà publié en 1501, dans le recueil ‘Odhecaton’, le motet Mater Patris de Brumel, œuvre inspiratrice de la messe homonyme de Josquin.
Métamorphoses emploie pour ce programme six chanteurs: un
contre-ténor (Christophe Laporte), un ténor aigu (Vincent
Lièvre-Picard), un ténor (Eric Raffard), un baryton (Christophe
Gautier), un baryton-basse (Maurice Bourbon), une basse (Philippe
Roche). Les deux messes sont écrites la plupart du temps pour 4 voix,
parfois pour 2 ou 3, exceptionnellement pour 5 (Agnus 3 de la messe Mater Patris).
Ce nombre permet aux chanteurs un certain confort, grâce aux relais
qu’il rend possibles. Mais il autorise surtout des changements de
couleurs bienvenus au service de l’interprétation et de la musique,
comme par exemple dans l’alternance de quatuors opposés: l’un, dit plus
léger, avec contre-ténor, deux ténors et un baryton, l’autre, dit plus
lourd, avec un ténor en superius, deux barytons dans les voix
centrales, et la basse en bassus. Toutes les voix sont tenues par des
solistes, sauf occasionnellement, ici ou là, pour obtenir certains
effets. C’est le cas en particulier de la teneur de la Di Dadi, toujours confiée à deux chanteurs.
Souhaitons à l’auditeur qu’il partage notre plaisir... Plaisir de
l’interprète, empreint de respect, d’avoir le droit d’évoluer au sein
de ces pages magistrales...
Maurice Bourbon
Tarifs : 10€ / 5€ ; pré-achat possible aux caisses du musée.