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BRICH59
22 septembre 2006

Opinion et institution

Tôt ce matin, j'ai entendu un journaliste (France Info ou France Inter ?) dire que le ministre responsable du respect de l'ordre dans notre bon pays avait joué l'opinion contre les institutions, validant du même coup l'affirmation dudit ministre selon laquelle il disait tout haut ce que tout le monde pense en son fors intérieur (à savoir que la justice n'est pas assez répressive, etc.)...
Deux choses à dire rapidement là-dessus.

  1. Le terme opinion connaît une acception philosophique ancienne (cf. Platon) : l'opinion (la "doxa") fonctionne dans l'ordre de la vraisemblance, de ce qui "semble vrai", par opposition à ce qui est vrai ou vérifié (ordre de la science). En gros, l'opinion, c'est ce qui est simple à penser et ce qu'on a envie de croire sans réfléchir. Souvenez-vous de l'affaire d'Outreau.

  2. Le terme opinion connaît une acception socio-politico-médiatique contemporaine (cf. les enquêtes d'opinion) : l'opinion fonctionne dans l'ordre de la viabilité (du projet) politique, par opposition à la détermination raisonnée des responsables politiques. On est dans une opposition de type "gens de la rue" contre "élus au pouvoir". On est dans la construction de l'homme politique comme étant celui qui "ose parler", qui "ose dire tout haut...", celui qui a le courage de dire ce qui ne va pas, celui qui parle sans tabou, etc. Pensez aux pratiques lepénistes.

Ce qui est formidable avec notre ministre, c'est qu'il roule sur les deux acceptions dans le même mouvement, masquant les défauts épistémologiques de la première par la soi-disant force politique de la seconde. Le roi de la collusion - j'ai nommé notre Sarkozus, collusionis rex, collusionarum collusio - pratique la collusion des deux acceptions du terme opinion. Quoi de plus normal, en somme ! La collusion est une seconde nature chez lui. D'ailleurs, quand il dit ce qu'il dit concernant le travail de la Justice, il parle en tant que ministre, en tant que responsable du parti politique créé pour soutenir l'action de Jacques Chirac, en tant que candidat à la prochaine élection présidentielle, en tant qu'avocat, en tant qu'homme de la rue et de l'opinion ? Le sait-il lui-même ?

Tiens, si j'était lui, je proposerais le rétablissement de la peine de mort. Tout simplement parce que sa suppression avait été obtenu, en 1981, contre l'opinion publique (et contre l'avis de l'actuel Garde des Sceaux, alors jeune député à l'écoute de sa ruralité, mais c'est une autre histoire [cf. Le Canard Enchaîné de cette semaine]). En tout cas, je n'ai pas entendu le Garde des Sceaux défendre avec toute la fermeté qui conviendrait ici les juges conter les attaques de son collègue de l'Intérieur...
euh pardon : du patron de son parti politique...
euh pardon : de celui qui se voit bientôt Président de la République !


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