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BRICH59
12 novembre 2005

Surtout Monsieur, dîtes bien à Madame que ...

pour mon ami Grégoire

Quel plaisir de lire le compte rendu d'une étude tout à fait sérieuse énoncer, avec méthode et scientificité, ce que vous pensez à part vous et avec le sentiment de contrer l'opinion depuis des années !
Ce que je pensais ?
Que les femmes sont en partie mais très activement responsables du "désintérêt relatif des hommes" pour de nombreuses tâches familiales comme laver les sols, faire la lessive, repasser le linge de toute la famille (et pas seulement ses propres chemises !), faire la cuisine, s'occuper de leur progéniture etc. etc. Tiens, justement ! La progéniture, parlons-en, avec Sophie Odena et Thierry Blöss, sociologues du travail à l’Université de Provence (LEST), qui ont publié l'article « Idéologies et pratiques sexuées des rôles parentaux » dans Recherches et Prévisions de juin 2005 (p.77-91) - article que pointe l'Observatoire des inégalités.

  • Premier cran de l'histoire

« La petite enfance est un domaine où la coparentalité est peu active dans les faits. Les différentes étapes de la délégation de la garde de son enfant à un tiers, telles que la prise de décision, la procédure d’inscription, etc., soulignent l’omniprésence des femmes et le désintérêt relatif des hommes. Ce partage inégal des rôles parentaux se confirme dans les relations courantes instaurées avec le service de garde, les mères assurant la majorité des tâches et interactions quotidiennes liées à l’enfant, alors que les pères se singularisent par le caractère ponctuel de leurs interventions, signe manifeste et permanent de leur autorité.» (début de l'article de Sophie Odena et Thierry Blöss)
Effectivement, nous avons tous tant que nous sommes constaté cela un jour ou l'autre. Hélas !
Deux fois hélas, parce que ce n'est qu'un des aspects de la partie de l'iceberg du machisme triomphant !

Quand on enquête un tant soit peu sur les racines profondes de ce machisme triomphant, racines européennes (je ne connais pas les autres), on se rend vite compte que le triomphe en question est économique. Il est de l'ordre de l'avoir, pas de l'être. Il y a vingt-cinq siècles déjà, les athéniens avaient réglé leur compte aux femmes, pour ce qui concernait la transmission du patrimoine (pas le "matri-moine", mais bien le patri-moine), en déclarant "épiclère" la fille unique, qui, en tant qu'épiclère, ne disposait pas du patrimoine en héritage mais ne pouvait que le transmettre (à ses enfants mâles...). Essayez de faire le lien entre l'épiclère athénienne du cinquième siècle avant notre ère et la femme telle que la situe nos chercheurs provençaux, et vous verrez peut-être les choses d'un regard nouveau... Et même quand il n'y a pas de fortune en héritage, les femmes ne sont pas à la "bonne place", c'est-à-dire ne sont pas, de droit, les égales des hommes ...
Mais, en vivant dans le bassin minier lensois (il y a vingt-cinq ans), j'ai commencé à bien comprendre la manipulation idéologique qui fait sous-texte à toute cette histoire des relations contemporaines entre les hommes et les femmes.

  • Second cran de l'histoire

Quand on est étranger à la culture minière du bassin lensois (je suis parisien de parents francs-comtois : personne n'est parfait !), et qu'on entend dire "femme de mineur, femme de seigneur", on cherche à comprendre et on va voir de plus près ce que cela signifie dans la réalité. C'est ce que j'ai fait, alors même que l'industrie minière s'arrêtait et qu'une forme de cristallisation culturelle se produisait comme dans une volonté de survivre culturellement quand la vie économique fout le camp.
Ce que j'ai constaté, c'est que dans la famille de mineurs, le femme avait beau se dire femme de seigneur, elle n'en constituait pas moins le pôle économique référent de la famille : c'est elle qui tenait le porte-monnaie, c'est elle qui décidait des achats, etc. !
Alors pourquoi se clamer "femme de seigneur", manifestant ainsi un devoir de corvéabilité. Hypothèse d'un étranger néophyte en matière historienne : le rythme de travail du mineur et la pénibilité extrême de son labeur au fond étaient tels que sa femme ne pouvait que tout organiser à partir d'eux. Bref, il y a sans doute là une explication à la contradiction entre le pouvoir domestique et économique de la femme, d'une part, et son allégeance au mari, d'autre part.

Reste que j'ai poussé mes investigations plus loin et sortant de la condition minière. Observant en silence, je suis arrivé à la conclusion que le cantonnement des femmes dans les tâches domestiques est, pour elles, une position de force dans les relations femme/mari et leur assure un pouvoir impressionnant et invincible... Ce message est déjà trop long pour un blog, et nous rediscuterons de cela ensemble si vous le voulez bien. Mais quand je lis l'article de Sophie Odena et Thierry Blöss, je jubile : enfin, la machination féminine est mise à jour. En effet, cet article montre « comment les institutions de socialisation de la petite enfance - les crèches collectives et les assistantes maternelles - [toutes institutions dirigées par la gente féminine, si je ne m'abuse !], contribuent à leur manière à reproduire cette division sexuée des rôles parentaux. La survalorisation du rôle maternel » qu’elles pratiquent, en s’appuyant sur des arguments psychologiques, affectifs ou médicaux, conforte ainsi la hiérarchie sexuelle des responsabilités entre parents.» Sous couvert de se plaindre que les hommes leur laissent tout le sale boulot à la maison, elles entretiennent leur propre pouvoir domestique - sans partage. On dit bien langue maternelle - et non paternelle - pour désigner la langue que les enfants apprenent dans leur prime quotidien ! Quel pouvoir ! Et le reste suit... Et j'ai à votre disposition des exemples puisées dans ma vie personnelle qui a eu le bonheur de connaître une rupture conjugale et où la justice - qui se dit au féminin concernant les affaires familiales - a eu à trancher, à trancher abusivement dans le vif de la relation entre un père et ses enfants...

Bref, j'ai toujours été convaincu que le machisme des hommes arrangeait bien les affaires des femmes et qu'elles avaient donc objectivement intérêt à entretenir ce machisme - que par ailleurs elles dénonçaient dans leur parole publique... Le problème, c'est que, disant cela, je me faisais taxer de je ne sais quel défaut congénitalement masculin !


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Commentaires
G
Je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'une conspiration féminine, peut être simplement une réaction à une réalité culturelle et économique. Les "convenances" brident les relations entre adultes mariés des deux sexes, donc quand un homme papa débarque dans un groupe de mamans, il y a un temps de suspicion... à commencer par la suspicion des conjoints masculins qui diront "kes ki veut cui là, y vient draguer ou quoi ?"<br /> <br /> Dans les milieux moins traditionnalistes, ce problème est moins pregnant.. <br /> <br /> Sur la question pourquoi la petite enfance n'emploie que des femmes (ce qui n'est pas vrai, il y a des hommes aussi dans la puériculture) je pense que c'est surtout parce que c'est un boulot mal payé et donc réservé aux femmes pour cela.<br /> <br /> Je recommande les travaux de Marylin Warring "Counting For Nothing: Women's role in Economy" et son excellent documentaire "Shit Shit Work".<br /> <br /> Bises !
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