Surtout Monsieur, dîtes bien à Madame que ...
pour mon ami Grégoire
Quel plaisir de lire le compte rendu
d'une étude tout à fait sérieuse énoncer, avec méthode et
scientificité, ce que vous pensez à part vous et avec le sentiment de
contrer l'opinion depuis des années !
Ce que je pensais ?
Que les
femmes sont en partie mais très activement responsables du "désintérêt
relatif des hommes" pour de nombreuses tâches familiales comme laver
les sols, faire la lessive, repasser le linge de toute la famille (et
pas seulement ses propres chemises !), faire la cuisine, s'occuper de
leur progéniture etc. etc. Tiens, justement ! La progéniture, parlons-en,
avec Sophie Odena et Thierry Blöss, sociologues du travail à
l’Université de Provence (LEST), qui ont publié l'article « Idéologies et pratiques sexuées des rôles parentaux » dans Recherches et Prévisions de juin 2005 (p.77-91) - article que pointe l'Observatoire des inégalités.
- Premier cran de l'histoire
« La petite enfance est un domaine
où la coparentalité est peu active dans les faits. Les différentes
étapes de la délégation de la garde de son enfant à un tiers, telles
que la prise de décision, la procédure d’inscription, etc., soulignent
l’omniprésence des femmes et le désintérêt relatif des hommes. Ce
partage inégal des rôles parentaux se confirme dans les relations
courantes instaurées avec le service de garde, les mères assurant la
majorité des tâches et interactions quotidiennes liées à l’enfant,
alors que les pères se singularisent par le caractère ponctuel de leurs
interventions, signe manifeste et permanent de leur autorité.» (début de l'article de Sophie Odena et Thierry Blöss)
Effectivement, nous avons tous tant que nous sommes constaté cela un jour ou l'autre. Hélas !
Deux fois hélas, parce que ce n'est qu'un des aspects de la partie de l'iceberg du machisme triomphant !
Quand on enquête un tant soit peu sur
les racines profondes de ce machisme triomphant, racines européennes
(je ne connais pas les autres), on se rend vite compte que le triomphe
en question est économique. Il est de l'ordre de l'avoir, pas de
l'être. Il y a vingt-cinq siècles déjà, les athéniens avaient réglé
leur compte aux femmes, pour ce qui concernait la transmission du
patrimoine (pas le "matri-moine", mais bien le patri-moine),
en déclarant "épiclère" la fille unique, qui, en tant qu'épiclère, ne
disposait pas du patrimoine en héritage mais ne pouvait que le
transmettre (à ses enfants mâles...). Essayez de faire le lien entre
l'épiclère athénienne du cinquième siècle avant notre ère et la femme
telle que la situe nos chercheurs provençaux, et vous verrez peut-être
les choses d'un regard nouveau... Et même quand il n'y a pas de fortune
en héritage, les femmes ne sont pas à la "bonne place", c'est-à-dire ne
sont pas, de droit, les égales des hommes ...
Mais, en vivant dans
le bassin minier lensois (il y a vingt-cinq ans), j'ai commencé à bien
comprendre la manipulation idéologique qui fait sous-texte à toute cette histoire des relations contemporaines entre les hommes et les femmes.
- Second cran de l'histoire
Quand on est étranger à la culture
minière du bassin lensois (je suis parisien de parents francs-comtois : personne n'est parfait !), et qu'on entend dire "femme de mineur,
femme de seigneur", on cherche à comprendre et on va voir de plus près
ce que cela signifie dans la réalité. C'est ce que j'ai fait, alors
même que l'industrie minière s'arrêtait et qu'une forme de
cristallisation culturelle se produisait comme dans une volonté de
survivre culturellement quand la vie économique fout le camp.
Ce
que j'ai constaté, c'est que dans la famille de mineurs, le femme avait
beau se dire femme de seigneur, elle n'en constituait pas moins le pôle
économique référent de la famille : c'est elle qui tenait le
porte-monnaie, c'est elle qui décidait des achats, etc. !
Alors
pourquoi se clamer "femme de seigneur", manifestant ainsi un devoir de
corvéabilité. Hypothèse d'un étranger néophyte en matière historienne :
le rythme de travail du mineur et la pénibilité extrême de son labeur
au fond étaient tels que sa femme ne pouvait que tout organiser à
partir d'eux. Bref, il y a sans doute là une explication à la
contradiction entre le pouvoir domestique et économique de la femme,
d'une part, et son allégeance au mari, d'autre part.
Reste que j'ai poussé mes investigations plus loin et sortant de la condition minière. Observant en silence, je suis arrivé à la conclusion que le cantonnement des femmes dans les tâches domestiques est, pour elles, une position de force dans les relations femme/mari et leur assure un pouvoir impressionnant et invincible... Ce message est déjà trop long pour un blog, et nous rediscuterons de cela ensemble si vous le voulez bien. Mais quand je lis l'article de Sophie Odena et Thierry Blöss, je jubile : enfin, la machination féminine est mise à jour. En effet, cet article montre « comment les institutions de socialisation de la petite enfance - les crèches collectives et les assistantes maternelles - [toutes institutions dirigées par la gente féminine, si je ne m'abuse !], contribuent à leur manière à reproduire cette division sexuée des rôles parentaux. La survalorisation du rôle maternel » qu’elles pratiquent, en s’appuyant sur des arguments psychologiques, affectifs ou médicaux, conforte ainsi la hiérarchie sexuelle des responsabilités entre parents.» Sous couvert de se plaindre que les hommes leur laissent tout le sale boulot à la maison, elles entretiennent leur propre pouvoir domestique - sans partage. On dit bien langue maternelle - et non paternelle - pour désigner la langue que les enfants apprenent dans leur prime quotidien ! Quel pouvoir ! Et le reste suit... Et j'ai à votre disposition des exemples puisées dans ma vie personnelle qui a eu le bonheur de connaître une rupture conjugale et où la justice - qui se dit au féminin concernant les affaires familiales - a eu à trancher, à trancher abusivement dans le vif de la relation entre un père et ses enfants...
Bref, j'ai toujours été convaincu que le machisme des hommes arrangeait bien les affaires des femmes et qu'elles avaient donc objectivement intérêt à entretenir ce machisme - que par ailleurs elles dénonçaient dans leur parole publique... Le problème, c'est que, disant cela, je me faisais taxer de je ne sais quel défaut congénitalement masculin !