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BRICH59
2 novembre 2004

Sens et références en documentation. Des pratiques bibliogaphiques à l'herméneutique documentaire [5]

[suite de ...]

L'exégèse et ses textes

Évoquant le présent travail (dans sa forme originelle de document d'accompagnement de l'Université d'été), Philippe Carré a un jour parlé d'une « exégèse bibliographique ». J'accepterai volontiers cette caractérisation, mais à une seule condition : que la connotation dogmatique en soit évacuée. Historiquement, en effet, la première grande exégèse fut biblique, où le travail du dogme fournissait les clés d'interprétation du « texte révélé » [L'exégèse comme discipline  théologique ; cf. François Laplanche, La  bible en France entre mythe et critique (XVI-XIXème  siècle), Paris : Albin Michel, 1994, 315 p.]. Cette condition acceptée, je prends volontiers à mon compte les autres dimensions de l'exégèse. Cette bibliographie veut être une œuvre à part entière - quand même elle se finalise, pour une part, dans une invitation à lire l'œuvre de Philippe Carré -, en même temps qu'une contribution à l'élaboration d'une méthodologie d'herméneutique documentaire attachée au domaine de la formation continue et des sciences de l'éducation.

Œuvre à part entière, cela signifie d'abord autonomie par rapport au texte-objet de l'exégèse. Le producteur du texte-objet est tout à la fois présent et absent de l'exégèse. Présent en tant que producteur originel sans lequel l'exégèse n'aurait pu même être imaginée comme possible, mais absent en ce que l'exégète travaille plus à la lisibilité du « monde » que déploie le texte au devant de lui qu'à expliciter les intentions de l'auteur qui a créé ce texte. Œuvre à part entière, cela signifie également que le présent texte est un nouveau texte, un texte qui finalement déploie un autre monde que celui du texte-objet.


Contribution à l'élaboration d'une méthodologie d'herméneutique documentaire, ce travail veut proposer autre chose qu'une bibliographie analytique ou qu'une synthèse documentaire. Travail documentaire classique, la bibliographie analytique pratique une sorte d'émiettement, chaque référence se fermant sur elle-même [Cette fermeture sur soi de la référence doit se comprendre dans son rapport aux autres références. En tant que pont, c'est-à-dire en tant que lien établi entre lecteur potentiel et texte, la référence est en soi ouverture.] et s'inscrivant dans un ordre externe de raisons [Cet ordre est dit externe à la référence en ce que l'écriture documentaire proprement dite est indépendante de l'ordre de classement des références entre elles. Ceci est l'une des manifestations tangibles de la pratique de l'émiettement.]. La bibliographie analytique ne crée pas de sens nouveau : elle livre une information sur. Ainsi, on qualifiera une présentation d'ouvrage de bonne quand elle sera en elle-même lisible certes, mais surtout quand elle rendra fidèlement compte de ce que serait le contenu de l'œuvre référencée. Quant à la synthèse documentaire, elle n'est que très rarement un travail documentaire, au sens où ce sont en général des chercheurs spécialistes du sujet traité, et non des documentalistes, pauvres « piétons du savoir », qui s'attellent à ce type de tâche [Il suffit de parcourir les  synthèses documentaires publiées régulièrement par la revue française de pédagogie pour s'en convaincre.]. L'écriture de la synthèse documentaire est déterminée par la problématique du chercheur. Là où la bibliographie analytique pêchait par souci de transparence et d'effacement du documentaliste devant le ce sur quoi elle informait, la synthèse documentaire va pêcher par souci de réduction orientée. Signalant une œuvre, la synthèse n'en retiendra que ce qui s'inscrit dans le mouvement de la problématique du chercheur qui la signe.

Dans l'exégèse bibliographique, au contraire, c'est la complexion de l'œuvre interprétée, c'est-à-dire la complexion de l'œuvre en tant qu'elle est interprétée, qui détermine l'écriture documentaire. Cela dit, il ne s'agit plus seulement d'informer sur, mais, plus globalement, de transformer, dans un travail en plusieurs temps de compréhension- décontextualisation-recontextualisation. Tout se passe comme si l'exégèse bibliographique ne pouvait venir qu'après la lecture, qui n'est, à bien regarder, qu'une entreprise où un texte est décontextualisé - tant du point de vue sociologique que psychologique - pour se laisser recontextualiser dans une nouvelle situation [Sur ce sujet, on peut consulter l'œuvre de Paul Ricœur, notamment les textes réunis dans Du texte à l'action. Essais d'herméneutique, II, Paris : Éditions du Seuil, 1986, 414 p.], et ce, sans que l'auteur du texte lu n'y puisse  rien...

à suivre


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